Edito
Un 11 mai heureux
Alors que l’Europe, épicentre de la pandémie se dirige peu à peu vers un déconfinement généralisé, chacun tente de se projeter dans le futur et anticipe un retour à une vie normale, c’est-à-dire connue. Quelques jours après l’annonce du Premier ministre, le 14 mars dernier et l’annonce des mesures de limitation de la liberté d’aller et venir à un kilomètre de chez soi, toutes nos organisations, nos représentations mentales ont été bousculées. En 72 heures, l’appareil social s’est affaissé. Dans le secteur des migrations et de l’asile, les services des préfectures accueillant du public mais aussi les organismes publics comme les associations ont été contraints à la fermeture ou à une réduction drastique de leurs services.
Un droit fondamental, celui de demander asile, a été suspendu face à la primauté de l’Etat d’urgence sanitaire et à ses contraintes de sécurité et de santé pour tous. La justice a été saisie. Elle est partenaire avec le politique de l’Etat de droit, n'est-ce pas?
Simple question de temps, ou tendance de fond ? Le temps de la recherche, de la saisonnalité du virus diront les plus optimistes et les plus rationnels mettront fin à ce prompt grignotage des libertés. Mais avec les théories de la démondialisation, de désinternationalisation des flux migratoires, il se pourrait bien cependant que la peur gagne du terrain. Et de cette épidémie-là, il faut se méfier. C’est celle qui transforme la souveraineté en national, qui pense la frontière comme un mur infranchissable. C’est qu’elle est vorace la peur et que son mets préféré s’appelle souvent liberté. Alors soyons prudents, certes, soyons sûrement fiers de notre Etat social, mais surtout soyons vigilants pour les libertés et le 11 mai, rappelons-nous la formule de Voltaire « j’ai décidé d’être heureux, c’est bon pour la santé ».
Pierre Henry, Directeur général de France terre d’asile
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