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Publié le : 22/10/2018
Le lundi 22 octobre 2018
Pour se protéger de l’arrivée de migrants économiques, l’Union Européenne accepte de bloquer les demandeurs d’asile à nos frontières. On savait que l’accord unanime des chefs d’Etats européens avec la Turquie d’Erdogan, le 18 mars 2016, annonçait la fermeture des frontières terrestres européennes aux migrants qu’ils soient ou non demandeurs d’asile.
C’est chose faite. L’Europe forteresse est en place.
Côté Est de la méditerranée, les migrants sont désormais contraints de tenter le passage Nord entre la Turquie et la Grèce ou la Bulgarie en traversant la dangereuse rivière Evros. Ils sont environ 12 000 à avoir tenté ce passage depuis le début 2018. De très nombreuses personnes et des enfants y ont laissé leur vie.
Le passage vers les îles grecques est désormais quasiment impossible pour les migrants venant de Turquie. Ceux qui ont atteint, malgré tout, les îles, sont parqués dans des camps. Ils sont environ 15000 qui attendent, depuis des mois, un hypothétique accord pour un accueil dans un pays européen volontaire.
Le passage par la Méditerranée centrale, essentiellement entre la Lybie et L’Italie s’est tari considérablement. Pour les six premiers mois de l’année 2018, ils étaient environ 15 000, à comparer aux 119 000 de 2017 et aux 181 000 de 2016. L’Italie, soutenue par l’Europe, a mis en place des moyens importants et a formé les garde-côtes libyens pour qu’ils ramènent, sur le territoire libyen, les migrants téméraires. Environ 1000 personnes ont péri en mer pendant les 6 premiers mois de l’année 2018.
La fermeture des voies Est et Centrale de la Méditerranée a relancé les tentatives de passage du Maroc vers l’Espagne. 10 000 migrants environ ont atteint les côtes espagnoles durant le premier semestre 2018.
Au total, 40 000 migrants environ sont arrivés par la mer en Europe durant le premier semestre 2018 à comparer au 170 000 pour l’année 2017, 360 000 pour l’année 2016, plus d’1 million pour l’année 2015. Dans le même temps, les déplacements forcés de population dans le monde n’ont cessé de croître atteignant un chiffre record de 68.5 millions de personnes dont 25 millions de réfugiés et 3.1 millions de demandeurs d’asile en attente de protection internationale.
Dans ce contexte, cédant à la montée des forces populistes qui font de l’accueil des demandeurs d’asile et des migrants le bouc émissaire des difficultés économiques et des questionnements identitaires des peuples alors que l’envahissement est un fantasme, l’Union Européenne a choisi la fermeture, le repli sur soi, l’indifférence.
En faisant le choix d’une politique d’immigration sécuritaire, l’Europe contrevient à l’application du droit d’asile dans les pays de l’Union.
Le droit d’asile, qu’il faut distinguer de l’immigration économique, est un droit de l’homme fondamental, reconnu par la déclaration universelle des Droits de l’homme, la Charte des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne et la Convention de Genève. La fermeture indifférenciée des frontières aux migrants empêche les demandeurs d’asile d’avoir accès à l’espace européen pour y déposer leur demande de protection.
C’est une entrave délibérée aux droits fondamentaux des demandeurs d’asile.
Dans le but de dissuader les migrants de prendre la mer pour rejoindre les côtes italiennes, l’Europe ne s’est pas contentée de former les garde-côtes libyens et de leur fournir les bâtiments pour ramener sur le sol libyen les migrants qui risquent la traversée, elle a aussi tenté d’imposer un code de conduite voire de criminaliser les ONG qui se sont engagés dans le sauvetage en mer des embarcations précaires surchargées de migrants.
C’est ainsi que, faisant fi des conventions internationales et du droit maritime, l’Europe organise la "non- assistance" aux embarcations des migrants en détresse.
L’argument avancé par les autorités européennes, arguant qu’il s’agirait d’un moyen de dissuasion pour éviter de nouveaux départs, ne les exonère pas d’une lourde responsabilité dans les centaines de noyades que l’on continue d’enregistrer chaque mois. Depuis le 1er janvier 2014, l’Organisation internationale pour les Migrations (OIM) a comptabilisé 5773 morts et 11089 disparus.
L’histoire se souviendra du cynisme des dirigeants européens qui a conduit à ce sinistre bilan, non définitif, malheureusement.
La priorité est de rétablir le dispositif permettant aux demandeurs d’asile d’introduire leur demande de protection sur le territoire européen. Si l’Europe transige sur un droit fondamental, ce sont ses valeurs et son image dans le monde qui seront gravement atteintes.
Comment permettre aux demandeurs d’asile d’engager leurs démarches, alors que les frontières de l’Europe se ferment et que Frontex, l’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, voit ses moyens se renforcer année après année?
Il s’agit d’amplifier considérablement les "voies légales de migration pour les demandeurs d’asile".
Chaque Etat de l’Union peut mobiliser ses ambassades et ses consulats pour enregistrer les demandes d’asile, examiner la validité de la demande et fournir des visas pour un séjour sur son territoire le temps d’examiner au fond la demande d’asile.
L’Union peut donner de l’ampleur aux programmes de réinstallation du HCR. Le HCR gère des centaines de camps de réfugiés au Moyen Orient et en Afrique principalement. Le HCR identifie les personnes vulnérables susceptibles de bénéficier de la protection internationale et fait appel aux Etats pour une prise en charge à ce titre. Le HCR évalue à 1.2 million le nombre de personnes ayant un besoin de protection. La Commission LIBE du Parlement Européen souhaite la mise en place d’un dispositif de réinstallation permanente avec un objectif de prise en charge de 25% des besoins annuels de réinstallations exprimés par le HCR. Il faut maintenant que le Conseil Européen donne corps à ses programmes.
Le repli sur soi et la rupture de l’accueil des demandeurs d’asile et des migrants constituent un contre-sens historique, sans parler du déni des engagements internationaux pris par ces mêmes pays.
L’Union à 27 ou l’Union des pays respectueux des engagements pris lors de leur adhésion, doit repenser sa politique migratoire, politique d’asile en premier lieu car il s’agit de droits humains, politique d’immigration car il s’agit de solidarité et d’intérêts économiques.
Le Parlement Européen a déclenché la première étape de la mise en œuvre de l’article 7 du traité contre la Hongrie pour non-respect des valeurs de l’Union. Preuve que l’Union peut agir et sanctionner.
Nous attendons que l’Union traite le problème des migrations dans le respect des conventions internationales et aux bénéfices des victimes des fléaux du monde qui ont choisi l’Europe, pour son modèle social certes, mais aussi pour les valeurs qu’elle représente.