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Dilbirin vit en Allemagne depuis 2015. Il fait partie d'un groupe de Kurdes syriens connus sous le nom de Maktumin, qui n'ont jamais obtenu de nationalité. Sa seule preuve d'identité est un certificat de reconnaissance manuscrit du représentant de la communauté locale.
Les retards et complications auxquels Dilbirin et ses compatriotes Kurdes syriens sans nationalité ont dû faire face lorsqu'ils ont demandé l'asile en Europe, l’ont poussé à remettre en question ses motivations. Coincé dans un vide juridique, il envisage de demander à des passeurs de migrants de l'aider à retourner dans sa famille dans les camps de réfugiés du Kurdistan irakien.
Dilbirin fait partie des dizaines de milliers de migrants apatrides en Europe.
Les apatrides sont des personnes qui ne sont ni citoyens ni ressortissants d'un pays. Une personne peut être apatride pour différentes raisons, notamment:
- quand un pays a des lois sur la nationalité qui excluent certains groupes ethniques,
- quand un pays cesse d'exister.
Tous les apatrides ne sont pas des réfugiés, et tous les réfugiés ne sont pas apatrides. Cependant, dans le monde entier, au moins 1,5 million de réfugiés sont aussi apatrides, et un nombre encore plus grand de déplacés risquent de le devenir également.
Mohammad Al-Mustafa a quitté la Palestine avec ses parents à l'âge de cinq ans. Après avoir traversé la Syrie, l'Irak, l'Égypte, la Libye, l'Italie et la France, il a déposé une demande d’asile au Royaume-Uni en 2010. Le ministère de l'Intérieur l'a rejetée. Il a essayé à deux reprises de retourner en Palestine, mais n'a pas pu le faire parce qu'il n'avait pas de papiers.
En 2016, M. Al-Mustafa a insisté sur le fait qu'il était apatride, mais sa demande a été rejetée parce que le ministère de l'Intérieur n'a pas accepté qu'il était palestinien. Sans statut légal au Royaume-Uni et sans possibilité de retourner en Palestine, M. Al-Mustafa a été contraint de vivre dans la rue.
L'apatridie peut être à la fois une cause de déplacement ainsi qu’un résultat d’un déplacement.
Dans de nombreux cas, des individus et des groupes se voient refuser la citoyenneté en raison de lois et de politiques discriminatoires qui conduisent aussi à l'oppression et la persécution de ces individus. Ces facteurs peuvent forcer les gens à fuir le pays. Parfois, on les encourage même à partir ou à être expulsés.
Pour ceux qui sont déplacés mais ne sont pas apatrides, comme la majorité des Syriens qui sont arrivés en Europe depuis 2015, les circonstances instables qui résultent de leur déplacement augmentent considérablement le risque d'apatridie.
Les enfants nés en exil de parents réfugiés peuvent également être exposés au risque d'apatridie. Ces enfants peuvent devenir apatrides lorsque leurs parents ne peuvent pas remplir les conditions de nationalité du pays d'origine (comme la production de documents d'identité) et que le pays d'accueil n'accorde pas la nationalité aux enfants apatrides qui y sont nés.
De nombreux États, dont la Syrie, n'autorisent pas les femmes à transférer leur nationalité à leurs enfants nés à l'étranger. Si le père est inconnu, disparu ou décédé, l'enfant né en exil peut devenir apatride.
Si les apatrides peuvent être reconnus comme réfugiés et demander l'asile de la manière habituelle, ils sont plus vulnérables et jouissent souvent de moins de droits que les autres réfugiés :
- Les apatrides peuvent avoir plus de difficultés à demander l'asile en raison du manque de documents ou de la réticence de l'État à permettre l'entrée des apatrides.
- Les apatrides courent un plus grand risque d'être détenus ou renvoyés de force en raison de l'absence de certains documents d'identité.
- L'apatridie peut entraîner des restrictions à la liberté de circulation et des problèmes d'accès à l'aide et à l'assistance en raison du manque de documents. Les droits des apatrides varient d'un pays à l'autre.
- Les apatrides peuvent ne pas être en mesure de retourner dans leur pays d'origine une fois qu’ils n’ont plus la crainte d’être persécutés parce qu'ils ne sont pas des ressortissants du pays et n'ont pas le droit d'y entrer ni d’y rester.
Un réfugié apatride a des droits en vertu des conventions internationales sur les apatrides ainsi que de la convention sur les réfugiés. Cependant, les standards de protection de la Convention sur les réfugiés sont plus élevés que ceux de la Convention sur les apatrides, de sorte que les réfugiés apatrides n'apparaissent souvent pas dans les chiffres sur l'apatridie.
Les personnes qui demandent le statut d'apatride doivent prouver qu'elles ne sont ressortissantes d'aucun pays. Mais étant donnée la nature de l'apatridie, il est souvent impossible de fournir des preuves qui appuient cette affirmation. Il est donc conseillé aux autorités de ne pas placer la barre trop haut - comme pour la détermination du statut de réfugié, elles devraient établir "à un degré raisonnable" qu'une personne n'est considérée comme un ressortissant par aucun État.
Malgré cela, des apatrides sans documents pour appuyer leur demande d'asile ont parfois été accusés de fabriquer ou de présenter un dossier inadéquat. En 2015, plus de 100 apatrides ont été détenus au Royaume-Uni, sans nulle part où être déportés, selon Dilys Hartley, du Centre des droits de l'homme d'Oxford.
Les États ont le droit de décider qui sont leurs ressortissants. Mais selon le droit international des droits de l'homme, chacun a un droit fondamental à une nationalité. Plus de 60 ans après la Convention de 1954, le HCR a lancé #IBelong en 2014, dans le but de s'attaquer au problème d'ici 2024.
Pour commencer, le HCR souhaite que tous les pays d'Europe signent les deux accords internationaux : la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et la Convention de 1961 sur la réduction des cas d'apatridie.
En outre, les gens doivent être sensibilisés au problème et aux moyens de le résoudre. Il peut s'agir simplement de combler des lacunes dans les lois sur la citoyenneté, par exemple, pour que les bébés nés dans un pays, qui seraient devenus apatrides, deviennent citoyens du pays. De nombreux pays d'Europe, dont l'Allemagne, n'accordent pas automatiquement la citoyenneté aux enfants qui y naissent.
Info Migrants, Marion MacGregor, le 20 septembre 2018.