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La Commission nationale de déontologie et de la sécurité (CNDS) dénonce des violences policières commises lors d’une intervention en février 2008 au centre de rétention de Vincennes.
Les faits remontent à la nuit du 11 au 12 février 2008. Le centre de rétention administrative (CRA) de Vincennes est alors le plus grand de France. Il peut accueillir jusqu’à 240 sans-papiers, retenus dans l’attente d’une probable expulsion. Les incidents s’y multiplient : tentatives de suicides, automutilations et mouvements de contestation sont courants. Quatre mois plus tard, le centre sera complètement détruit dans un incendie.
Le soir du 11 février, vers 23 heures, un groupe de retenus regarde la télévision dans la salle commune, lorsque les policiers leur demandent de se rendre dans leur chambre pour procéder au « comptage ». Cet appel du soir constitue un moment de « tension régulier », écrit la commission nationale de déontologie et de sécurité (CNDS) qui, saisie par la sénatrice communiste Nicole Borvo Cohen-Seat, vient de rendre un avis sur ces incidents. Les retenus refusent de se déplacer. La tension monte, la préfecture de police envoie du renfort : l’unité mobile d’intervention et de protection, qui repousse les retenus vers les chambres.
Un peu plus tard, alors que la tension est retombée et que les policiers veulent de nouveau procéder au « comptage », deux sans-papiers font « l’objet de violences illégitimes de la part d’un ou de plusieurs fonctionnaires ». Un policier, qui n’était pas en état de légitime défense, fait usage de son pistolet à impulsion électrique (Taser) à l’encontre d’un retenu. La commission dénonce donc « l’usage disproportionné d’une arme de quatrième catégorie » et appelle à des poursuites contre les responsables présumés. Elle déplore aussi que l’enquête de l’Inspection générale des services (police des polices) sur les faits concernés ne lui ait toujours pas été transmise. « Ce refus implicite ne peut que laisser planer la suspicion sur la gravité des faits que l’enquête IGS a pu établir », estime la CNDS.
Le Réseau d’alerte et d’intervention pour les droits de l’homme a annoncé qu’il allait saisir le Comité contre la torture des Nations unies et « réitère sa demande de voir interdire la dotation de Taser à l’ensemble des unités de police, de gendarmerie, des gardiens de prison, à l’exception des seules unités d’élite dans un cadre strictement défini ».
Marie Barbier
L'humanité, le 24 décembre 2009
C’est un tournant dans l’histoire de la politique française de lutte contre l’immigration irrégulière. À partir de la fin de la semaine, la Cimade, qui était depuis 1984 la seule organisation habilitée à intervenir dans les centres de rétention, devra désormais partager cette mission avec plusieurs autres organisations. Mettant un terme à une vive bataille juridique, le Conseil d’État a validé, le 16 novembre, l’entrée de ces nouvelles associations dans le dispositif d’assistance juridique aux personnes en procédure d’expulsion.
Forum Réfugiés se voit confier les centres de la région Sud-Est (Lyon, Marseille et Nice) ; France terre d’asile, une partie de la région parisienne et la Normandie (Palaiseau, Rouen…) ; l’Ordre de Malte, le Nord-Est (Lille, Metz…), et l’Asfam, plusieurs centres en région parisienne (Paris, Vincennes et Bobigny). La Cimade conserve pour sa part un grand secteur sud (Bordeaux, Toulouse…), Nantes et l’important centre du Mesnil-Amelot, proche de l’aéroport de Roissy au nord de Paris.
En ce qui concerne l’outre-mer, l’organisation protestante va continuer d’assurer cette mission dans l’attente d’une décision de justice sur le Collectif Respect, choisi par le ministère de l’immigration et dont la compétence soulève des doutes très sérieux.
Les nouvelles associations ont engagé une course contre la montre pour être opérationnelles début janvier, car elles n’ont été officiellement confirmées dans cette mission par les pouvoirs publics que le 16 décembre. « C’est vraiment très juste, on démarre dans des conditions un peu acrobatiques, regrette Julien Poncet, directeur général adjoint de Forum Réfugiés. Il a fallu résoudre plein de problèmes techniques, par exemple pour conserver le numéro de téléphone de la permanence dans les centres de rétention. »
Comme ses collègues des autres organisations, il affirme que les intervenants seront bien au rendez-vous. Les permanences sont confiées en général à des équipes de deux à quatre professionnels. Certains avaient été recrutés au début de l’été, avant que le juge administratif ne suspende, en référé, l’attribution de ces missions. D’autres sont les anciens salariés de la Cimade, qui ont donc simplement changé d’employeur. Ainsi, à Lyon et Nice, les chefs de service sont des anciens de la Cimade, précise Forum Réfugiés.
Alain de Tonquedec, directeur de la communication de l’Ordre de Malte, assure lui aussi que les 12 salariés recrutés pour intervenir dans quatre centres seront à pied d’œuvre. « Pour l’association, précise-t-il, les retards ont occasionné des charges, puisqu’il a bien fallu payer ces personnes depuis l’été. Le gouvernement s’était engagé à nous dédommager. Nous attendons qu’il tienne ses promesses. »
Tout en prenant acte de la décision du Conseil d’État, la Cimade regrette cet éclatement de la mission d’assistance aux étrangers. « On a tenté de convaincre qu’il valait mieux travailler autrement, rappelle Laurent Giovannoni, secrétaire général de l’organisation. Nous étions prêts à intervenir avec le Secours catholique ou d’autres sur l’ensemble des centres. Le gouvernement a préféré un système qui met en concurrence les différents prestataires. Nous sommes disposés à travailler avec tous, mais je ne cache pas que je suis dubitatif », dit le secrétaire général.
Les responsables des nouvelles associations qui se retrouvent régulièrement assurent au contraire que la coopération est déjà engagée. « Nous sommes en train de développer un logiciel ressources qui sera accessible à l’ensemble des intervenants des associations. Il s’agit par exemple de mettre en commun des informations sur la jurisprudence. » Les indications sur les personnes présentes dans les centres devraient être aussi mutualisées, car il arrive souvent qu’un étranger ait un proche ou un membre de sa famille dans un autre centre et il est alors essentiel d’appréhender l’ensemble du dossier.
Les associations se mettent également d’accord sur un référentiel commun qui devrait permettre de publier des statistiques ou un état des lieux de la rétention. L’enjeu est important, car le bilan annuel que dressait jusqu’à présent la Cimade représentait un moyen très précieux d’information de l’opinion publique. Fin octobre, le dernier rapport de la Cimade portant sur l’année 2008 établissait ainsi que 32 300 étrangers de 163 nationalités avaient été placés dans les 23 centres de rétention.
Seule présente dans les centres, la Cimade n’hésitait pas à jouer un rôle de contre-pouvoir pour dénoncer par exemple « l’industrialisation » de la politique d’expulsion depuis 2002. L’année 2010 dira si les associations parviendront ou non à relever le double défi d’un soutien juridique aux étrangers et d’une prise de parole publique sur ce dossier sensible.
Bernard GORCE
La Croix, le 28 décembre 2009