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La France a décidé de suspendre « jusqu'à nouvel ordre » le transfert des demandeurs d'asile "dublinés" vers la Grèce, où leurs conditions de détention sont jugées contraires aux droits de l'homme.
« Je vous informe que les préfets ont reçu pour instruction de suspendre, jusqu'à nouvel ordre, les transferts vers la Grèce, et d'appliquer la clause de souveraineté », affirme Brice Hortefeux, selon une lettre adressée à l'organisation non gouvernementale France Terre d'Asile. L'accord européen dit "Dublin II" prévoit en effet que le pays compétent pour instruire la demande d'asile d'un migrant est celui où le requérant a déposé sa première demande, ou - ce qui est le cas le plus fréquent - celui où il a été pour la première fois repéré. Dès lors qu'un sans-papiers est interpellé, on relève en effet ses empreintes digitales. Celles-ci sont enregistrées dans une base de données, la borne Eurodac. Les autorités repèrent ainsi le pays par lequel on suppose que la personne est entrée clandestinement dans l'espace des vingt-sept. Les pays riches de l'Europe de l'ouest furent évidemment à l'origine de cet accord qui renvoie la responsabilité d'une immense majorité de demandes d'asile sur les pays pauvres de l'Europe de l'est.
Les personnes "dublinées" repérées sur le Calaisis sont généralement renvoyées vers la Grèce - pour les migrants venus du Moyen-Orient - et l'Italie - pour ceux venus d'Afrique. Les conditions d'accès à l'asile en Grèce sont telles que moins de 1 % des demandeurs d'asile obtiennent le statut de réfugié politique. A titre de comparaison plus de 8 % des personnes non dublinées dont la demande est instruite à Calais obtiennent l'asile.
Pour ces raisons, l'Allemagne, l'Autriche, le Danemark, la Finlande, la Norvège et la Suède avaient décidé de ne plus renvoyer leurs "dublinés" en Grèce, dès l'an passé. La France a rejoint ces pays en début de semaine.
Le 21 janvier dernier, la Cour européenne des droits de l'homme condamnait la Belgique pour avoir renvoyé un demandeur d'asile afghan en Grèce. La Cour estimait que « les conditions de détention et d'existence des demandeurs d'asile en Grèce ne sont pas compatibles avec les principes de la Convention européenne des droits de l'homme ». Il semble que la décision de la Cour européenne des droits de l'homme fait désormais jurisprudence. Tous les "dublinés" renvoyés en Grèce par les autres pays européens sont pratiquement assurés d'avoir gain de cause s'ils saisissent la justice. C'est « après étude approfondie des termes de cette décision » que Brice Hortefeux aurait pris sa décision. Jusqu'à cette décision de la Cour européenne, chaque État demeurait souverain de renvoyer le demandeur ou pour instruire son dossier.
Les "dublinés" ailleurs qu'en Grèce sont quant à eux toujours renvoyés vers le pays où ils ont été pour la première fois repérés.
Reste que cette lettre de Brice Hortefeux est datée du 28 février. Soit le lendemain de la prise de parole de Nicolas Sarkozy annonçant le remaniement ministériel. Quelle attitude adoptera maintenant le nouveau ministre de l'Immigration, Claude Guéant ?
Nord Littoral, le 04/03/2011