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Publié le : 18/10/2016
(De g. à d.) Abdulrahman, Mustapha, Imam et Jamal trouvent le chemin de l’intégration (photo Boris Maslard)
Loin des viles polémiques et des relents identitaires, la Rouennaise de football n’a pas tergiversé quand, en janvier, France terre d’asile lui a demandé si elle pouvait intégrer dans son effectif six migrants soudanais.
« Nous sommes un club familial et social », revendique Anthony Trolet, président fondateur depuis 1994. La structure compte soixante-dix licenciés et un budget riquiqui de 7 000 €. « La solidarité prend tout son sens ici. Nous avons des personnes de confessions religieuses différentes, de divers pays. Quand on met les couleurs noires et jaunes de la Rouennaise, il n’y a plus de différences. » La diversité est le dénominateur commun de « ce club ouvrier mélangeant les populations ». Anciens tôlards et avocat se côtoient, un architecte et des personnes issues d’Esat (Établissement et service d’aide par le travail) s’y retrouvent. « On évite de trop parler du parcours de chacun. On a tous quelque chose à apporter », estime le coach.
Sur les six Soudanais, accueillis en janvier, quatre ont vraiment accroché et suivent tous les entraînements, les mercredis et vendredis de 18 h 45 à 20 h 30 sur l’ancien hippodrome des Bruyères. Deux d’entre eux ont même intégré l’équipe B (2e série matin) et disputé des matches depuis septembre. Licence et matériel leur sont fournis par le club qui a choisi d’œuvrer bénévolement. Ce vendredi soir, Mustapha, affublé d’un short de plage qui ne manque pas de faire sourire parmi les coéquipiers, enchaîne les tours d’échauffement. À ses côtés, Abdulrahman, Imam et Jamal. Tous sont âgés de 25 à 28 ans. Tous ont fui la guerre civile qui ravage le Soudan depuis 2003.
Leurs parcours sont assez similaires. Mustafa Mahmoud Bakar a quitté son pays natal et sa famille le 5 mai 2014 direction la Libye, en passant par le Tchad. « On voyageait en groupe, on faisait attention car il y avait la guerre », raconte-t-il, traduit de l’arabe par un collègue. En quittant le Soudan, Mustafa a laissé derrière lui « l’insécurité », « les tueurs et les viols dans les villages. On n’avait plus confiance. » La confiance, il ne la retrouvera pas en Libye. Le jeune homme connaît le lot commun de beaucoup de migrants dans ce pays gangrené par la guerre depuis la chute de Kadhafi : arnaqués, volés puis finalement emprisonnés et rançonnés. Le calvaire ne prendra pas fin de sitôt. La traversée de la Méditerranée se fait sur un canot, à vingt-neuf. Arrivé en Italie, il rejoint le sud de la France puis Paris avant d’arriver à Rouen. Jamal, lui, le plus âgé du haut de ses 28 ans, sera resté onze ans en Libye. Déjà, en 2004, il avait quitté le Soudan « à cause de la guerre ».
Après avoir sauvé leur peau, ils aspirent aujourd’hui à faire leur vie en France. « Nous sommes en sécurité ici. Nous sommes libres. » L’intégration passe par plusieurs étapes : « D’abord, apprendre la langue » et en fonction de leurs compétences trouver un emploi. « Et après, on verra... » La Rouennaise tient un rôle essentiel dans ce cheminement. « On les aide à trouver du boulot avec nos contacts, reprend Anthony Trolet. On pratique beaucoup d’échanges de bons procédés au sein du club. L’autre jour, ils nous ont donné un coup de main pour un déménagement. Pour l’Aïd aussi, Abdulrahman nous a invités, moi et un dirigeant, à manger dans son petit chez lui. »
Abdulrahman Adam Altaher, 26 ans, apprécie cette entraide. « Pas mal de gens nous ont aidés pour nous indiquer les structures où parler français », indique cet ancien fermier qui se verrait bien devenir peintre en bâtiment. Le club est un vivier de connaissances, un moyen de se sociabiliser. « On se retrouve pour visiter Rouen ou discuter autour d’un café, détaille-t-il. Je vois mon avenir ici. Un bel avenir. » Avec un titre de séjour de dix ans, Abdulrahman peut regarder devant lui. Ses collègues soudanais bataillent toujours pour obtenir l’asile politique.
« Ce club, c’est tout ce que la France représente en termes de diversité, parachève le citoyen-militant Anthony Trolet, d’une reprise de volée dézinguant les préjugés. La France est un pays d’immigration. C’est tout ce brassage culturel qui en fait un grand pays. Les gens ont tendance à l’oublier en ce moment. »
Christophe Hubard Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
Dorothée Taconnet, responsable adjointe de France Terre d’Asile Rouen revient sur les actions sportives en faveur des migrants.
Dans quel cadre cette opération est-elle menée ?
Dorothée Taconnet : « En 2014, nous avons décidé d’approfondir les partenariats sportifs envers les demandeurs d’asile. On les a interrogés sur leurs souhaits et c’est le football qui est le plus souvent ressorti. Nous avons donc développé avec le Comité départemental olympique et sportif (Cdos) ces partenariats avec les clubs de la Rouennaise de football et le Rouen Sapins F.C. Grand-Mare. »
Et en dehors du foot ?
« Toujours avec le Cdos, on a lancé des séances de natation à la piscine de Mont-Saint-Aignan, pendant cinq mois. Nous avons également développé un partenariat avec le lycée professionnel de la Châtaigneraie. Les demandeurs d’asile se joignent aux professeurs et élèves qui ont l’habitude de courir sur les quais. On les a aussi intégrés à leur tournoi de football en mai. Un partenariat avec le Rouen Métropole Basket leur permet d’assister à des entraînements et des matches des professionnels. Enfin, dès novembre, ils vont pouvoir faire du sport universitaire pour seulement 13 € par an. Nous allons insister sur ce volet à l’avenir car les aides et les orientations du Cdos évoluent et tout ne sera pas renouvelé. En tout, ces partenariats concernent une quarantaine d’usagers. »
En quoi le sport est-il utile ?
« Cela les associe à la vie du quartier. Ils font autre chose, ils s’oxygènent. »
Paris Normandie, 17-10-2016