Suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février et le nombre exponentiel d’Ukrainiens se réfugiant dans les pays frontaliers de l’Union européenne, la directive « protection temporaire » va être activée pour la première fois depuis son adoption en 2001. Nous faisons le point sur ce que prévoit ce texte.
Adoptée en 2001 dans le contexte de la guerre en Ex-Yougoslavie puis du Kosovo, la Directive « protection temporaire » émane du souhait des Etats membres de se doter d’un instrument législatif capable de répondre aux situations d’afflux massif de personnes en besoin de protection ne pouvant pas rester dans leur pays d’origine notamment « en raison d’une guerre, de violences ou de violations des droits de l’Homme » et qui ne peuvent pas y retourner. Afin d’être activée, il est nécessaire que le Conseil européen adopte une décision en ce sens à la majorité qualifiée, c’est-à-dire par au moins quinze Etats membres. La décision doit établir une description des groupes spécifiques de personnes auxquels s'applique la protection temporaire et fixer la date à laquelle elle entrera en vigueur.
Elle permet de fournir un statut de protection temporaire et immédiat basé sur des critères communs dans l’ensemble des pays de l’UE, mais qui diffère du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire. Cette protection est prévue pour une durée d’un an pouvant être renouvelée jusqu’à trois ans maximum. Les bénéficiaires ont accès au travail, à un hébergement ou à une aide financière pour en trouver un, à une aide sociale, aux soins médicaux, à l’éducation et à l’unité de la famille. Cette procédure se situe hors du champ de l’asile au sens strict, mais les personnes sous protection temporaire peuvent déposer une demande d’asile à tout moment.
S’appuyant sur des normes minimales pour l’octroi d’une protection à caractère exceptionnel, la directive a pour objectif d’éviter que les autorités chargées de l’asile ne soient submergées et ne puissent pas protéger rapidement et efficacement ceux qui en ont besoin en offrant une procédure allégée et censée être rapide.
La particularité de la Directive tient aussi au fait qu’elle prévoir également un système de répartition des bénéficiaires entre les différents États selon leurs capacités d’accueil, avec pour objectif d’assurer un équilibre entre les efforts des États membres. Chaque Etat membre doit communiquer ses capacités d’accueil et les transferts d’un Etat à l’autre ne peuvent se faire qu’avec l’accord de la personne transférée.
Dans sa transposition en droit français, la protection temporaire consiste en un titre de séjour provisoire. Si l’application précise de cette protection doit être déterminée par décret, le Ceseda indique déjà que les bénéficiaires de la protection temporaire pourront bénéficier de l’allocation pour demandeurs d’asile.
Evoquée à plusieurs reprises, notamment suite au nombre de plus en plus grand d’arrivées de personnes en besoin de protection sur le territoire européen en 2015 ou encore dans le contexte de la reprise du pouvoir par les Talibans en Afghanistan durant l’été 2021, la directive n’a pourtant jamais été appliquée depuis son adoption. Selon un rapport d’analyse de la Commission européenne, la définition très large du terme « arrivée massive », censée traduire un atout de flexibilité s’est avérée en réalité être un point de blocage dans le processus d’accord entre les États membres. Par ailleurs, si la directive offre un cadre clair et efficient, la complexité de la procédure d’activation liée au besoin d’un accord entre les États, qui nécessite concertation et coordination, a pour l’instant rendu son déclenchement difficile.
Toutefois, à l’issue d’une réunion extraordinaire des ministres de l'intérieur de l'UE dimanche 27 février pour discuter de la réponse européenne à apporter aux réfugiés ukrainiens, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a annoncé que la France allait proposer l’activation de la directive de protection temporaire jeudi 3 mars, lors du prochain Conseil « Justice et Affaires intérieures », précisant que la proposition avait reçu un « immense soutien » de la part des députés européens.
Lors du Conseil Justice et Affaires intérieures qui s’est tenu jeudi 3 mars à Bruxelles, les ministres européens ont adopté à l’unanimité le déclenchement de la directive « protection temporaire » de 2001. Elle permet de contourner la procédure d'asile pour éviter une surcharge aux autorités en cas d’ « arrivée massive » de personnes en besoin de protection en offrant une voie rapide et simplifiée pour accéder à une protection dans toute l'UE.
Que contient cette protection ?
-> L'hébergement ou des moyens de subsistance
-> L'accès à la santé
-> L'accès au travail
-> L'accès à l'éducation
Qui pourra en bénéficier ?
-> Les Ukrainiens, les réfugiés en Ukraine et leurs familles, résidant en Ukraine avant le 24 février
-> Les étrangers résidents permanents en Ukraine avant le 24 février qui ne peuvent pas retourner dans leur pays
-> D'autres catégories si les Etats membres le décident