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100 jours de Macron : en matière d'immigration, un "immobilisme préoccupant"

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Directeur de l'association France terre d'asile, Pierre Henry dresse un premier bilan de la politique migratoire du nouveau locataire de l'Elysée.

Femmes et hommes politiques, économistes, chefs d'entreprises, syndicalistes… Chaque jour, pour "l'Obs", un expert ou une personnalité dresse le bilan des premiers pas d'Emmanuel Macron à la présidence de la République.

Pierre Henry est directeur général de l'association France terre d'asile et auteur du livre "le KO et la Fraternité" (éditions Hermann). Interview.

 

Votre impression sur les 100 premiers jours d'Emmanuel Macron en matière d'immigration ?

Tout dépend de la façon dont on aborde le rôle du président. S'il est là pour orienter une politique, définir des objectifs, alors il le fait avec clarté. Le 23 juin, à Bruxelles, lors d'une conférence de presse commune avec la chancelière allemande, Angela Merkel, il a dit : "Nous devons accueillir des réfugiés car c'est notre tradition et notre honneur." Le 27 juillet, à Orléans, lors d'une cérémonie de naturalisation, son discours a été encore plus clair : "Je ne veux plus, d'ici la fin de l'année, avoir des hommes et des femmes dans les rues, dans les bois. Je veux partout des hébergements d'urgence." Ces orientations du président sont d'ailleurs identiques aux engagements du candidat. J'ai soutenu Emmanuel Macron et je ne le regrette pas. C'est la première fois qu'un chef d'Etat français a une parole publique aussi forte dans le domaine de l'immigration.

Le problème, c'est que la réalité du terrain n'est pas conforme aux discours. Nous sommes beaucoup à nous inquiéter de l'absence de mise en œuvre des objectifs affichés. On ne voit pas très bien où on va. Il y a un immobilisme préoccupant, là où il faudrait de la volonté et de l'anticipation. On continue, comme par le passé, à se contenter d'une politique au jour le jour.

 

Quels sont les bons points ou les mauvais points que vous lui décerneriez ?

Ni bons points, ni mauvais points. Il faudrait davantage de cohérence entre le discours et la réalité du terrain, mais aussi entre le discours du président et celui de son gouvernement. Gérard Collomb, le ministre de l'Intérieur, s'est rendu à Calais le même jour que la conférence de presse commune d'Emmanuel Macron et d'Angela Merkel. Il a tenu des propos opposés à celui du président en insistant sur le fait que la mise en place d'un centre d'accueil créerait un "appel d'air" pour les migrants. Quand il a été interviewé par "le Journal du Dimanche" sur la façon dont il ferait en sorte qu'il n'y ait plus un migrant dans les rues avant la fin de la l'année, il a déclaré qu'il créerait des places supplémentaires en 2018 et 2019. C'est-à-dire qu'il n'a pas répondu à la question. Y aurait-il deux orientations ?

 

Quelle doit être la priorité d'Emmanuel Macron dans les prochaines semaines ?

Des engagements ont été pris pour la rentrée. La loi sur l'asile d'une part, la loi de finance 2018, d'autre part. C'est là qu'on verra si la question migratoire est ou non marquée de l'empreinte du président de la République. Pour mener une politique migratoire digne de ce nom, pour qu'il y ait adéquation entre les discours et les actes, pour ne pas être dans l'urgence permanente, il faut des moyens sur plusieurs années. Il faut un dispositif digne, protecteur, vertueux, pour le premier accueil, avec des centres de transit dans les grandes métropoles, pour l'orientation, et pour, ensuite, l'intégration et le retour.

Les postures ne suffiront pas. On parle là de plusieurs centaines de millions d'euros supplémentaires. Rappelons que l'Allemagne, dès 2015, a mis en place un plan pluriannuel de 75 milliards d'euros sur quatre ans. La génération d'Emmanuel Macron doit savoir que la question migratoire est devant nous et pour longtemps. On attendait du président qu'il casse les codes, qu'il permette que les politiques, les associatifs, les universitaires travaillent ensemble. Pour l'instant, je vois plutôt de la vieille politique.

 

Votre note ?

Je ne suis pas prof, mais je veux revoir la copie dans trois mois. Je ne peux pas évaluer quelque chose qui n'est pas achevé, qui est encore trop impressionniste. Le tableau n'est pas fini. Impossible de dresser un bilan à 100 jours. Peut-être à 200 jours.

 

Par l'Obs, le 17/08/2017