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Publié le : 22/10/2018
Le lundi 22 octobre 2018
Pour la première fois, par sa décision du 6 juillet 2018, le Conseil constitutionnel a donné pleine valeur constitutionnelle au troisième terme de la devise républicaine « liberté, égalité, fraternité », devise officielle de la République depuis 1848 et inscrite dans le Préambule et l’article 2 de la Constitution de 1958.
Jusqu’à présent on pouvait douter de la juridicité de la fraternité, beaucoup considérant que le concept était flou, imprécis, porteur d’amour et d’affection certes, mais réfractaire à toute entreprise normative.
Le Conseil constitutionnel met un terme avec éclat à cette incertitude à propos d’un agriculteur de la vallée de la Roya, près de la frontière italienne, condamné à quatre mois de prison avec sursis pour avoir transporté de la frontière jusqu’à chez lui des migrants soudanais et érythréens, et pour avoir organisé un camp d’accueil.
Il était reproché à l’article L. 622-4 du CESEDA de limiter l’immunité à la seule aide au séjour irrégulier, sans l’étendre à l’entrée et à la circulation, et de ne pas prévoir d’immunité de principe pour tout acte purement humanitaire n’ayant donné lieu à aucune contrepartie directe ou indirecte. Le grief était fondé sur la méconnaissance du principe constitutionnel de fraternité.
Il affirme que l’exemption de poursuites pénales bénéficiant aux personnes apportant une aide aux étrangers en situation irrégulière ne peut pas se limiter à l’aide au séjour mais doit s’étendre à l’aide à la circulation de l’étranger en situation irrégulière « lorsque ces actes sont réalisés dans un but humanitaire ». Certes, le Conseil constitutionnel rappelle qu’ « aucun principe non plus qu’aucune règle de valeur constitutionnelle n’assure aux étrangers des droits de caractère général et absolu d’accès et de séjour sur le territoire national » et il ajoute que « l’objectif de lutte contre l’immigration irrégulière participe de la sauvegarde de l’ordre public, qui constitue un objectif de valeur constitutionnelle ».
Mais il estime qu’« en réprimant toute aide accordée à la circulation de l’étranger en situation irrégulière, y compris si elle constitue l’accessoire de l’aide au séjour de l’étranger et si elle est motivée par un but humanitaire, le législateur n’a pas assuré une conciliation équilibrée entre le principe de fraternité et l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public ».
Il est remarquable que ce principe de fraternité soit ainsi reconnu à propos de l’aide apportée aux étrangers en situation irrégulière.
Ce principe prend donc appui non pas sur l’appartenance à un groupe (les citoyens français), mais sur la dignité éminente attachée à la qualité d’Homme (quel qu’il soit et d’où qu’il vienne).
Certes, l’immunité ne s’étend pas à l’aide à l’entrée sur le territoire, dans la mesure où celle-ci « fait naître par principe une situation illicite », comme le relève le Conseil constitutionnel dans son communiqué de presse. On peut quand même s’interroger sur le point de savoir si l’immunité ne devrait pas couvrir aussi le cas où est en cause l’application du principe de non-refoulement, lié au droit d’asile.
Quoiqu’il en soit, en reconnaissant à la fraternité pleine valeur normative et en lui conférant la qualité de principe constitutionnel au même titre que la liberté et l’égalité, le Conseil constitutionnel réaffirme le caractère absolument indissociable de chacun des termes de notre devise républicaine.