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Publié le : 10/10/2012
Métro publie un article sur Miguel Angel Estrella, qui a célébré avec nous les 40 ans de France terre d'asile et les 60 ans de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés. En 2006, il a également accepté de donner son nom à notre centre d’accueil pour demandeurs d’asile de Créteil.
France terre d’asile et Musique espérance, la fondation qu'il a créée, ont reçu une Mention d’honneur du Prix Unesco/Bilbao pour la promotion d’une culture des droits de l’homme en 2010.
"J'ai une vie très belle". Le pianiste virtuose argentin, Miguel Angel Estrella, devenu l'ambassadeur de l'Argentine à l'UNESCO, n'a jamais renié ses engagements malgré les aléas de la vie, la dictature, l'enfermement et la torture. C'est peut-être ce qui le rend heureux. Adolescent, il dénonçait, dans un journal fondé au lycée, l'exploitation des ouvriers de la canne à sucre. Aujourd'hui, à 76 ans, il se bat toujours pour des causes sociales et pour la paix.
Ce qui fait avancer Miguel Angel Estrella, c'est le "sens de l'autre", une conscience qui se dessine très tôt, quand, enfant, il accompagne le maître marionnettiste argentin Javier Villafane dans des spectacles. Le plaisir alors procuré à des jeunes de son âge le frappe, tout comme le piano : l'autre découverte fondatrice de cette époque. Une conviction et une passion qu'il réunira plus tard, après tant d'épreuves, dans ce qu'il nomme "le message de ma vie" : sa fondation Musique Espérance, qui œuvre à l'accès à la musique pour tous.
Miguel Estrella a près de 30 ans quand il vient à Paris parfaire son apprentissage musical. Mais alors que les tournées débutent, il décide de retourner en Argentine malgré la dictature. Pensant échapper à la junte militaire, il accepte un poste de professeur en Uruguay mais il est enlevé en 1977. Jugé "subversif", il devient l'un des 30.000 disparus de la dictature argentine et subit la torture. "J'avais les yeux bandés, le corps nu, pendu, et on m'appliquait la 'gégène', raconte-il. Mes tortionnaires s'acharnaient sur mes mains : mon outil professionnel". La foi, l'image de ses proches si présente et un clavier muet sur lequel il s'exerce l'aident à tenir. Promis à une mort certaine, il est sauvé grâce à la mobilisation de proches et de personnalités politiques et artistiques en France et à travers le monde.
Libre après deux ans et demi de captivité, c'est donc à Paris qu'il revient et se réfugie. Là, il est pris en charge par l'Ofpra : "une nouvelle famille", raconte-t-il. Miguel Estrella se reconstruit, sa carrière reprend, ses combats aussi. Il soutient les Mères de la place de mai, ces Argentines qui manifestent chaque semaine pour retrouver leurs enfants disparus durant la dictature.
Malgré son amour pour la France, l'attachement à sa terre natale est trop fort. La démocratie rétablie, Miguel Estrella repart. Un retour difficile, là encore. "Par ces aléas pervers de la politique je n'avais plus ma place de pianiste en Argentine. J'étais considéré comme une figure du péronisme", explique-t-il. Depuis, l'artiste a retrouvé cette place, investi auprès de l'Unesco et dans les affaires sociales de son pays d'origine.
Fort de sa notoriété, Miguel Angel Estrella a eu la chance d'avoir des soutiens qui lui ont sauvé la vie et l'ont aidé à reprendre sa carrière et ses combats. Pour autant, se souvient-il, "ce n'était pas un exil doré. La mélancolie de ne pas pouvoir parcourir les rues de ton enfance, les lieux de ton adolescence, les lieux de tes amours. C'est propre à tous ceux qui sont en exil".
Métro, le 9/10/2012