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Publié le : 18/07/2016
Le centre de rétention administrative (CRA) de Coquelles, à proximité de Calais. PHOTOS Édouard BRIDE
Pour entrer dans le centre de rétention de Coquelles, à côté de Calais, il faut passer la grille de l’hôtel de la police aux frontières, marcher jusqu’au bâtiment collé au fond dont le sas d’entrée abrite 44 caméras de surveillance : « Tout est filmé sauf l’intérieur des chambres. On n’a jamais eu de tentatives d’évasion par les murs mais on retrouve parfois des fenêtres descellées. » C’est le chef du centre qui parle, une femme qui ne souhaite pas que son nom soit cité.
On nous a aussi imposé comme conditions de ne pas parler aux migrants, de ne pas les photographier et de rester avec les policiers qui nous guident. Par la fenêtre, on aperçoit des barbelés. « Dès leur entrée, les retenus laissent leurs affaires dans un casier, nous notons tout. Et on décompte s’ils veulent utiliser leur argent. »
Barbelés, caméras, évasions. Les mêmes mots qu’en prison : « Ce n’est pas pareil, les gens peuvent sortir librement de leur chambre et circuler dans les couloirs. »
L’accès à Internet est cependant interdit et lorsque les téléphones peuvent filmer, les appels sont passés sous surveillance.
On finit par entrer dans un bâtiment fraîchement repeint : ce centre de 79 places sort de neuf semaines de réfection. « Il a été ouvert en 2003, il en avait besoin. » Plutôt grandes, les chambres abritent de trois à cinq lits.
Les « retenus », comme on dit ici pour ces migrants interpellés en situation irrégulière, jouent aux cartes, regardent la télé dans une salle vide, discutent dans la petite cour de promenade qui, ironie féroce, donne sur le site Eurotunnel, un symbole du passage vers l’Angleterre, cet Eldorado qu’ils souhaitent tous atteindre.
Un homme jeune interpelle la responsable du centre dans un mauvais anglais (1) : il souhaite savoir s’il peut utiliser ses billets de retour vers l’Albanie. Elle lui explique qu’il aurait fallu s’en servir avant. Avant d’atterrir ici dans cet endroit triste aux murs nus avec un panier de basket sans filet : « Au début, il y avait un baby-foot mais il s’usait trop vite. » Il reste la télé. Elle propose des chaînes en français et anglais et il faut appeler un policier pour changer de programme.
Des tensions ? Très rares, nous assure le directeur départemental de la PAF, Renaud Bernhardt. Pourtant, les groupes sont mélangés et les nouveaux ne doivent pas emporter trop de cigarettes dans les chambres. Pour « éviter les tensions ». Qui doivent donc exister. En moyenne, les migrants, majoritairement des Albanais, restent huit jours au centre.
Comme le dit France terre d’asile, une des deux associations hébergées dans l’établissement, la vocation première du CRA est bien de renvoyer les migrants en dehors du territoire. « Pourtant, seuls 40 % d’entre eux ont quitté la France en 2015 suite à leur rétention. La plupart sont albanais, ils reviennent donc très vite, c’est absurde. »
On quitte le couloir, les chambres, les hommes au regard perdu. « Ici, nous avons surtout des gens ordinaires, indique Renaud Bernhardt. Pour eux, le CRA est bien la fin d’un espoir. Ce qui ne les empêchera sans doute pas de revenir. Pour essayer encore de construire une autre vie, loin de leur pays. »
1. Les interprètes ne sont présents que sur demande.
Le systèmeInterpellés par la police, les migrants en situation irrégulière sont placés au centre de rétention par la préfecture. Une décision qui peut être examinée par le tribunal administratif si le retenu le souhaite. Au bout de cinq jours, un juge des libertés et de la détention, dans une antenne du tribunal de grande instance délocalisée au CRA de Coquelles, détermine si les droits du retenu et la procédure ont été respectés. Si ce n’est pas le cas, il peut le libérer. Sinon, la préfecture peut prolonger la rétention jusqu’à 45 jours. Seuls des hommes sont retenus à Coquelles, les femmes étant transférées dans d’autres CRA. Les chiffresIl existe deux CRA dans la région, à Coquelles et Lesquin. En 2015, 2679 migrants sont passés par le CRA de Coquelles, 41% ont été éloignés du territoire dont une majorité d’Albanais (données France terre d’asile, la préfecture et la PAF n’ayant pas pu donner les chiffres dans les délais impartis). |
Par La Voix du Nord
, photos Edouard Bridele, 18 juillet 2016,