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Huit mois après la mise en œuvre du nouveau dispositif d’accueil, d’évaluation et d’orientation des mineurs isolés étrangers aussi appelée circulaire « Taubira », il nous semble indispensable d’effectuer un bilan attentif de l’application et des effets de la circulaire pour une prise en compte réelle du besoin de protection des jeunes. Celui-ci ne doit pas être occulté par des considérations exclusivement financières ou par la présence de filières qui ne peut être niée.
Rappelons d’abord que les mineurs isolés étrangers ne représentent que 3 % des effectifs globaux des mineurs protégés sur le territoire métropolitain.
Notre organisation salue la décision ministérielle de débuter sans tarder l’évaluation du dispositif en en confiant la mission à l’IGA, l’IGAS et l’IGSJ. Celle-ci permettra d’établir un diagnostic approfondi des dysfonctionnements qui peuvent déjà être repérés et qui compromettent la fluidité du dispositif comme le plein respect du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant. Nous en attendons des propositions concrètes de protection et de solidarité.
La répartition géographique, malgré des efforts à souligner, ne va pas sans difficulté pour les conseils généraux. Si certains jouent le jeu de la solidarité nationale, d’autres n’hésitent pas, par des pratiques ouvertement illégales ou masquées, à refuser tout accueil.
En outre, alors qu’un certain nombre de départements s’efforcent de faire évoluer leurs pratiques d’évaluation de l’âge conformément à la circulaire, une partie des juridictions persistent à ordonner systématiquement des examens d’âge osseux, sans prendre en compte les documents d’état civil ni les conclusions de l’évaluation sociale. Ces pratiques sont absolument contraires à la lettre de la circulaire. On relève également des cas de « double évaluation », au cours desquels des jeunes orientés vers un département pour leur prise en charge, après confirmation de leur minorité, se voient soumis à de nouvelles vérifications et laissés sans protection.
De son côté, France terre d’asile s’est investie dans la mise en œuvre de la méthode d’évaluation sociale qui s’appuie sur des préconisations déjà formulées par le Comité consultatif national d’éthique en 2005. Cette évaluation sociale nécessite, comme toute innovation, d’être expérimentée et progressivement ajustée. Soyons clairs, il n’existe que quatre alternatives. Ou nous restons dans une posture qui consiste à dire que tout jeune se déclarant mineur doit bénéficier d’une prise en charge dans un dispositif mineurs. Ou nous demeurons dans le statut quo d’une expertise médicale dont le manque de fiabilité est unanimement pointé. Ou nous inventons collectivement un outil idéal et incontestable d’évaluation de l’âge, une « pesée » magique et infaillible. Ou nous tentons de trouver une voie médiane et réaliste. C’est celle ce que nous avons choisie. Avec d’autres, nous nous efforçons de progresser en nous appuyant sur les ressources existantes et l’expérience de nos voisins européens.
Au-delà de la détermination de la minorité, reste posée la question de l’accès au séjour à la majorité qui implique une révision de la circulaire de régularisation du 28 novembre 2012 notamment pour les jeunes pris en charge par les conseils généraux.
Certes, la position d’une association comme la nôtre, qui maintient ses ambitions de plaidoyer tout en se risquant à l’action, n’est pas des plus confortables. Il est vrai que nous avons été récemment mis en difficulté dans la gestion d’un lieu de mise à l’abri à Paris en raison du nombre de personnes accueillies, de la durée et de l’incertitude juridique sur l’issue de cet accueil, ainsi que de l’instrumentalisation qui en a été faite par certains. Ceux qui restent dans des discours incantatoires auront certes l’immense bénéfice de ne jamais avoir à se confronter à ces réalités.
Pierre Henry, directeur général de France terre d’asile
Cp/ France terre d'asile, le 31/01/2014