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Publié le : 29/10/2019
Cette situation n'a "jamais été atteinte". Trois semaines après le débat sur l'immigration à l'Assemblée nationale, Pierre Henry, le directeur général de France terre d'asile n'en finit pas d'alerter sur les conditions de vie des migrants au Nord et à l'Est de Paris. Selon son association, qui effectue régulièrement des comptages, au moins 1 526 migrants, et sans doute plus de 3 000 vivent à la rue, dans des campements de fortune dans et aux abords de la capitale. Ils sont "aux alentours de 2 500, sans risque de me tromper", affirme Pierre Henry, ce qui constitue un nombre record, depuis plusieurs années.
Porte de la Chapelle, de la Villette, d'Aubervilliers ou encore avenue Wilson, à Saint-Denis, les tentes s'accumulent. À un niveau jamais vu pour les associations qui interviennent sur place. "Tous les jours de nouvelles personnes arrivent : par exemple, il y a un mois, nous étions 30 à 40 tentes et désormais il y en a plus de 100" témoigne Afsra Khan, un afghan de 36 ans, installé près de la porte de la Chapelle, dans un des nombreux campements du secteur. Demandeur d'asile depuis le mois de juin, il attend "un rendez-vous", explique-t-il : "Ils ne me donnent rien, je vis sous une tente et je n'ai que 200 euros".
Côté Saint-Denis, à la "halte", l'Armée du Salut accueille de 9h à 19h les migrants. "On lave les habits des personnes, qui viennent prendre une douche, charger leurs téléphones" nous montre Mustapha, bénévole, en charge du coin buanderie. C'est ici aussi que les associations tiennent des permanences et qu'Afsra Khan suit des cours de français. Le lieu, ouvert fin mai par la ville de Paris et la mairie de Saint-Denis, accueille 500 à 800 personnes chaque jour. Initialement prévu pour durer trois mois, l'accueil a été prolongé au moins jusqu'en mars 2020.
De l'autre côté du périphérique, boulevard Ney, à Paris, l'Armée du Salut distribue aussi 500 à 600 petits-déjeuners chaque matin depuis début janvier. L'association Utopia 56 s'y trouve aussi pour apporter une assistance juridique aux migrants. Et selon elle, le nombre de migrants augmente régulièrement depuis quelques mois, avec une durée de présence à la rue en inflation. "Les gens sont de plus en plus longtemps à la rue : avant on les voyait deux semaines, un mois, maintenant on les connaît depuis quatre mois, cinq mois ou six mois" raconte Julie Lavayssière, la coordinatrice parisienne de l'association.
Outre la pluie, les rats, qui l'empêchent de dormir, Mohammed, 20 ans, Afghan, décrit un quotidien fait "de violences, de bagarres", aux côtés de "gens qui fument beaucoup, qui prennent de la drogue". Depuis un mois, il sollicite tous les jours un rendez-vous pour déposer sa demande d'asile. "J'appelle deux à trois heures, chaque jour" raconte le jeune homme : "Je me sens très mal, c'est très difficile, j'aimerais aller à l'école et apprendre le français, avoir une maison pour moi".
"C'est une situation jamais vue par la concentration du nombre de personnes, leur nombre et leur durée de présence à la rue" confirme Pierre Henry, qui pointe également le manque d'hébergements dédiés : "Depuis le 1er janvier, le dispositif de premier accueil a enregistré 19 000 demandes, qui n'ont débouché que sur 130 hébergements". Selon lui, 150 000 personnes ont obtenu le statut de réfugié depuis 2016 et peuvent donc faire venir leur famille, soit "200 000 personnes à prendre en charge" et seules 20 000 places d'hébergement leur sont dédiés.
La conséquence est un phénomène nouveau à gérer pour les associations : selon elles, 10 à 15% des personnes à la rue qui peuplent ces campements sont des réfugiés statutaires. "Il y a un ou deux ans, avant cet été, on n'avait jamais vu des réfugiés statutaires à la rue" note Julie Lavayssière. Selon elle, "la situation s'empire depuis au moins deux ans", en raison de "la volonté de l'État de restreindre les politiques d'accueil et de ne pas ouvrir de centres d'hébergement".
"Beaucoup de gens n'ont pas de couverture, il fait froid" témoigne Afsra Khan. "On s'attend à ne pas avoir assez de stocks de tentes et de couvertures" confirme Julie Lavayssière, qui craint que l'hiver fasse "des morts, et beaucoup plus que les années précédentes".
France Inter, par Rémi Brancato publié le 28 octobre 2019