- Accueil
- France terre d'asile
- Histoire
- 1971-1980
- 1980-1998
- 1998-2006
- 2006 à nos jours
- Organisation
- Notre gouvernance
- Nos établissements
- Notre organisation
- Nos actions
- Notre expertise
- Infos migrants
- Faire un don
- Rejoignez-nous
Publié le : 11/09/2014
Un juge du tribunal de police de Saint-Étienne a relaxé ce mercredi matin un curé poursuivi pour avoir hébergé, dans son église, des demandeurs d'asile, malgré une interdiction de la mairie.
Gérard Riffard, curé stéphanois, risquait 12 000 euros d’amende pour avoir hébergé des sans-papiers dans son église, malgré une interdiction de la mairie. Il a été relaxé ce mercredi matin par un magistrat du tribunal de police de Saint-Étienne (Loire). Dans son jugement, le juge Henry Helfre se réfère notamment au Code de l’action sociale et des familles et à une décision du Conseil d’État de février 2012 «érig(eant) le droit à l’hébergement d’urgence au rang d’une liberté fondamentale». «Il est paradoxal que l’État poursuive aujourd’hui le père Riffard pour avoir fait ce qu’il aurait dû faire lui-même», écrit encore le magistrat, faisant encore valoir que si la puissance publique n’a pas les moyens de satisfaire la demande d’hébergement de sans-abri, elle doit déléguer ce devoir à toute personne morale ou physique en capacité de le faire.
Pour justifier son interdiction, la mairie de Saint-Étienne avait mis en avant le non-respect des normes de sécurité par Gérard Riffard dans la partie de l’église où sont hébergés ces étrangers. En réponse, le juge cite une directive européenne de janvier 2013 qui permet «d’assouplir les normes de sécurité» pour ce type d’accueil. Dès la décision de relaxe connue, le parquet de Saint-Étienne a annoncé sa décision de faire appel. Violaine Carrère, juriste au Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti) et Pierre Henry, directeur général de France terre d’asile commentent la décision du magistrat stéphanois.
Il est vachement bien ! Il justifie complètement l’action de ce curé. Mieux, le juge a fait le tour des aspects juridiques de cette affaire de façon très complète. Il ne s’est pas contenté des articles du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévus par la réforme Besson-Guéant [commencée par Eric Besson, alors ministre de l’Immigration, elle a été achevée par Claude Guéant, alors ministre de l’Intérieur, en 2012, ndlr] qui stipule que lorsqu’un étranger est en situation de nécessité, il est légitime de lui apporter une aide. Ce magistrat est allé chercher plus loin, dans le Code de l’action sociale et des familles ou une décision du Conseil d’Etat de février 2012 lorsqu’il invoque l’état de nécessité ou l’obligation faite à l’État d’héberger des sans-abri.
La réforme Besson-Guéant semble porter ses fruits. J’ai connaissance d’une affaire au Havre d’un citoyen poursuivi pour avoir aidé un étranger, qui a été relaxé par la cour d’appel. Concernant les occupations de lieux, on voit aussi des jugements sur des squats de bâtiments ou de terrains. Il s’agit en général de familles roms. Mettant en regard le droit de propriété et le droit de vivre en famille, les juges ont à plusieurs reprises considéré que le droit de propriété arrivait au second plan.
Je trouve cela assez étrange étant donné la motivation du jugement, je ne vois pas comment on pourrait revenir sur ce que le magistrat a mis en avant. Déjà, lorsque le représentant du parquet avait invoqué à l’audience «l’appel d’air en faveur des filières d’immigration clandestine [dont le père Riffard serait coupable, ndlr]», il s’était fondé sur des arguments politiques et pas juridiques.
Tout cela est très bien, et on ne peut que se réjouir que l’État soit rappelé à son devoir de solidarité. Il a une obligation d’hébergement inconditionnelle envers toute personne en situation de détresse même si elle est en situation irrégulière, mais il est largement défaillant.
Au-delà du cas individuel, je me demande comment il faut regarder ce jugement parce que je ne voudrais pas qu’il ouvre la porte à un désengagement massif de l’État qui pourrait se dire, du coup, faisons appel à la générosité et à la solidarité publiques.
65 000 demandes d’asile sont déposées chaque année. Il y a 25 000 places en Cada. Mais comme la durée de la procédure de demande d’asile est de 18 mois, vous ne pouvez faire entrer que 15 000 sur les places de Cada chaque année. Le reste – 30 000 personnes – se débrouille avec les hébergements d’urgence : hôtels, rue et squats, avec des coûts qui au final sont très importants pour la collectivité.
Par Catherine COROLLER
Libération, le 10 juillet 2014