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Voilà qui va apporter de l'eau au moulin des opposants à l'accueil des demandeurs d'asile. L’homme tué cette semaine alors qu'il allait s'en prendre à un commissariat parisien vivait dans un foyer de demandeurs d'asile à Recklingshausen, ville de la Ruhr, a déclaré la police régionale. Une révélation qui risque d'être embarrassante au moment où la politique généreuse du gouvernement allemand à l’égard des réfugiés est décriée.
La police a perquisitionné ce foyer samedi, et « aucun indice de possibles autres attaques » n’y a été trouvé. La police n’a pas précisé si cet homme, dont l’identification est toujours en cours mais qui a été reconnu par ses parents et un cousin comme un Tunisien nommé Tarek Belgacem (et non un Marocain du nom de Sallah Ali, comme cela avait été évoqué dans un premier temps), était dûment enregistré comme demandeur d’asile en Allemagne. Mais une source proche du dossier a indiqué à l’AFP que c’était effectivement le cas.
Un an jour pour jour après les attentats contre Charlie Hebdo, ayant fait douze morts, l’homme est arrivé jeudi en courant vers les policiers devant le commissariat en brandissant un hachoir de boucher, et muni d’un dispositif explosif factice. Il n’a pas répondu aux injonctions de s’arrêter des policiers, qui ont alors ouvert le feu. Une profession de foi en faveur de l’Etat islamique (EI) a été retrouvée sur lui, de même qu’une puce téléphonique achetée vraisemblablement à Aix-la-Chapelle, ce qui a orienté les recherches vers l'Allemagne.
L’hebdomadaire Welt am Sonntag affirme que l’homme s’était fait enregistrer en Allemagne sous quatre identités différentes et en donnant des nationalités variables, syrienne, marocaine ou encore géorgienne. Il avait déposé sa demande d’asile sous le nom de Walid Salihi, selon le journal, et était connu pour ses sympathies djihadistes. L’homme avait peint un symbole de l’EI sur un mur de son foyer et, selon l’édition en ligne du Spiegel, aussi posé dans le centre avec un drapeau de l’organisation, ce qui a amené les autorités locales à le classer comme potentiellement dangereux. Toutefois, il a disparu de Recklingshausen au mois de décembre, ajoute Spiegel Online.
En France, les enquêteurs se sont évertués à retracer le parcours du téléphone retrouvé sur l'assaillant. Le mobile a été localisé le 24 décembre à Valenciennes, le 25 décembre à Paris, dans les IXè et Xè arrondissements, les 27 et 28 à Marseille. En début d’année, le bornage indique que le téléphone était revenu à Paris. Toutefois, la police doit encore acquérir la certitude que le téléphone était bien en possession du suspect et non d'un proche ou d'un éventuel complice durant toute cette période.
Interrogé dimanche matin lors du « Grand Rendez-Vous Europe 1/Le Monde/i-Télé », Bernard Cazeneuve a déclaré que l’assaillant n’avait pas de complices à sa connaissance. « J’appelle chacun », notamment les médias, « à la plus grande prudence », a ajouté le ministre de l’Intérieur au sujet des dernières informations concernant cet homme. « Ce que nous savons aujourd’hui », c’est « qu’il est sans doute d’origine tunisienne, que son nom serait Tarek Belgacem et qu’il aurait séjourné dans plusieurs pays de l’Union européenne, le Luxembourg, la Suisse, l’Allemagne. Pour ce qui concerne l’information qui est diffusée selon laquelle il aurait été dans un centre pour réfugiés en Allemagne et y aurait demandé l’asile, c’est une information que je ne peux pas confirmer parce que je ne suis tout simplement pas sûr qu’elle soit exacte ». Il n’a pas voulu en dire davantage sur les informations venues d’Allemagne, se retranchant derrière l’enquête en cours.
Le maire de Recklingshausen, Christoph Tesche, a fait part dimanche de sa « consternation » en apprenant que l’assaillant habitait dans sa commune. « Il reste de notre devoir de fournir un abri aux gens qui fuient leur pays car ils craignent pour leur vie. Mais il est aussi de notre devoir, notamment à l’égard des citoyens (en Allemagne), de faire en sorte que des gens ayant de telles intentions ne se cachent pas dans nos centres », a-t-il dit. En France, le directeur général de France terre d'asile, Pierre Henry, a lui aussi condamné ces actes.
L’affaire est en effet susceptible d’alimenter les critiques à l’égard de la politique d’ouverture aux réfugiés d'Angela Merkel, dont le nombre d’arrivées en 2015 a dépassé le million. La chancelière allemande a annoncé ce week-end des expulsions facilitées pour les demandeurs d’asile enfreignant la loi, sous la pression des agressions en série contre des femmes à Cologne le soir du nouvel an, pour lesquelles des réfugiés et immigrants illégaux sont « en grande partie » suspectés, selon la police locale. Une décision soutenue par le directeur général de France terre d'asile, Pierre Henry.
Le nombre de plaintes a grimpé entretemps de 170 à 379, dont 40% pour des agressions sexuelles. Et l’extrême droite a tenté samedi à Cologne même de récupérer le mécontentement de la population avec une manifestation qui a rassemblé 1 700 personnes, selon la police, et a été marquée par des heurts avec des participants.
Aux Etats-Unis, le milliardaire américain Donald Trump a soufflé sur les braises en dépeignant une image de chaos en Allemagne dont les réfugiés seraient responsables. « Pauvre Allemagne, ils créent une émeute dans les rues de Cologne ! », a clamé le candidat aux primaires républicaines, « ce qui se passe est incroyable, avec les crimes et les viols [...] les gens arrivent par millions et ce qui se produit en Allemagne est inconcevable ».
Concernant l’assaillant du commissariat, des zones d’ombres demeurent dans l’enquête, notamment sur son identité et son profil. Des Tunisiens se présentant comme des proches de l’auteur ont rejeté samedi tout lien avec des groupes extrémistes. « Pourquoi ont-ils tué mon fils ? Il est allé (au commissariat) pour son passeport », a réagi une femme, présentée comme la mère.
Des djihadistes ont été suspectés récemment d’agir en Europe en se faisant passer pour des réfugiés. Deux des kamikazes qui se sont fait exploser en novembre au Stade de France près de Paris sont soupçonnés d’avoir agi de la sorte, en passant par une île grecque, avec des passeports dérobés en Syrie.
Par AFP et Willy LE DEVIN, Libération, le 09/01/2016