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Parole à Fanta et Osmani, médiateurs interprètes

Publié le : 20/09/2024

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Cet article est issu de la Lettre de l'asile et de l'intégration, newsletter bimestrielle de France terre d'asile qui propose un éclairage sur des problématiques liées à l'asile et l’intégration en France. Inscrivez-vous pour la recevoir !

Fanta et Osmani, respectivement malienne et afghan, sont tous deux réfugiés en France et « médiateurs interprètes » à France terre d’asile. Dans cet entretien, ils nous font découvrir leur métier, ses avantages et ses difficultés, ainsi que leurs motivations au quotidien et leurs projets pour l’avenir.

Composée d’intervenants sociaux et de médiateurs-interprètes, la maraude de France terre d’asile intervient quotidiennement sur les campements des personnes migrantes à Paris, avec pour mission de leur proposer des orientations adaptées et de les accompagner dans leurs démarches. Les médiateurs interprètes, qui ont souvent eux-mêmes connu un parcours d’exil, remplissent une mission précieuse d’intermédiaire pair auprès des personnes que la maraude rencontre : au-delà de l’indispensable interprétariat dans les langues qu’ils maîtrisent, et du lien de confiance établi à travers la médiation culturelle, ils conseillent les personnes sur leur situation administrative aux côtés des travailleurs sociaux.

Pourquoi avez-vous choisi d’exercer ce métier ? 

Fanta : Pendant 3 ans j’ai été interprète en langue peul et bambara, pour les victimes des conflits armés, dans la division des droits de l’homme des Nations Unies [au Mali]. Je me sentais utile, j’aidais les gens qui ne comprenaient pas et j’arrivais à bien les orienter. Je les sentais fiers de moi. Je suis ensuite venue en France dans le cadre d’une formation sur les droits de l’homme, et j’ai commencé à travailler à France terre d’asile pour faire de la médiation en langue peule.

Osmani : Dans ce métier, j’aime la justice sociale, et que chacun trouve sa place, même les personnes à la rue et dans une situation précaire. Malheureusement, je sais qu’il n’y a pas toujours de solutions pour chaque personne, mais nous faisons au mieux.

Vous avez vous-mêmes vécu un parcours d'exil, cela facilite-t-il votre mission d’accompagnement des personnes exilées ? 

Fanta : Comme je suis aussi réfugiée, je sais ce que les personnes exilées endurent, je sais ce qui les a fait fuir leur pays. Je pense être très bien dans ce métier : je peux aider et orienter ma communauté dans le cadre des demandes d’asile car j’ai fait le même parcours qu’eux. Bien que je travaille pour tout le monde, je suis proche de ma communauté car on parle la même langue.

Osmani : Bien sûr ! Comme j’ai été demandeur d’asile, je suis passé par le même parcours. Ça aide surtout pour les personnes qui viennent du même pays : on connait le code culturel, la langue et aussi les difficultés à s’intégrer en France. Le système français est complétement différent de ce qui existe chez nous, et c’est très difficile de s’adapter à une autre culture.

 

« Pour moi, il n’y a pas mieux qu’être utile aux autres »

Qu'appréciez-vous le plus dans votre travail ? 

Fanta : J’apprécie le fait que je puisse être utile, sensibiliser les gens et qu’ils me fassent confiance. Ils viennent vers moi et m’exposent leurs problèmes : je les oriente et, pour moi, il n’y a pas mieux qu’être utile aux autres. C’est aussi encourageant de savoir qu’on arrive à débloquer les problèmes de certains, qui se disent fiers de nous, et disent qu’ils ont eu de la chance de nous croiser : ça pousse à continuer. Ce métier me permet aussi d’acquérir de nouvelles expériences de terrain et de connaitre les problèmes géopolitiques des différents pays.

