Septembre 2022
En décembre 2021, la Commission européenne a présenté une proposition de règlement visant à « faire face aux situations d'instrumentalisation dans le domaine de la migration et de l'asile ». La proposition introduit un mécanisme qui permet aux États membres de déroger à leurs responsabilités au regard du droit d'asile de l'Union européenne (UE) en cas de « situations d’instrumentalisation » de la migration. Ce mécanisme serait à la disposition permanente des États membres, qui pourraient l'invoquer dans de nombreuses situations, ce qui leur permettrait de déroger à leurs obligations selon leur bon vouloir.
Nous constatons que les États membres soutiennent largement la proposition de règlement et que la présidence tchèque du Conseil de l’UE entend adopter une position commune d'ici le mois de décembre. Ce règlement serait alors parmi les dossiers législatifs liés à l'asile les plus rapidement adoptés au sein du Conseil. La proposition permet aux États de déroger à la proposition de règlement sur les procédures d'asile de 2016 et à la proposition modifiée de 2020, à la proposition de refonte de la directive relative aux conditions d'accueil de 2016 et à la proposition de refonte de la directive sur le retour de 2018. Les dérogations sont conséquentes et impactent de manière significative les droits des personnes en quête de protection.
Les ONG signataires s'opposent fermement à l'introduction et à la mise en oeuvre du concept d'instrumentalisation et à sa codification dans le droit de l’UE. Nous rejetons également les réformes du droit de l’UE fondées sur des possibilités de dérogations massives au droit européen pour les raisons suivantes :
- C’est disproportionné : Les droits fondamentaux des personnes concernées par la proposition sont si restreints que cela soulève des doutes quant à la nécessité et à la proportionnalité des mesures. Nous contestons l'argument selon lequel les actions des gouvernements de pays tiers qui se servent des personnes en quête de protection internationale pour déstabiliser l'UE devraient avoir des conséquences négatives significatives sur les droits de ces dernières, en abaissant notamment les normes en matière d'asile et en rendant plus difficile l’accès à la procédure d’asile en Europe ;
- C’est contre-productif : Les dérogations disponibles de manière permanente porteront atteinte au Régime d’asile européen commun (RAEC) et en particulier à sa dimension communautaire. Conformément à la mise en garde de la Cour de justice de l’UE au sujet du recours abusif à l'article 78, paragraphe 3, les réformes créent le risque de décisions arbitraires, les États membres pouvant appliquer des normes différentes et choisir de participer ou non au RAEC selon leur bon vouloir. Le non-respect des normes européennes est déjà omniprésent et les États membres utiliseront la notion d’« instrumentalisation » pour justifier la non-application des règles ;
- C’est inutile : Le cadre juridique actuel offre déjà aux États membres une certaine souplesse pour faire face à l'évolution de la situation à leurs frontières, notamment en autorisant des dérogations, bien que celles-ci soient étroitement encadrées par les traités et la jurisprudence. Dans certaines circonstances, les États membres peuvent déterminer où les demandes d'asile doivent être déposées, prolonger le délai d'enregistrement des demandes d'asile et établir des normes moins strictes en matière de conditions matérielles d'accueil ;
- C’est erroné : Les pays ont souvent tendance à utiliser les personnes déplacées. Cela s'est produit tout au long de l'histoire et cela continue, affectant les États membres eux-mêmes, l'UE dans son ensemble et de nombreux autres pays dans le monde. Aucune raison logique ne justifie que la manipulation des personnes nécessite un régime d'asile différent. Les actions menées par les gouvernements de pays tiers pour déstabiliser l'UE devraient faire l'objet de mesures politiques visant ces gouvernements plutôt que les personnes en quête de protection, elles-mêmes victimes de ces agissements ;
- C’est injuste (envers les personnes en besoin de protection et certains États membres) : Les importantes disparités en matière de respect des obligations liées à l’asile entraînent une différence de traitement des personnes en quête de protection en fonction de leurs conditions d'arrivée. Cela entraîne également des responsabilités accrues pour les États membres qui respectent le droit. Un système permettant à certains États membres de déroger fréquemment - et donc d’appliquer des standards plus faibles – sous prétexte d’être confrontés à une situation d'instrumentalisation est susceptible d'avoir un impact sur les États membres qui continuent à appliquer des normes plus élevées, car le non-respect des standards de l’UE et du droit international favorise les mouvements secondaires.
Par ailleurs, il existe un risque que ces réformes nuisent au respect du droit de l’UE dans son ensemble. La mise en place d'un système permettant des dérogations au bon vouloir des Etats dans un grand nombre de circonstances (la plupart des situations aux frontières de l'UE), pourrait créer un précédent, en particulier lorsque l'État de droit est menacé partout en Europe. Rien ne prouve que le fait de permettre des dérogations encourage une meilleure mise en oeuvre ou un meilleur respect du droit d'asile européen en général.
