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Pauvreté : « Vous n’avez rien fait ! » Alors agissons ensemble !

Publié le : 23/09/2019

le parisien

 

« Les sujets que nous portons requièrent une volonté politique sans faille et surtout la nécessité d’agir et de penser ensemble... », déclarent dans une tribune au Parisien-Aujourd’hui en France, quatre responsables d’associations. 

 

Par Pierre Henry, directeur général de France terre d'asile, Bruno Morel, directeur général d'Emmaüs Solidarité, Eric Pliez, président du Samu social, Florent Gueguen, directeur général de la Fédération des acteurs de la solidarité.

Il y a cent soixante-dix ans, Victor Hugo monte à la tribune de l'Assemblée nationale pour interpeller ses pairs sur la nécessité d'éradiquer la misère alors terriblement présente dans les faubourgs de la capitale. Il les secoue, les enjoint de mener la bataille culturelle. « Vous n'avez rien fait », tonne-t-il. Nous voici en septembre 2019, ils sont des milliers, 6 000 sans doute à Paris. Invisibles pour la plupart, migrants pour beaucoup, vivant dans la fange, l'urine, les excréments, au milieu des rats.

Au même moment, d'étranges propositions se font jour, censées alimenter un débat sur l'immigration à l'Assemblée : il faut supprimer le droit du sol disent certains, réduire le regroupement familial suggèrent d'autres, modifier les conditions d'accès à l'aide médicale d'Etat (AME) disent les troisièmes. Bref, il faut tout faire pour diminuer « l'attractivité » de notre territoire affirment ces voix, et lutter contre des comportements qualifiés d'abusifs.

Peu importe que le droit de vivre en famille soit un droit constitutionnel, que le droit du sol (d'ailleurs sous conditions) soit un élément de stabilité, que l'AME soit un outil indispensable de santé publique (dont les bénéficiaires seraient responsables d'une fraude qui, en réalité, n'affecte la Caisse nationale d'assurance maladie que pour 0,3 %), ni que ces trois thèmes soient l'objet de fausses rumeurs propagées par les populistes. Rien n'y fait. Le plus simple chemin emprunté est celui qui emmène vers la rhétorique des populistes.

Le chef de l'Etat a-t-il dit un jour récent « Je ne veux voir personne à la rue »? A-t-il estimé un moment que l'Allemagne avait sauvé l'honneur de l'Europe? A-t-il affirmé combattre la concurrence des pauvretés? Toujours est-il que la figure du migrant est devenue le bouc émissaire commode de l'incapacité collective des Etats membres à penser en solidarité et en cohérence, par exemple les migrations de rebond, ou le sort des déboutés de l'asile pour beaucoup non éloignables!

Nous pouvons l'avouer : nous avons souvent, ces derniers temps, eu honte pour notre pays qui laisse tant et tant de personnes à la rue, les quatre cinquièmes de celles et ceux qui contactent quotidiennement le 115, jeunes, travailleurs pauvres, migrants. En responsabilité, nous savons que les sujets que nous portons requièrent une volonté politique sans faille et surtout la nécessité d'agir et de penser ensemble, acteurs institutionnels, collectivités locales, associations, citoyens et usagers pour sortir de l'immense crise de sens que nous traversons sur les questions des personnes à la rue.

C'est parce que cette volonté apparaît pour le moins vacillante que nous appelons et entendons participer à l'organisation d'une conférence de consensus dès les prochaines semaines. Il s'agit pour nous de sortir du cynisme comme de la tentation du rejet, de l'instrumentalisation de la concurrence des précarités, pour trouver les compromis qui permettent l'intégration et l'accueil digne. Par cette méthode, parce que nous n'avons encore rien fait, de permettre à l'ensemble des acteurs d'agir ensemble.

Le Parisien, le 22 septembre 2019