Osmani : J’apprécie le lien social avec chaque personne que j’aide, leur montrer qu’elles ne sont pas seules. Elles sont dans des situations précaires et on leur apporte un soutien psychologique. Parfois on parle avec elles sans pouvoir faire grand-chose, on prend un thermos de thé ou de café : même s’il n’y a pas de solution, on peut juste discuter. J’aime bien aussi avoir les bonnes nouvelles, comme quand quelqu’un a trouvé un travail ou a reçu un statut ou un titre de séjour.

Quelles difficultés rencontrez-vous dans le cadre de votre métier ?

Fanta : Bien sûr, il y a beaucoup de difficultés, et chaque jour on entend des histoires qui sont un peu dures, qui peuvent nous affecter moralement : il faut être bien préparée mentalement face à ces personnes en détresse. On a tout de suite envie d’aider, de trouver une solution immédiate, mais souvent on ne peut pas… Certaines personnes s’accrochent beaucoup à moi quand je leur dis que je suis médiatrice, mais il faut suivre le chemin comme tout le monde, il ne faut pas se décourager et continuer à se battre.

Osmani : Parfois, c’est difficile lorsque les personnes sont « en fuite » parce qu’elles sont concernées par la procédure Dublin, ou quand elles sont déboutées de l’asile. C’est aussi difficile lorsque des personnes de mon origine pensent que je peux débloquer toutes les situations : malheureusement ça ne se passe pas comme ça, et ce n’est pas facile à dire. On prend du temps pour communiquer avec eux.

Quelles sont les compétences particulières que demande la fonction de médiateur/médiatrice ? Quels sont ses avantages sur le terrain ? 

Fanta : Il faut l’amour d’aider les autres. Ici, en France, on est chez nous sans vraiment l’être, il y a des gens qui ont quitté leur pays mais ne savent pas parler français. Ils ont besoin d’être écoutés et aidés, la traduction leur permettant de ne pas être mis à l’écart. Il est aussi important d’être patiente, de gérer son mental. Notre travail peut impacter quelqu’un qui n’est pas trop fort d’esprit, parce que quand tu rentres à la maison, les images, les histoires et les photos peuvent revenir à l’esprit. Il faut être préparée mentalement. 

Osmani : Dans ce travail, il est important d’être calme, d’avoir une maitrise de soi-même, d’être ouvert d’esprit parce qu’on est parfois confronté à des personnes qui ne sont pas contentes : si on se met en colère contre elles, ça créé des problèmes. Il faut prendre le temps de bien expliquer chaque situation. Le système administratif créé des problèmes car il y a beaucoup de procédures, par exemple avec l’ANEF qui laisse des personnes avec des récépissés expirés. Ça peut bloquer tous leurs droits.

 

« On ne peut pas résoudre les problèmes de tout le monde, mais on ne doit pas baisser les bras »

Pensez-vous continuer à exercer un métier dans le secteur du social dans le futur ?  

Fanta : Pour le moment, oui, parce que je travaille à l’orientation et l’accompagnement des réfugiés. J’aime beaucoup le domaine des droits de l’homme, défendre le droit des femmes, l’éducation des enfants, et surtout aider les réfugiés et victimes de conflits armés. J’aimerais aller sur le terrain international de l’aide aux réfugiés. On ne peut pas résoudre les problèmes de tout le monde, mais on ne doit pas baisser les bras. France terre d’asile doit continuer à se battre, pour les personnes réfugiées, pour les demandeurs d’asile, et même pour les sans-papiers. Moi, je n’ai pas la solution, mais je peux porter leurs voix, je peux informer. Il y a beaucoup de gens en détresse qui ont besoin des associations. L’essentiel c’est de ne pas abandonner. Il faut lutter jusqu’au bout !

Osmani : Oui ! J’aime bien et je vais continuer. On essaye de se battre, d’améliorer les choses et ce n’est pas facile. Il y a besoin d’une grande patience et de prendre le temps avec chaque personne, surtout quand on travaille avec des gens qui dorment dans un campement.