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"On" ? "Des amis", affirme-t-il. "Des facilitateurs", corrige Jean-Louis De Brouwer, haut fonctionnaire de la Commission européenne qui s'est rendu sur place récemment. "Un réseau de trafiquants albanais", dit plus clairement un expert du Commissariat belge aux réfugiés et apatrides (CGRA).
Cette instance chargée de l'examen des demandes d'asile a vu arriver, depuis deux mois, quelque 800 personnes venues de villages albanophones de Macédoine et du sud de la Serbie. En huit semaines, les services belges ont enregistré plus de demandes de personnes issues de ces deux pays que depuis trois ans. Le pic a été atteint fin février. Sur place, on évoque des villages vidés de leurs habitants et, en réalité, des milliers de départs.
Il s'agit d'une conséquence inattendue, mais évidente, de la levée de l'obligation de visa pour les Macédoniens et les Serbes, instituée le 21 décembre 2009 par les autorités européennes. Cette décision est une étape dans un éventuel processus d'adhésion. L'Albanie pourrait être la prochaine bénéficiaire. Catherine Ashton, la haute représentante pour la politique étrangère, a évoqué récemment le lancement d'une négociation avec le Kosovo, même si cinq Etats de l'Union n'ont pas reconnu son indépendance, proclamée en 2008.
En Macédoine et en Serbie, des "agences de voyages" ont expliqué qu'un passeport suffisait pour décrocher, en Belgique, un titre de séjour, un travail ou, à défaut, une aide sociale et un logement. En tout cas, une chambre : Fedasil, le service officiel d'accueil, loue des chambres d'hôtel pour répondre à l'afflux de réfugiés. Le gouvernement multiplie les lieux d'hébergement et il vient de se voir condamné à payer de lourdes astreintes aux personnes qui sont laissées dans la rue.
Idriz n'en dira pas plus sur sa propre histoire. C'est un jeune Guinéen, un compagnon d'infortune auquel il s'est confié, qui raconte son voyage en autocar et l'arrivée au 59 bis de la chaussée d'Anvers, l'annexe de l'Office des étrangers, qui enregistre les demandes. Là, il s'est sans doute très vite rendu compte qu'il n'aurait droit à rien d'autre qu'à un séjour de trois mois. Il a invoqué les difficultés économiques et le chômage qui frappe 40 % de ses compatriotes mais cela n'a, évidemment, servi à rien.
Il aura donc investi, en pure perte, quelque 200 euros dans ce voyage. Dans des villages, certains ont vendu le peu qu'ils possédaient, une tête de bétail ou des pièces d'or, pour se retrouver dans le froid glacial du quartier de la gare du Nord, à Bruxelles. Leurs accompagnateurs les auraient déposés devant l'Office des étrangers.
Aujourd'hui, Idriz a deux possibilités : se fondre dans la clandestinité en rejoignant l'importante diaspora albanaise, ou monter dans l'un des autobus affrétés par les autorités belges. Deux convois ont déjà pris la route des Balkans.
Craignant une extension du phénomène, le gouvernement d'Yves Leterme a sorti les grands moyens. Le premier ministre belge a rencontré, le 8 mars, son homologue Nicola Gruevski, à Skopje. Melchior Wathelet, secrétaire d'Etat à la politique de migration et d'asile, s'est rendu dans les zones albanophones de Macédoine et de Serbie. "La situation y est très difficile, mais les autorités locales ont bien collaboré", dit-il. Des "agences de voyages" auraient déjà été fermées.
Aux dernières nouvelles, les "tour-opérateurs" auraient réorganisé leurs activités : ils privilégieraient désormais la Suède.
Par Jean-Pierre STROOBANTS
Le Monde, le 18/03/2010