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Publié le : 24/04/2018
"Ce texte est dangereux." La déclaration d'Amnesty international France est lapidaire. L’ONG estime que la première mouture de la loi "pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie", votée dimanche 22 avril par l'Assemblée nationale, est une régression. Et elle n'est pas la seule.
Le texte de loi est désormais entre les mains des 348 sénateurs. Les Républicains dominant la chambre haute, le texte pourrait être largement amendé lors de son examen attendu courant juin. De quoi donner de l'espoir aux associations ? Pas vraiment au vu des différentes contre-propositions très dures affichées par les députés de droite, lors de débats à l'Assemblée nationale.
"Nous n'attendons rien du passage au Sénat", lâche le directeur général de l'association France terre d'asile, Pierre Henry. De son côté, Jean-François Dubost, responsable du programme protection des populations d'Amnesty international France, ne veut pas faire de pronostics. "On va juste faire en sorte que les faibles avancées concédées ne soient pas détricotées."
"Je ne pense pas qu'il y aura de rééquilibrage de la part du Sénat", affirme également Sarah Belaisch, directrice des pôles thématiques à la Cimade. "Il y aura peut-être des avancées ici et là mais de toutes façons, l'Assemblée aura le mot de la fin. Les éventuelles avancées seront gommées par celle-ci au vu de la pression mise par le gouvernement et le groupe La République en marche."
En attendant son prochain passage au Sénat, les associations dénoncent un "texte essentiellement répressif". "Il est là pour contrôler, sanctionner, enfermer, expulser et bannir les personnes étrangères", assène Sarah Belaisch. "Contrairement à ce que dit le gouvernement ce n'est ni un texte équilibré, ni un texte efficace pour améliorer les expulsions, objectif contestable par ailleurs."
Si la version votée à l'Assemblée est "améliorée par rapport [au texte] présenté en conseil des ministres", Pierre Henry de France terre d'asile pointe "le déséquilibre du texte".
Les rares évolutions positives de la loi dans sa forme actuelle concerneraient la réforme du droit d’asile : les demandeurs d'asile pourront désormais travailler dès six mois après leur entrée sur le territoire français contre neuf actuellement ; la "réunification familiale" avec leurs parents et frères et sœurs pour les enfants mineurs arrivés en France sera facilitée ; les heures de cours de français pour les demandeurs d'asile doublées ; les États réprimant l'homosexualité seront exclus de la liste des pays sûrs pour l'expulsion.
En revanche, les associations consultées par France 24 sont plus circonspectes sur la réforme du délit de solidarité, le fait de venir en aide à des personnes étrangères en situation irrégulière en France. Si toutes saluent une réforme qui va dans le bon sens, la Cimade et Amnesty International pointent des angles morts. "L'amendement ne va pas suffisamment loin" pour Sarah Belaisch de la Cimade. "Nous voulons que tous les actes de solidarité n'ayant pas de contrepartie lucrative ne puissent pas faire l'objet d'une condamnation."
Ces quelques avancées, les trois associations interrogées les trouvent bien légères en comparaison de l'arsenal voté par l'Assemblée nationale le 22 avril.
"Beaucoup de points de la loi sont inquiétants", estime Sarah Belaisch. "Le doublement de la durée de rétention passe de 45 jours à 90 jours, alors qu'il a été prouvé depuis des années que les expulsions se fassent dans les premiers jours de la rétention. De plus, le coût humain de ces retentions est considérable : en quarante-cinq jours, cela provoque des traumatismes profonds, des tentatives de suicide, des actes d'automutilation."
La représentante de la Cimade regrette également la diminution du délai pour déposer une demande d'asile 120 à 90 jours, ainsi que celle du délai de recours (de 30 à 15 jours). "C'est un texte diminuant les délais aux détriments des personnes", dénonce-t-elle.
De plus, si la loi est adoptée en l'état, le fait de déposer un recours devant la Cour nationale du droit d'asile ne sera plus suspensif. "Des personnes pourront être renvoyées dans leur pays avant même la fin de la procédure", signale Jean-François Dubost. "En 2017, 14 % des personnes en provenance de pays sûrs ont vu leur demande d'asile acceptée après l'examen de ce recours. Si le texte avait été en application l'an dernier, cela veut dire que 1 128 personnes auraient été mises en danger en étant renvoyées à tort dans leur pays d'origine."
"Les débats à l'Assemblée nationale ont donné une vision quasi-apocalyptique des migrations", regrette Jean-François Dubost. "Des liens ont été établis entre terrorisme, sécurité et migrations… On a donné l'impression d'une situation incontrôlable, le gouvernement parle de 'crise'. On a oublié que derrière il s'agit de vies humaines. On efface l'aspect humain au profit d'un duel idéologique."
Les associations n'ont que peu goûté la méthode employée par le gouvernement Macron. "Il y a eu de la précipitation autour de ce texte qui pouvait attendre", dénonce Pierre Henry.
"On retrouve peu de nos recommandations dans ce texte", abonde Amnesty International.
"Il n'y a pas eu de concertations", confirme Sarah Belaisch. "Le ministère de l'Intérieur a fait des présentations sans échange. Il nous a été annoncé dès le début qu'on n'était pas là pour co-construire le texte. Le gouvernement n'a pas écouté ce que les gens avaient à dire."
France 24, par Romain Houeix, le 23/04/2018.