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Publié le : 30/03/2011
Ciblés par Al-Qaeda, menacés dans leur quotidien, les coptes d’Egypte ou les chaldéens d’Irak, persécutés, fuient leur pays, berceau du christianisme. Rencontre à Créteil avec des rescapés de l’attentat de la cathédrale de Bagdad.
Le 8 mars une église copte est incendiée au Caire. La communauté chrétienne d’Egypte s’inquiète à nouveau. Pourtant, quelques semaines plus tôt, place Tahrir, chrétiens et musulmans ont lutté ensemble pour la chute de Moubarak. Que peuvent attendre les minorités chrétiennes du printemps arabe ? Pour le moment, peu de signaux encourageants. Surtout en Irak, où le danger nourrit toujours leur exode. Dès qu’il le peut, le père Raphaël Kutheimi se rend au centre de transit de France terre d’asile à Créteil (Val-de-Marne), où vivent depuis leur arrivée en France, le 8 novembre, une vingtaine de chrétiens irakiens. Des rescapés de l’attaque du 31 octobre, dans la cathédrale Notre-Dame-du-Salut de Bagdad, qui fit 58 morts et 78 blessés.
Dans le hall d’entrée, l’un des blessés irakiens, professeur d’informatique à l’université, amputé d’un bras, converse, en russe, avec une femme et sa fille, deux réfugiées ouïghoures (une minorité musulmane de Chine), qui ont rejoint la France après un long périple à travers le Caucase. Blessé lui aussi lors de l’attaque de Bagdad, «Abouna», comme l’appellent ses fidèles (le mot signifie père en arabe), vient apporter un peu de réconfort. «Chaque nuit, je me réveille, confie-t-il, je revois tout ce qui s’est passé.» L’homme est fatigué, souffre encore de ses blessures. Son regard parfois s’égare, s’abîme dans les souvenirs douloureux.
Le père Raphaël était recteur de l’église syriaque catholique où s’est produit l’attentat. La prise d’otages a duré plus de quatre heures, s’achevant dans un bain de sang. «Chaque minute, chaque moment, je pense à cela», raconte Saba (1), une femme d’une cinquantaine d’années, qui a perdu son mari et son fils dans l’attaque. Au centre de transit, Saba veille sur sa belle-fille, enceinte. Dans la chambre collective qui abrite quatre personnes, d’immenses valises ont été glissées sous les lits. Peu à peu, quelques affaires arrivent de Bagdad. Après avoir partagé un repas irakien, cuisiné par Saba, la petite communauté se serre pour prendre le thé et attend le retour de quelques jeunes partis suivre des cours de français à l’église chaldéenne de la rue Pajol dans le XVIIIe à Paris.
Saba et sa belle-fille ont été blessées dans l’attentat. Allongée sur son lit, murée dans la douleur, la jeune femme garde une Bible à portée de main. Devant une statue de la Vierge de Lourdes, brûle une bougie pour protéger, expliquent ses proches, le bébé à venir. Au mur, elle a épinglé une photo de son mari, Fadi. A la paroisse, le couple s’occupait de la chorale. «Dès qu’ils sont entrés, les terroristes ont tiré. Parmi les premières victimes, il y avait mes deux jeunes prêtres et Fadi», raconte le père Raphaël. Avec un petit groupe de fidèles, Abouna s’est, lui, réfugié à la sacristie. Pendant toute la durée de la prise d’otages, telle une pietà, la jeune femme a gardé le corps de son mari sur ses genoux. «Mais c’est seulement à son arrivée en France qu’elle a compris que Fadi était mort», murmure, le père Raphaël.
A Bagdad, chacun se connaissait. Les souvenirs obsédants de l’attentat et les douleurs du deuil ont soudé encore plus la communauté en exil. Visiblement embarrassé, le père Raphaël laisse échapper un long soupir, garde d’abord le silence. Abouna parle le français, appris pendant ses années de formation au séminaire des dominicains à Mossoul, au nord de l’Irak. «Comment peut-on vivre entre des chenapans et des terroristes ?» dit-il finalement. A mots couverts, l’ancien curé de Bagdad avoue qu’il ne croit plus guère à l’avenir des chrétiens en Irak. A 75 ans, il a décidé de rester en France comme la plupart des blessés accueillis en novembre. Les uns et les autres ne veulent pas retourner dans l’enfer irakien. Ils attendent désormais d’être rejoints par leurs proches après avoir déposé une demande de regroupement familial.