Enfin, un cadre juridique qui permet aux pays de revoir à la baisse les standards de traitement des demandeurs d'asile et des réfugiés en cas de situations d’instrumentalisation (cas très fréquent) est susceptible d'être reproduit ailleurs dans le monde, mettant ainsi en péril le système de protection mondial.
Les États membres qui souhaitent améliorer le RAEC devraient chercher à adopter des réformes qui permettent aux systèmes d'asile de fonctionner efficacement, de protéger les droits, d’améliorer le respect des normes et de favoriser la confiance entre les États membres sur ce dossier politique épineux. Un accord sur la proposition de règlement relative aux « situations d’instrumentalisation » provoquerait l'effet inverse et entraînerait le démantèlement de l'asile en Europe, en permettant aux États membres de participer ou non au RAEC.
Signataires
Voir la liste complète des signataires et la version originale de la déclaration en anglais sur le site web du Conseil européen pour les réfugiés et les exilés (ECRE)
11.11.11
Action for Women Hellas
Amnesty International
Arsis - Association for the Social Support of Youth
AsyLex
Boat Refugee Foundation (Stichting Bootvluchteling)
Caritas Europa
Center for Research and Social Development IDEAS
Changemakers Lab
Child Circle
Conselho Português para os Refugiados (Portuguese Refugee Council)
Convive Fundación Cepaim
Danish Refugee Council (DRC)
Diotima Centre for Gender Rights & Equality
Dutch Council for Refugees
ECRE
Estonian Refugee Council
European Evangelical Alliance
European Lawyers in Lesvos (ELIL)
Fenix Humanitarian Legal Aid
Finnish Refugee Advice Centre
FOCSIV Italian federation christian organisations international volunteere service
France terre d'asile
Greek Council for Refugees (GCR)
Greek Forum of Migrants
Greek Forum of Refugees
HIAS Greece
Human Rights Watch
HumanRights360
I Have Rights
International Rescue Committee
Irida Women's Center
JRS Europe
Legal Centre Lesvos
Lighthouse Relief
METAdrasi
Mobile Info Team
Network for Children's Rights
Northern Lights Aid
Norwegian Refugee Councilk
OPU - Organizace pro pomoc uprchlikum
Oxfam
PIC - Legal Center for the Protection of Human Rights and the Environment
Platform for International Cooperation on Undocumented Migrants (PICUM)
PRO ASYL
Red Acoge
Refugee Legal Support (RLS)
Refugee Support Aegean (RSA)
Refugees International
SAFE PASSAGE INTERNATIONAL AMKE
Save the Children
Second Tree
Spanish Commission for Refugees (CEAR)
Still I Rise
Stowarzyszenie Interwencji Prawnej (Association for Legal Intervention)
Swedish Refugee Law Center
The Border Violence Monitoring Network
The Swedish Network of Refugee Support Groups (FARR)
Transgender Europe
Vluchtelingenwerk Vlaanderen
Yoga and Sport With Refugees
Action for Women Hellas
Amnesty International
Arsis - Association for the Social Support of Youth
AsyLex
Boat Refugee Foundation (Stichting Bootvluchteling)
Caritas Europa
Center for Research and Social Development IDEAS
Changemakers Lab
Child Circle
Conselho Português para os Refugiados (Portuguese Refugee Council)
Convive Fundación Cepaim
Danish Refugee Council (DRC)
Diotima Centre for Gender Rights & Equality
Dutch Council for Refugees
ECRE
Estonian Refugee Council
European Evangelical Alliance
European Lawyers in Lesvos (ELIL)
Fenix Humanitarian Legal Aid
Finnish Refugee Advice Centre
FOCSIV Italian federation christian organisations international volunteere service
France terre d'asile
Greek Council for Refugees (GCR)
Greek Forum of Migrants
Greek Forum of Refugees
HIAS Greece
Human Rights Watch
HumanRights360
I Have Rights
International Rescue Committee
Irida Women's Center
JRS Europe
Legal Centre Lesvos
Lighthouse Relief
METAdrasi
Mobile Info Team
Network for Children's Rights
Northern Lights Aid
Norwegian Refugee Councilk
OPU - Organizace pro pomoc uprchlikum
Oxfam
PIC - Legal Center for the Protection of Human Rights and the Environment
Platform for International Cooperation on Undocumented Migrants (PICUM)
PRO ASYL
Red Acoge
Refugee Legal Support (RLS)
Refugee Support Aegean (RSA)
Refugees International
SAFE PASSAGE INTERNATIONAL AMKE
Save the Children
Second Tree
Spanish Commission for Refugees (CEAR)
Still I Rise
Stowarzyszenie Interwencji Prawnej (Association for Legal Intervention)
Swedish Refugee Law Center
The Border Violence Monitoring Network
The Swedish Network of Refugee Support Groups (FARR)
Transgender Europe
Vluchtelingenwerk Vlaanderen
Yoga and Sport With Refugees