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Jour 1 - Athènes, de Charybde en Scylla

Un soleil radieux inonde Athènes. C'est le premier jour de printemps, « un signe d'hospitalité entièrement grec », me glisse mon hôte de quelques heures. Et pourtant, dans les têtes, c'est le brouillard le plus complet qui domine face à l'avenir de la crise migratoire et à la pression européenne pour que la Grèce fasse plus et mieux. Plus et mieux ? L'ancien ministre qui me reçoit, lui-même un temps réfugié en France, hausse les épaules.

L'UE menace de sortir la Grèce de Schengen ? Mais où avez-vous vu que la Grèce avait une frontière commune avec un pays membre de l'espace Schengen ? C'est une mesure vexatoire, une mesure symbolique qui n'aura aucun effet sur la crise migratoire, mais qui nourrira la contre-révolution culturelle, le sentiment nationaliste, m'assure-t-il. L'UE veut que la Grèce retienne les réfugiés mais elle ne le peut, ni ne le veut.

Reprenons. Pendant que l'Europe adopte en septembre dernier le principe de relocalisation de 160 000 personnes dont 64 000 à partir de la Grèce, la capacité d'accueil du pays est la suivante : 1 400 places pour demandeurs d’asile. Six mois plus tard, rien n'a changé. Le gouvernement parle, lui, de 10 000 places, mélangeant allègrement places créées, places à créer et places en centres de rétention, appelés pudiquement ici centres de premier accueil.

80 millions d'euros ont bien été promis prévoyant la création de 20 000 places d'hébergement en appartement et en hôtel, mais à un coût tel que l'accompagnement social et juridique n'est nullement garanti et que les ONG de la société civile grecque ne se précipitent pas pour aider à leur création. Dans quelques jours, dans quelques mois, l'UE forcera la main à la Grèce pour qu'elle retienne les réfugiés. Ce sera en pure perte et en pur désordre. De celui qui alimente la peur qui nourrit les extrêmes. L'armée sera déléguée pour gérer les « hotspots ». L'armée? C'est à peu près la seule institution qui tient debout, semblent convenir dans un bel élan tous mes interlocuteurs. L'armée qui est sous les ordres du ministre de la Défense, affilié au parti Grec indépendant (sorte de Debout la France en plus dur...), l'encombrant allié de Tsipras.

Il se murmure ici que Les Pâques grecques (1er mai) pourraient bien annoncer une nouvelle consultation populaire....

Pierre Henry, Directeur général de France terre d'asile

 

 

Rétablissement temporaire des frontières dans lespace Schengen

 

 

Zoom sur...

L'asile en Grèce

Le système d’asile grec est dysfonctionnel depuis de nombreuses années et ces dysfonctionnements ont été mis en lumières par l’augmentation du nombre d’arrivées en 2008-2010 : un nombre très limité de demandes d’asile étaient enregistrées par an et le taux de reconnaissance était en dessous des 1%.

Une nouvelle procédure et de nouveaux services dédiés ont été mis en place à partir de 2013 sans parvenir à résoudre tous les problèmes. Suite à une décision de la Cour européenne des droits de l’homme, en 2011 (MSS c. Grèce et Belgique), plus aucun demandeur d’asile n’est renvoyé vers la Grèce depuis les autres Etats européens, la Cour ayant considéré que les demandeurs d’asile étaient exposés à des traitements inhumains ou dégradants du fait des dysfonctionnements de la procédure d’asile, des conditions d’accueil inexistantes et des conditions en rétention.

Alors que le nombre d’arrivées avaient diminué et que les regards se concentraient sur l’Italie, la situation a brusquement changé à l’été 2015. Sur toute l’année 2015, plus de 855 000 personnes ont débarqué sur les côtes grecques, dont près de 500 000 à Lesbos,  mais seulement 13 197 d’entre eux y ont déposé une demande d’asile, dont 682 à Lesbos.

Le système déficient et les maigres perspectives d’intégration dans un pays ravagé par la crise depuis 2008 sont parmi les facteurs incitant les migrants à poursuivre leur voyage.

Les demandes d’asile peuvent être déposées soit à l’office central du Service de l’asile, à Athènes, soit dans ses bureaux détachés. Des bureaux ont été ouverts sur les principales îles du Dodécanèse, comme à Lesbos.

Si le nombre de demandes enregistrées, la qualité des décisions rendues et les capacités d’accueil ont été augmentées, les problèmes persistent. Le service de l’asile est saturé, rendant difficile l’accès à la procédure et seules 1 400 places dans des centres d’accueil sont actuellement disponibles.

Pour plus d’informations : AIDA National Country Report Greece, mise à jour en septembre 2015