Arrivés ces deux dernières années, d’autres chrétiens irakiens, tentent de se construire un avenir ici. A l’automne 2007, le gouvernement décidait d’entrouvrir les portes de la France. Quelques mois plus tard, Bernard Kouchner, alors ministre des Affaires étrangères annonce «l’opération Irak 500» (500 visas pour des chrétiens). «Nous ne refusons pas d’accueillir des musulmans ; le problème c’est que personne n’accueillait les chrétiens», disait-il alors. Depuis 2005, les enlèvements et les attentats ciblés contre la communauté chrétienne en Irak avaient alerté l’opinion. Des personnalités catholiques comme Jean d’Ormesson, Jacques Julliard ou encore Jacques Delors, s’étaient mobilisées. Le patriarche des Chaldéens, Emmanuel Delly, avait été reçu par les autorités françaises.
Début 2008, l’enlèvement et l’assassinat de l’archevêque chaldéen de Mossoul, Faraj Rahou, avaient jeté un peu plus d’effroi. Très modeste pourtant, cet accueil ciblé de chrétiens a suscité un début de polémique. «Il est clair que cette minorité chrétienne court des risques mais comme beaucoup d’Irakiens et il y a quand même un grand danger à vouloir accueillir sur une base confessionnelle», regrettait alors Pierre Henry, directeur général de France terre d’asile.
Fortement préoccupé du sort des Irakiens qui avaient fui dans les pays voisins, surtout la Syrie et la Jordanie, le Haut-Commissariat des nations unies pour les réfugiés (HCR) exprimait lui aussi ses réticences contre ce qu’il appelait une discrimination. Malgré tout, pour calmer les esprits, l’opération Irak 500 était étendue, associant le HCR. Ce dernier pouvait aussi proposer des noms de réfugiés irakiens bloqués en Syrie ou en Jordanie. En 2008 et 2009, environ 1200 réfugiés irakiens ont été ainsi accueillis en France, des chrétiens en très grande majorité.
Après avoir assisté, comme chaque dimanche, à la messe à l’église de la rue Pajol, Rana, une femme d’une trentaine d’années, raconte longuement la terreur quotidienne à Bagdad, le départ précipité et clandestin vers l’exil : «Souvent, je dois me dire que je suis à Paris et que je ne risque plus rien.» Arrivée avec ses parents en France début 2009, Rana se surprend encore à marcher aux aguets dans la rue. «Quand nous avons quitté l’Irak, je n’ai pas prévenu à mon travail que je m’en allais, explique-t-elle. Nous y étions encore trois chrétiennes. Quelqu’un m’avait demandé pourquoi je restais, me disant que tous les chrétiens étaient partis d’Irak.» Si la menace était indirecte, le message n’en était pas moins clair.
