fbpx
Main menu

Politique d’asile en France : de timides progrès

Publié le : 02/09/2016

liberation

La non-répartition des réfugiés sur le territoire national entraîne une concentration excessive des flux à Paris et Calais.

 

909295 13jpgDans la jungle, à Calais, vendredi. Photos Aimée Thirion

Pour Bernard Cazeneuve, le doute n’est pas permis : « Nous faisons tout ce que nous pouvons pour Calais. » Une position défendue par le ministre de l’Intérieur dans une interview à Nord Littoral, et qu’il pourrait aussi assumer concernant la politique d’asile menée. Sur le dossier des migrants, qui a émergé de manière spectaculaire en 2014, il est vrai que le locataire de la place Beauvau n’a pas ménagé ses efforts. En deux ans, de nombreux moyens ont été débloqués : nouvelle loi sur l’asile votée à l’été 2015, recrutements importants à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), ouverture de places d’hébergement tous azimuts… Des actions qui ne semblent pourtant pas produire d’effets spectaculaires en deux points du territoire français où se focalise la crise.


Errance

Depuis un an et demi, à Calais et dans le nord de Paris, les mêmes images tournent en boucle. Elles montrent un bidonville surpeuplé à quelques encablures des côtes britanniques et des migrants réduits à l’errance dans les rues de la capitale. Avec, toujours, cette interrogation : les pouvoirs publics n’ont-ils pas un train de retard ? Pour Pierre Henry, le directeur général de France terre d’asile, cela ne fait pas de doute : « Le dispositif d’accueil des demandeurs d’asile est sous-dimensionné. On court tout le temps après les événements, ce qui donne l’impression qu’on est débordés, alors que les flux d’arrivées ne sont pas insurmontables.»

En 2014, l’Ofpra a reçu 64 811 requêtes. Un chiffre qui est monté à 80 075 en 2015. Il devrait, en 2016, avoisiner les 100 000. « La demande d’asile continue à augmenter, d’environ 20 % cette année, mais ce n’est pas une explosion », analyse Pascal Brice, le directeur de l’office. En tête des requérants, on retrouve les Afghans et les Soudanais. Le nombre de titres de réfugié accordés continue lui aussi de s’accroître. Au cours des sept premiers mois de 2015, il s’élevait à 6 900 personnes (hors mineurs accompagnants). Sur la même période de 2016, il s’établit à 10 600.


File

En réponse, les mesures lancées par l’Intérieur restent insuffisantes, en premier lieu sur l’hébergement. En fin d’année, la France comptera 34 000 places en centres d’accueil pour demandeurs d’asile, ces structures où les requérants doivent en théorie être abrités le temps de l’instruction de leur dossier. Un dispositif complété tant bien que mal par 5 300 places d’urgence réservées aux migrants et une dizaine de milliers d’hébergements à l’hôtel. «Globalement, un demandeur d’asile sur deux est pris en charge, alors que c’était un tiers en 2012», assure le directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii), Didier Leschi. Autre point noir de la prise en charge : l’entrée des demandeurs dans la procédure et l’enregistrement de leur dossier en préfecture. A Paris, tous les jours, la même file d’attente se reforme devant la plateforme d’accueil, située dans le XIXe arrondissement et gérée par France Terre d’asile. «Rien qu’à Paris, on a une centaine d’arrivées quotidiennes. Or, en face, je n’ai que soixante rendez-vous dans toutes les préfectures franciliennes», se désole Pierre Henry. Le système, hétérogène, n’est pas dépourvu d’aberrations. Dans les Yvelines, le premier accueil se fait à Limay, à 60 km de Paris…

La France souffre de l’hyperconcentration des difficultés à Calais et Paris. «Il manque un dispositif de premier accueil réparti de manière harmonieuse sur tout le territoire», estime Pierre Henry, qui plaide pour l’ouverture de lieux de transit dans les grandes villes françaises. L’exemple va être donné par la mairie de Paris. Un camp humanitaire va ouvrir dans le nord de la capitale au mois d’octobre. D’une capacité de 400 places, il doit offrir aux migrants une alternative à la rue, avant leur prise en charge par l’État.

 

Le 02/09/2016, par Sylvain MOUILLARD, Libération