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Parmi le flot incessant de migrants acheminés vers le hot spot de Lesbos, on distingue des petits groupes de très jeunes hommes. En 2014, 2 390 mineurs isolés avaient été enregistrés pour 77 000 arrivées. En 2015, alors que plus de 850 000 personnes ont débarqué en Grèce, le nombre de jeunes identifiés est resté stable. Entre une procédure d’enregistrement et d’identification expéditive et des adolescents qui se déclarent adultes ou accompagnés pour pouvoir rejoindre leur destination finale, des milliers d’enfants se retrouvent livrés à eux-même sur les routes d’Europe.
Même pour ceux qui sont identifiés et reconnus mineurs après une rapide évaluation sociale, la prise en charge est compliquée. Les jeunes enregistrés aux points d’arrivées peuvent rester jusqu’à 10 jours dans les centres dits de « premier accueil », des centres de rétention améliorés, jusqu’à ce qu’une place dans un centre d’accueil de longue durée soit trouvée. Or la Grèce ne compte que cinq centres pour MIE, d’une capacité de 25 à 50 places chacun. Le roulement est seulement assuré par le taux de fugue de plus de 80%, les jeunes ne voyant pas de futur en Grèce ou de perspectives réalistes de rejoindre légalement leur famille présente dans un autre pays européen. Sofia Kouvelaki, de la fondation Bodossaki, explique que le manque de tuteurs ne favorise pas la stabilisation. Sa fondation coordonne un réseau de tuteurs : elle constate que les jeunes suivis ont plus tendance à rester dans les centres.
Pour limiter le temps passé en rétention, des centres de transit ont été ouverts près des points d’arrivées, dont un à Lesbos, géré par l’ONG Metadrasi et financé majoritairement par une association de la diaspora grecque aux Etats Unis. La jolie petite maison, ouverte en décembre en bordure de la capitale de l’île, accueille parfois de très jeunes enfants, de 3, 5, 6 ans, dont un parent se trouve en Europe et les a confié à un « oncle » pour la traversée. La coordinatrice du centre raconte l’histoire symptomatique d’un père réfugié statutaire en Allemagne, dont les trois enfants de 3 à 7 ans sont arrivés à Lesbos par la mer. Le père est venu les retrouver, mais ne peut pas les emmener avec lui. Il doit attendre l’issue d’une demande de regroupement familial via le Règlement Dublin, qui risque de s’éterniser. Lui ne peut rester que trois mois et pendant ce temps les autorités allemandes menacent de suspendre ses droits sociaux puisqu’il a quitté le pays...
À Athènes, on nous explique la difficulté d’un centre d’accueil de gérer un garçon d’à peine douze ans, embrigadé par Daesh et victime d’un lavage de cerveau par l’organisation terroriste, qui force ses petites recrues à visionner pendant des heures des scènes de décapitation. Les psychologues tentent patiemment de le ramener à la réalité...
La situation des mineurs isolés en Grèce peut paraître une goutte dans la mer des problèmes que connaît le pays. Mais nous ne pouvons nous résigner. Alors une nouvelle fois nous allons plaider : identification, protection, réunification et relocalisation. Et si nous parvenons à en protéger ne serait-ce qu'un seul de plus ...
Hélène Soupios-David, Service Europe de France terre d'asile, et Pierre Henry, Directeur général de France terre d'asile
Centre d'accueil pour MIE à Lesbos
© Photos par France terre d'asile
Zoom sur...Quelle prise en charge pour les mineurs isolés étrangers en Grèce ?Le droit grec prévoit des dispositions spéciales pour les mineurs isolés étrangers. Reconnus comme personnes vulnérables, des dispositifs spécifiques existent pour leur identification. L’évaluation de l’âge se fait par le biais d’une évaluation psycho-sociale à laquelle peut être ajouté un examen médical. En pratique, dans les points d’arrivées, comme à Lesbos, les autorités ont rarement la capacité de demander un examen médical et se fondent sur la déclaration du jeune et une évaluation sociale. Durant la totalité de la procédure, la personne se déclarant comme mineure doit être traitée comme telle et ne peut donc être retenue dans un centre de détention. Les jeunes de moins de 14 ans ne peuvent demander la protection internationale que par l’entremise d’un représentant légal, représentation prévue par la loi mais rarement respectée. La prise en charge des mineurs est effectuée par EKKA, le Centre national de sécurité sociale depuis 2012. Comme l’illustre le rapport d’AIDA sur la Grèce, il n’y a pas assez de tuteurs légaux et les associations s’investissant dans le secteur ne peuvent remplir toutes les obligations juridiques nécessaires. De plus, AIDA a reporté plusieurs cas de détention de mineurs, ainsi que des cas de séparation de fratrie lorsque celle-ci était composée d’un mineur et d’un adulte. En outre, l’identification de ces individus laisse à désirer et, effectuée par Frontex, la dimension sécuritaire a souvent tendance à prendre le dessus sur les prérogatives sociales et humaines. En 2014, 2 390 mineurs isolés avaient été enregistrés pour 77 000 arrivées. En 2015, alors que l’enregistrement des migrants a atteint le nombre record de 800 000 personnes, l’identification de seulement 2 248 enfants témoigne de l’échec des autorités à prendre en charge cette population de manière effective. À leur arrivée sur les îles grecques, les mineurs isolés sont pris en charge dans des centres de transit avant d’être acheminés vers des centres sur le continent. 80% des jeunes s’enfuient peu après leur arrivée dans les 17 centres spécialisés du pays disposant de 432 places.
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