Dans le quartier où vivaient Rana et ses parents, la vie était particulièrement dangereuse. Les autres familles chrétiennes l’avaient déjà quitté. «Les deux dernières années, je n’allais plus dans le garage ni dans le jardin, dit-elle. Dès la fin de l’après-midi, nous nous barricadions.» Avaient-ils été déjà attaqués ? La jeune femme ne souhaite pas en dire davantage. «A nos voisins, poursuit-elle, nous avons dit que nous partions quelque temps en Jordanie pour les soins médicaux dont avait besoin mon père.» Prévenue par un canal diplomatique, la famille, après avoir obtenu son visa pour la France, a retrouvé un petit groupe de gens à l’aéroport. C’est seulement, à l’escale dans un pays voisin, que tous ont compris qu’ils partaient ensemble vers Paris. «Nous n’avons plus de famille en Irak», dit encore Rana. Soudain inquiète, elle gomme les détails trop marquants, négocie ce qui peut être écrit et ce qui ne peut l’être…
Même loin de l’Irak, les habitudes résistent et la peur poisseuse demeure. «Je me réveille la nuit et je crois que je suis encore à Bagdad. Auprès de mon lit, je cherche l’arme que j’avais là-bas», raconte Dinka, qui, à 56 ans, a tout laissé derrière lui, magasin et maison cossue. La famille a quitté l’Irak en 2008. A Saint-Denis, le logement de France terre d’asile est spacieux et lumineux. Peu de meubles mais un cousin a déniché deux fauteuils en cuir fatigués. La famille s’inquiète surtout de son prochain départ pour une HLM à Aubervilliers, moins reluisante. Devant un large écran de télé, prêté par le même cousin, Dinka tue les heures en regardant les chaînes arabes. Sara, son épouse, vient juste de rentrer. Au visiteur, elle offre des petites pâtisseries que les Chaldéens confectionnent à l’occasion de Noël. Cherchant un emploi, elle suit quelques heures un stage dans un restaurant. En Irak, Sara ne travaillait pas. «Ici, on lui a proposé de faire des ménages. Je n’ai pas voulu», explique Dinka, rappelant fièrement que son épouse est diplômée de l’université.
Entre elle, la famille parle en soureth, un dialecte araméen. Croyante, elle achève les trois jours de jeûne des rogations de Ninive, une fête religieuse chaldéenne qui commémore la prédication de Jonas, épargnant la ville de la colère divine par son appel à la repentance. «J’avais d’abord mis à l’abri mes deux aînés en Syrie, poursuit Dinka. Ils allaient à l’université et avaient été menacés.» Chaque jour, pour la protéger, le père conduisait sa fille cadette à l’école, s’opposait à ce qu’elle porte le voile islamique, devenu une obligation aussi pour les chrétiennes en Irak.
Professeure de sport à l’université, Nadia a, elle aussi, subi à Bagdad cette pression quotidienne exercée à l’encontre des femmes. «A mon travail, on m’a demandé de porter le voile, raconte-t-elle. Ensuite, on voulait que j’aille assister à la prière. En fait, c’était une manière de me forcer à me convertir.» Dès 2005, Youssif, son mari, avait, lui, cessé son travail car le magasin de ventes d’alcool où il était employé avait été attaqué. Il était devenu trop dangereux de continuer à travailler. Fuir en Syrie ou en Jordanie ? Youssif y pensait. «Je n’en avais pas les moyens», dit-il. Beaucoup d’autres, ont vendu leur commerce ou ce qu’ils possédaient pour s’établir dans les pays voisins. Un gigantesque exode, le plus important qu’ait connu la région depuis celui des Palestiniens. Selon le HCR, 1,8 million de personnes ont quitté l’Irak, plus de la moitié vit en Syrie, dans des conditions de plus en plus précaires, au bord d’une crise humanitaire. Parmi ce million d’Irakiens installés le plus souvent à Damas ou à Alep, il y aurait entre 70 000 et 100 000 chrétiens (ces chiffres sont des estimations ; les réfugiés ne sont pas comptabilisés selon leur appartenance confessionnelle). De fait, l’exode touche particulièrement la minorité chrétienne, très fragilisée. Depuis 2003, elle serait passée, en Irak, de 800 000 à 400 000 personnes.
Pendant cinq ans, Joseph, Marguerite et leur fille Rimi ont vécu à Damas dans l’attente désespérée d’un visa pour un pays occidental, dépensant l’argent d’un héritage, recevant quelques subsides de parents installés aux Etats-Unis. «Trois fois, j’ai demandé un visa pour l’Australie, explique Joseph. On m’a répondu qu’il n’y avait plus de places. C’est pourtant grand l’Australie !» Les frères et les sœurs, les oncles et les tantes de Joseph et de Marguerite sont déjà dispersés entre les Etats-Unis, le Canada, l’Australie ou la Suède. Cette diaspora mondialisée est le propre de beaucoup de familles chrétiennes. Car si leur exode s’est accentué depuis 2003, les chrétiens ont commencé à fuir depuis une vingtaine d’années.
