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Réfugiés à Avranches. « Un démarrage dans la plus grande tranquillité »

Publié le : 19/07/2016

la gazette de la manche

Entretien avec Redouane Boudaoud, directeur du Centre d'accueil des demandeurs d'asile (Cada) d'Avranches (Manche).

 

redouaneRedouane Boudaoud, directeur du Cada d'Avranches.

 

Combien de personnes sont accueillies par le Cada ?

Nous avons 84 personnes, dont huit familles de quatre, quinze familles monoparentales et vingt-deux personnes isolées. Ces dernières peuvent être mariées ou en couple, mais elles sont arrivées seules. En tout, ils représentent 19 nationalités. 

 

À quoi sert le Cada ?

Nous leur apportons une aide administrative, juridique et sanitaire. Nous les assistons auprès de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofpii) qui gère, sur la forme, leur demande de droit d’asile. Ensuite, c’est l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra) qui décidera sur le fond et qui dira si, oui ou non, ils peuvent en bénéficier.

Pendant ce temps, où sont logés les demandeurs d’asile ?

Dans des logements sociaux, pour lesquels il y avait de la vacance.

 

Nous sommes donc loin de l’idée qu’ils auraient pris des logements à des Avranchinais…

Complètement. Quand a été annoncé l’accueil de ces 80 personnes, il y a eu de la curiosité. Beaucoup de questions aussi. Même de l’appréhension de la part d’une frange minoritaire, qui avait tout à fait le droit de s’exprimer. Le nombre a interpellé. Mais sur environ 8 000 habitants, ils ne représentent qu’un pour cent de la population. Il y a eu beaucoup de bruit pour, finalement, un démarrage dans la plus grande tranquillité.

Ont-ils le droit de travailler ?

La loi l’interdit. Ils ont, pour vivre, une allocation journalière. Celle-ci est de 6,80 pour une personne isolée, de 10,20 € pour deux personnes, de 13,60 € pour quatre, et ainsi de suite.


Pour arriver jusqu’ici, certains ont traversé des épreuves très difficiles. Ressentez-vous de l’apaisement, à présent, chez quelques-uns ?

Nous devons faire face à des troubles post-traumatiques. Pour cela, nous travaillons avec le Centre médico-psychologique (CMP), avec des psychiatres et des infirmières psychiatriques. Notre but est qu’ils soient dans un cadre de bientraitance pour qu’ils puissent, s’ils le souhaitent, raconter leur vécu. J’ai l’exemple d’une femme qui vient du Nigeria avec son enfant. Au début, elle n’était pas en confiance. Elle était dans la confrontation. Son récit était douloureux. Au fil des semaines, après que nous avons même haussé le ton, une relation de confiance s’est installée. Elle souriait, avait le visage moins crispé.

Il y a donc, déjà, de belles avancées…

Quelqu’un qui reprend soin de son hygiène ou de sa santé, parce que sa situation administrative est pérenne alors qu’elle pouvait être sa seule motivation, un autre qui progresse en français, un dernier qui réapprend à refaire confiance… Ce sont autant de succès et de sources de motivation pour la suite. Mais attention, on ne vit pas dans le monde des Bisounours. Nous sommes un établissement social au titre de la loi de 2002, rappelé par celle de 2015 sur la réforme de l’asile. Les demandeurs ont des droits et des devoirs.

Publié le 19/07/2016, par C.GUIGNARD, La Gazette de la Manche


Réfugiés à Avranches. L'intégration par l'apprentissage de la langue


Reportage. Parmi les demandeurs d'asile que la ville accueille, nombreux sont ceux qui ne parlent pas français. Des cours leur sont dispensés. Une étape importante.

Photo cada avranches
Pamela Jamault, ses sept élèves du jour, Simon Marsais et Mylène Gidon, intervenants sociaux.

L’entrée du Centre d’accueil des demandeurs d’asile (Cada) est calme, en ce jeudi 13 juillet. Il est tout juste 14 h. Dans les locaux, quelques personnes patientent tranquillement devant le secrétariat.

« Alors ? Le cours de français ? On y va ? » lance Julien Marsay, intervenant social, en charge de l’autonomisation. Sept élèves sont attendus par Pamela Jamault, la bénévole du Cada qui leur dispensera deux heures dans la langue de Molière. Un groupe aux diverses origines : Artur est Ukrainien ; Amjad Khan et Jawad Ahmiri, Afghans ; EgehSahal Ahmed, Somalien ; Youssef, Hussein et Nazim, Saoudiens. Il est temps d’y aller. Sauf pour Nazim et Hussein qui, eux, ont l’autorisation d’arriver en retard, le temps de régler quelques tracas administratifs.

Adapter le déroulé du cours

Dans une salle à l’étage, Fatoumata, originaire de Guinée-Bissau, bénéficie d’un cours individuel avec Pauline Ségouin, autre bénévole et, normalement, institutrice avec les tout-petits.« Ce genre de cours, c’est vraiment se confronter à l’altérité, analyse la jeune femme. C’est tout à fait particulier d’apprendre une langue à quelqu’un qui a déjà été scolarisé, qui parfois en parle plusieurs et qui peut avoir un autre alphabet. » Bien que débutante en français, Fatoumata est déjà trilingue portugais, créole et manjaque, l’idiome de son ethnie homonyme d’Afrique de l’Ouest.

Au rez-de-chaussée, ça y est ! La cession de Pamela Jamault est lancée. Au programme : l’entreprise, avec le vocabulaire qui s’y rapporte, de la grammaire et de la conjugaison. Mais le cours a commencé avec un peu de phonétique. « On s’est tous présenté, explique la professeure, devant une assistance calme et studieuse. On a eu quelques problèmes de prononciation. On a donc adapté le cours. Ce n’est pas si grave. On a du temps. Tout le monde n’est pas encore arrivé. »

Pas le temps de terminer sa phrase que l’on frappe à la porte. Nazim et Hussein, les deux retardataires, entrent dans la classe. Ils s’installent au fond, près de leur compatriote. Le travail reprend, dans le silence et la concentration.

Redouane Boudaoud, directeur de la structure avranchinaise :

« En attendant que leur demande d’asile soit traitée, pendant qu’ils vivent sous Cada, nous sommes catégoriques. Nous faisons tout pour qu’ils s’intègrent au territoire et au pays. Le français fait évidemment partie de cette démarche. Nous travaillons aussi avec la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM)pour leur donner des cours qui leur expliquent le système de santé et le système scolaire. Après, quand leur démarche sera terminée, ils seront libres de choisir s’ils restent à Avranches, en France, ou s’ils quittent le pays ».

Dans tous les cas, ce qui est fait n’est plus à faire.

Par C. Guignard, le 19 juillet 2016, La Gazette de la Manche