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Publié le : 05/07/2017
Des migrants secourus en Méditerranée par l'ONG Save the children (Reuters)
Ils sont plus de 100.000 migrants et réfugiés à avoir traversé depuis janvier la Méditerranée pour atteindre l'Europe. Grande différence avec l’année dernière où la majorité des flux migratoires arrivaient en Grèce, ils sont désormais régulièrement sauvés dans la péninsule italienne. Partis des côtes libyennes, parmi eux, 85.000 sont arrivés dans le pays depuis le début de l’année selon les chiffres de l’organisation internationale pour les migrations. Un afflux important de migrants et réfugiés qui risque de s’élever jusqu’à 200.000 d’ici la fin de l’année.
Ce chiffre dépasse de loin les estimations du ministère de l’Intérieur italien. Les autorités sont d’autant plus désemparées qu’elles doivent agir presque seules. Comme en 2015 à Lesbos (en Grèce), les migrants restent immobilisés dans les ports italiens. Une situation aggravée par le refus de plusieurs pays européens de respecter l’accord de quotas migratoires conclus en septembre 2015, et par le durcissement de leur politique. Ainsi, Le ministre de la Défense autrichien a annoncé lundi vouloir rétablir les contrôles à sa frontière avec l’Italie, et tenir “750 soldats disponibles” si l’afflux de migrants ne ralentit pas.
Pour faire face, Bruxelles multiplie les réunions. Aujourd’hui, la Commission européenne vient de présenter un plan d’action migratoire pour aider l’Italie. Il prévoit de "renforcer encore les capacités des autorités libyennes grâce à un projet de 46 millions d’euros" et d’assister l’Italie "avec une enveloppe supplémentaire de 35 millions d’euros prête à être immédiatement mobilisée". Les ministres européens de l’Intérieur discuteront de ce plan jeudi à Tallinn, en Estonie.
Déjà pourtant, dimanche dernier, les ministres de l’Intérieur allemands, italiens et français, se sont réunis à Paris. Une rencontre informelle place Beauvau pour “améliorer la coordination” en mer Méditerranée. Présentée en six points d’action à Tallinn, quatre d’entre eux ont déjà été révélés : d’abord, renforcer la capacité de la Libye à contrôler ses frontières maritimes et terrestre ; raccompagner les migrants non-éligibles au droit d’asile en accélérant leurs relocalisations , et enfin la préparation d’un "code de conduite pour les ONG". Sans en dire plus et en renvoyant à des explications jeudi.
Un dernier point qui a provoqué l’indignation chez plusieurs organisation engagées dans le secours de migrants au large de la Libye. Sophie Beau, co-responsable de l’association SOS Méditerranée, exprime sa surprise dans ce qui est pour elle une erreur de diagnostic : "On a été très étonnés de ces déclarations. Nous inscrire un code de conduite pour aider l’Italie n’a aucun rapport avec notre travail. Sur place, les ONG ont déjà un code de conduite. Nous nous coordonnons déjà entre nous."
Certains personnes se prétendent être des gardes-côtes et menacent les naufragés : ils rackettent, ils les font sauter à l’eau
Plus qu’un problème de coordination, Sophie Beau invoque un vrai manque de moyens : “Nous travaillons en coordination avec les gardes-côtes italiens. Mais ils sont trop peu. Les Etats doivent véritablement institutionnaliser les sauvetages.” Plus de moyens, afin d’assister les ONG à accomplir leur mission sans être menacées : "Certaines personnes se prétendent être des gardes-côtes et menacent les naufragés : ils rackettent, ils les font sauter à l’eau. Ces groupes sont armés ; sans structure étatique, sans aide, les ONG elles-mêmes sont menacées et impuissantes.”
En invoquant un code officiel, les Etats se tromperaient de cible : “Il y a une vraie urgence humanitaire et les ONG deviennent des boucs-émissaires”. Les associations responsables de la majorité des sauvetages en mer, sont en effet régulièrement accusées d’encourager le passage des migrants, ou même de faire le jeu des passeurs. Selon Pierre Henry, directeur général de France terre d’asile, le code de conduite relève d’un problème de compréhension : “Il ne faut pas se tromper d’adversaire ni de diagnostic. Les ONG ne sont pas responsables et ne font pas le jeu des passeurs. Par contre, tout ce qui peut amener la coordination est le bienvenue. Au large de la Libye, il existe de véritables trafics d’être humains. Les ONG ont besoin de beaucoup de forces pour les aider.”
Si le “chaos libyen” évoqué par Pierre Henry constitue un véritable problème alors que des migrants arrivant en Italie fuient le pays, il s’agit avant tout d’un problème européen : “L’Italie appelle l’Europe à l’aide mais il y a une véritable crise de solidarité, une crise de confiance. On ne peut pas répondre à cet appel en priant les migrants de retourner dans pays.” La solution? Une réponse globale, européenne. Il appelle à la constitution de voies de migrations légales et d’identification des individus. Il trouve irréalisable la proposition de renvoyer les migrants non-éligibles à leur frontière : “Demander à l’Italie de renvoyer les migrants qui ne sont pas éligibles au droit d’asile, c’est demander à ce pays d’assumer à lui tout seul une mission qu’aucun Etat européen ne peut remplir à l’heure actuelle.” Comme Sophie Beau, il estime que les ONG remplissent un devoir qui devrait échoir aux Etats : “Il faut une structure, une politique commune, il faut des moyens pour identifier, accompagner créer des voies migratoires légales.”
Si la discussion entre les membres de l’Union européenne est inévitable pour résoudre la crise migratoire, Pierre Henry estime que les réunions de cette semaine n’apporteront pas de solution durable : “Nous sommes très loin d’une issue. Les solutions imaginées aujourd’hui ne sont pas suffisantes. Nous sommes sur un manque de volonté politique sur un problème qui s’étend pour les 15, voir les 20 prochaines années.”
Par le JDD, le 05/07/2017