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Publié le : 19/08/2016
Faute d’abris en dur, les migrants, qui ne cessent d’arriver dans le camp cet été, doivent s’installer dans des tentes. / Michael Bunel/Ciric
À perte de vue, des tentes et baraquements de toutes les couleurs. Fermés. Serrés les uns contre les autres. Même les 3 500 m2 de terrain incendiés à la suite de rixes le 26 mai 2016 ont été recouverts par des tôles. Sentiment d’asphyxie.
Le camp de Calais détient depuis début août un triste record. Elle compte plus de 9 100 habitants, selon les associations l’Auberge des migrants et Help Refugees, là où la préfecture n’en comptait que 4 500 à la mi-juin.
Les lieux peinent à les contenir, alors que son périmètre a été réduit de deux à trois fois depuis le démantèlement de la zone sud en février. Les deux centres d’accueil sont saturés, tandis que les matériaux de construction restent interdits dans l’enceinte.
Les nouveaux arrivants n’ont d’autre choix que de s’installer dans des tentes. « Les arrivées ont été massives cet été parce que les passages se sont intensifiés en Libye et en Italie et qu’à Paris les nouveaux campements sont immédiatement démantelés », explique François Guennoc, l’un des bénévoles de l’Auberge des migrants.
Hébergement, repas ou aide médicale et psychologique, les associations sont débordées. « Cela fait deux mois qu’on ne peut plus accueillir de nouveaux patients. Tout le monde se renvoie la balle. La situation va rapidement exploser », assure une bénévole.
Ali, 22 ans, erre dans les ruelles poussiéreuses. Le jeune Afghan, casquette dorée vissée sur la tête et faux pull Calvin Klein, est découragé. « Il faut faire des heures de queue pour manger, se doucher. On doit se battre pour tout, même pour avoir des chaussures. Il y a beaucoup trop de monde », déplore-t-il.
Lui espère obtenir au plus vite son statut de réfugié, afin d’étudier l’informatique dans une université française. « Le plus dur est d’attendre sans savoir quoi faire », soupire-t-il.
Les tensions s’accumulent, se cristallisent. Cela est particulièrement visible chez les mineurs isolés étrangers. Leur nombre a également augmenté depuis le début de l’été. Ils seraient plus de 600, selon France terre d’asile.
Abdul Aziz sillonne les allées de la jungle. Ce matin, le salarié de l’association a reçu plusieurs appels de jeunes. Deux d’entre eux sont visiblement en proie à des tensions avec d’autres migrants.
L’une des missions de France terre d’asile est de mettre à l’abri ces mineurs, en les emmenant dans son centre de Saint-Omer, à 45 kilomètres de là. Sur place, ils pourront se reposer et réfléchir à leur futur.
« Nous leur expliquons qu’ils ont des droits et certaines possibilités s’ils acceptent de rester en France. Il faut tout faire pour ne pas les laisser en danger mais on ne peut pas non plus les forcer », souligne Abdul Aziz. Lui-même réfugié en France depuis 2010, l’Afghan incarne pour ces jeunes la preuve que tout est possible.
France terre d’asile est devenue l’association référente pour les mineurs isolés à Calais. Peu à peu, les graines qu’elle a semées commencent à germer.
« Depuis la mi-juillet, on assiste à un changement de taille dans les projets migratoires. En 2015, 85 % des jeunes voulaient aller au Royaume-Uni. Aujourd’hui c’est l’inverse, ils veulent se stabiliser en France », se félicite Jean-François Roger, le directeur départemental de l’association. Celle-ci ne peut cependant répondre à toutes les demandes de prise en charge, malgré les 72 nouvelles places destinées aux mineurs qui ouvriront en septembre dans le centre Jules-Ferry, l’un des centres d’accueil situés dans la jungle.
L’espoir de passer en Angleterre semble aussi s’être tari chez les adultes, comme en témoigne Yassan. Le Soudanais d’une trentaine d’années a essayé à vingt-neuf reprises d’atteindre cet eldorado. Sans succès. Rompu par les difficultés et les dangers, il s’est peu à peu fait à l’idée de rester en France.
Mais là encore, les solutions pour ceux qui renoncent à rejoindre le Royaume-Uni viennent à manquer. En 2015, le gouvernement a mis en place dans toute la France 134 centres d’accueil et d’orientation (CAO). Le nombre de places devrait passer de 2 000 à 5 000 d’ici à fin septembre, a annoncé Emmanuelle Cosse, la ministre du logement. Ce dispositif suffira-t-il ? Un car au slogan évocateur, « Au bout de vos rêves », quitte la jungle. Chaque semaine, il emmène 120 à 150 migrants dans les CAO. Vers de nouveaux horizons, loin du Royaume-Uni.
« The jungle is open again ! », crie un commerçant, un sourire aux lèvres. Les effluves de tomates et autres condiments qui s’élèvent dans la jungle de Calais ne trompent pas. Les échoppes, fermées depuis un mois, ont bel et bien rouvert.
Il y a une semaine, la justice a refusé la fermeture par la préfecture de 72 commerces du bidonville, estimant que ceux-ci étaient nécessaires aux besoins des migrants. Il faut néanmoins attendre la tombée de la nuit pour voir leurs portes s’entrebâiller avec méfiance. « Cette décision n’est pas une protection. Ces commerces restent illégaux », explique François Guennoc, de l’association l’Auberge des migrants.
Le 18/08/2016, La Croix, par Lauriane Clément (envoyée spéciale à Calais)