- Accueil
- France terre d'asile
- Histoire
- 1971-1980
- 1980-1998
- 1998-2006
- 2006 à nos jours
- Organisation
- Notre gouvernance
- Nos établissements
- Notre organisation
- Nos actions
- Notre expertise
- Infos migrants
- Faire un don
- Rejoignez-nous
C’est bon, vous n’êtes plus en voiture ?
Non c’est bon, allez-y.
Tout d’abord, quelle a été votre réaction lorsque vous avez découvert le concept de mariage gris ?
Un certain ébahissement. Qu’on puisse introduire cette notion aussi floue, aussi peu précise dans le droit, qu’on puisse en faire un sujet de législation ça m’a totalement stupéfait. Je me suis dis que c’était invraisemblable que ce thème soit repris à un si haut niveau. Si parfois il y a fraude – et c’est totalement à la marge - ça ne mérite pas d’en faire un sujet de société, un sujet législatif. L’arsenal pénal est totalement suffisant pour punir toute personne qui détourne l’institution du mariage.
Donc principalement de la surprise ?
Evidemment je ne suis pas naïf, donc j’ai bien vu à quoi cela pouvait être utilisé : c’était une entrée supplémentaire pour fustiger l’image de l’étranger. On construit une image de l’étranger fraudeur qui est négative y compris à travers une fraude supposée aux sentiments. Et on en fait une généralité.
Qui exploite cette image d’après vous ?
La problématique a été montée par une association, l’Association Nationale des Victimes de l’Insécurité (ANVI), dès 2003, avec des problématiques qui étaient très très proches de l’extrême-droite. Et par une popularisation de ces thèmes par des sujets dans le 20h de TF1. Et j’ajoute de plus que même au plus haut niveau, Maxime Tandonnet, conseiller de Nicolas Sarkozy à l’immigration, portait aussi cette thématique. J’ai été très étonné qu’en matière de définition de politique migratoire, le mariage gris prenait parfois une allure centrale.
La déléguée aux mariages gris de l’ANVI affirme avoir reçu plus de 6000 appels téléphoniques et assisté plus de 1200 personnes à ce sujet l'an passé. Ne pensez-vous pas que le problème mérite d’être traité ?
D’abord, il faut faire très attention dans les chiffres qui vous sont rapportés. Encore une fois je vous redonne les chiffres de mariages entre un français et un non-Européen : aux alentours de 45 000 par an. Je vous dis ça parce que certaines personnes, après une histoire d’amour passionnelle, peuvent aussi tout simplement rompre ! C’est la vie, voilà. Une fois sortie de la passion, la vie commune peut être plus compliquée que prévue. Mais je ne pense pas que ce problème mérite une solution au niveau national.
Avez-vous entrepris des actions contre cette mesure législative ?
Non, si ce n’est le travail permanent de déconstruction d’un discours dominant, en essayant de rappeler du bon sens. Il y a 40 à 45 00 personnes qui se marient chaque année avec des non-Européens. Il est possible qu’à la marge il y ait un certain nombre de fraudes, et l’arsenal pénal est là pour les punir, mais ce n’est pas nécessaire d’en faire un thème de campagne. Bien souvent, ce sont des histoires très douloureuses pour ceux qui les vivent, mais de là à en faire une composante centrale des politiques migratoires, il y a quand même un pas…
Comment est-ce que vous comprenez le terme : « gris » ?
Dans la symbolique, c’est la zone grise, indéfinie par nature. La notion même de mariage gris est assez curieuse, elle introduit une notion d’incertitude, de flou. Je ne veux pas y voir d’autres significations.
Le mariage gris se dit d’une union où l’étranger dissimule ses intentions réelles à son conjoint, à des fins financières ou en vue d’obtenir la nationalité. La loi Besson sur l’immigration du 16 juin 2011 fait entrer cette notion dans la loi, qui devient passible de 7 ans de prison et 30 000 euros d’amende.
Le Street Press, le 13/04/2012