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Publié le : 17/06/2016
Paris, 16 juin 2016 – Cette enquête inédite a été réalisée par les sociologues de l'association Trajectoires, spécialisée dans les diagnostics sociaux des populations vivant en bidonvilles en France. Elle a été conduite entre les mois de janvier et avril 2016 dans sept bidonvilles sur trois départements du littoral de la Manche (Calais, Grande-Synthe, Angres, Norrent Fontes, Steenvoorde, Tatinghem, Cherbourg).
Pour l'UNICEF, l'objectif était de faire émerger au cours de ces entretiens les besoins et les points de vulnérabilité des enfants non accompagnés afin d'élaborer des recommandations pour améliorer leur prise en charge à travers les dispositifs existants ou à créer.
À travers 61 entretiens menés de manière confidentielle et dans leur langue, avec des enfants et des adolescents non accompagnés âgés de 11 à 17 ans, originaires d'Afghanistan, de Syrie, d'Egypte et d'une dizaine d'autres pays, l'enquête s'attache à détailler les différents parcours migratoires et les motivations de ces enfants déracinés. La majorité des mineurs rencontrés ont eu recours à des passeurs. Pour se rendre en France, les sommes déboursées varient de 2 700 € à 10 000 €. Quelle que soit la technique choisie et le prix payé, la route demeure extrêmement dangereuse et l'expérience telle qu'ils la relatent, traumatisante. Leur temps de présence sur le littoral s'allonge : la durée moyenne de 5 mois augmente d'autant l'exposition à des risques accrus.
Arrivés en France, l'enquête montre que ces enfants sont en danger, dans tous les sites étudiés, en particulier dans les « petits » camps. Ils vivent en mode survie dans des conditions inhumaines. Leur santé physique et psychologique est affectée.
Mais au-delà des conditions de vie dégradantes, ce sont les violences auxquelles ils sont exposées qui sont les plus préoccupantes : souvent contraints d'effectuer des tâches pour les passeurs, les enfants et les jeunes non accompagnés, de par leur fragilité, sont parmi les plus exposés aux violences. Les premières craintes exprimées dans les entretiens sont les violences exercées par les forces de police, les milices de civils et les passeurs ainsi que les agressions sexuelles pour les filles et les garçons. Plusieurs éléments recueillis au cours de l'enquête mettent en évidence des situations qui relèvent de la traite des êtres humains.
L'analyse de ces entretiens démontre que les conditions de vie observées, les risques liés au passage, les rapports monétaires au sein des bidonvilles et les formes d'asservissement et de violences qui en résultent constituent une mise en danger permanente pour ces enfants.
Ces situations mettent en évidence une série de violations au regard de la Convention relative aux droits de l'enfant, ratifiée par la France.
L'enquête souligne que les dispositifs de protection de l'enfance ne sont pas adaptés aux profils de ces enfants et adolescents. Les mineurs rencontrés ne sont majoritairement pas au courant du système de protection. Et lorsqu'ils ont accès à des informations, elles sont souvent partielles et contradictoires. La prise en charge, quand elle est proposée, ne permet pas d'assurer une « accroche » durable du jeune potentiellement en danger.
Face aux risques de violences et d'exploitations accrus du fait des séjours plus longs et des passages plus difficiles, il est essentiel que de nouvelles solutions soient proposées. Des expérimentations et des ajustements de la protection de l'enfance, telle qu'elle existe en France, sont absolument nécessaires. C'est pourquoi l'UNICEF France, en lien avec UNICEF UK et les ONG travaillant sur le terrain, propose 9 recommandations permettant d'assurer une réelle protection des enfants non accompagnés ainsi que l'application effective du droit à la réunification familiale.
Pour Sébastien Lyon, directeur général de l'UNICEF France : « La création de lieux de protection sans condition, permettant de donner une information dans leur langue et adaptée à leur âge est primordiale pour tous les enfants isolés qui vont continuer à arriver en France. Afin qu'ils ne vivent pas ce qu'ont vécu les enfants non accompagnés lors de l'hiver 2015. »
1) Créer un lieu de « protection » sur sites, sécurisé et spécifique aux mineurs non accompagnés dans le Nord, sur le littoral de la Manche et au sein du camp envisagé à Paris, avec une prise en charge inconditionnelle permettant aux jeunes de se poser, dans la perspective d'un accès au droit commun.
2) Garantir à tous les enfants l'accès à une information précise, adaptée à leur âge et dans leur langue.
3) Renforcer et coordonner les maraudes sur les sites de la région avec l'objectif d'unifier les pratiques, les informations diffusées et d'avoir accès à tous les enfants, y compris au sein des « petits camps ».
4) Instaurer des formations régulières pour les intervenants associatifs, les forces de l'ordre, les administrateurs ad hoc et les bénévoles, sur la protection de l'enfance, l'identification de situations de violence et de traite (TEH) et élaborer un document pratique de référence facilement diffusable.
5) Rappeler le cadre légal de la protection de l'enfance, dont l'importance des signalements aux parquets et des informations préoccupantes pour responsabiliser les conseils départementaux dans leur mission de prise en charge des mineurs en danger.
6) Reporter toute évacuation en l'absence de mise en place d'un dispositif d'accueil et d'accompagnement des MNA adapté.
7) S'assurer que les enfants aient des informations fiables relatives à la procédure de réunification familiale via le règlement Dublin.
8) Garantir aux mineurs non accompagnés l'accès à une assistance juridique de qualité afin que leur demande de réunification familiale au Royaume Uni soit soumise dans des délais raccourcis (de 10 mois actuellement à 3 mois).
9) S'assurer que les gouvernements français et britannique dédient suffisamment de ressources au système permettant la réunification familiale, intégrant la notion de famille au sens large
UNICEF, le 16/06/2016