Las d’attendre à Damas, Joseph est parti clandestinement vers la Suède. Grâce à l’opération Kouchner, Marguerite et Rimi ont pu, il y a deux ans, gagner légalement la France, rejointes plus tard par Joseph. En camion, à travers le Kurdistan. Contrairement à ce qu’affirmait Bernard Kouchner en 2008 («personne n’accueillait les chrétiens»), la Suède avait, elle, ouvert ses frontières. Mais récemment, sa politique s’est singulièrement durcie. «Après une visite du Premier ministre irakien en Suède», remarquent les réfugiés en France. Le pays s’est attiré d’ailleurs les protestations du HCR, notamment pour avoir expulsé un chrétien débouté trois fois du droit d’asile, alors qu’il affirmait avoir été personnellement menacé.
Face à l’ampleur de l’exode, la «générosité» française, annoncée à grands renforts médiatiques, comme l’a été l’accueil des blessés de l’attentat du 31 octobre, paraît dérisoire. Les politiques migratoires très restrictives des pays occidentaux ont fermé les frontières. En Irak, les chrétiens, candidats à l’exil, en sont réduits aussi à emprunter les filières clandestines. Un jeune religieux dominicain irakien, en formation en France, affirme que les familles se cotisent pour qu’un de leurs membres puisse partir. A Bagdad, Salwan possédait un commerce de gros en balais. Il a fui en 2009. Agé d’une vingtaine d’années, il montre la longue cicatrice qui lui barre la paume de la main. «J’ai reçu une lettre de menaces», raconte-t-il. Il n’y a pas pris garde. Son français reste hésitant. Il ne trouve pas le mot et fait le geste de déchirer la lettre. «Plus tard, poursuit-il, j’ai été assommé dans la rue.» Lors de l’agression, il a eu deux doigts tranchés, à l’hôpital, on a pu les lui regreffer. «Mon père voulait que je quitte l’Irak et a vendu le magasin. Il pensait que la prochaine fois, ils me tueraient», explique-t-il.
Le prix à payer pour gagner l’Europe ? 10 000 dollars, selon Salwan. A bord d’un camion, il a traversé le Kurdistan pour atteindre la Turquie, pris un avion pour Paris, tenté de rejoindre sa sœur, installée en Allemagne, a été arrêté par la police allemande dans le train et renvoyé… en France. «Une amie de ma mère m’a donné l’adresse de l’église chaldéenne de Paris», poursuit le jeune homme. Là, il trouve l’assistance pour régulariser sa situation. Chaque samedi après-midi, l’Association d’entraide aux minorités d’Orient (Aemo), fondée en 2007 et qui a été l’un des interlocuteurs des autorités françaises pour rapatrier les chrétiens d’Irak, y tient une permanence. Ces histoires de passages clandestins sont taboues. Malgré tout, chacun sait que d’autres continuent à arriver. «Qui pourrait me reprocher de les accueillir ?», lâche un prêtre de la paroisse.
A Belleville, Nadia, Youssif et leur fils de 4 ans partagent avec une famille irakienne, un trois-pièces, une escale pour eux aussi dans un appartement de France terre d’asile. Nadia continue d’apprendre le français. Youssif est soulagé. Après deux ans d’inactivité, il est en contrat d’insertion à la RATP, un CDD jusqu’en juin. Une chance que peu partagent. Les difficultés de langue, de logement, de travail rendent l’insertion très difficile. Beaucoup de réfugiés appartenaient à la classe moyenne. «Ma mère pleure et parle tous les jours de notre maison en Irak, raconte Rana, dont la famille vit aujourd’hui dans 30 m2. C’était la taille de notre cuisine là-bas.» «No hope», résume brutalement Dinka. «On me donne juste de quoi manger. Moi, je voudrais un travail», dit-il encore en jurant cependant que sa famille défendrait la France les armes à la main si elle était attaquée. Joseph tend la lettre de refus poli du conseil général de l’Essonne qu’il a sollicité pour un poste d’agent d’entretien.
Directrice dans un ministère en Irak, Marguerite voudrait un boulot en usine. Elle a refusé les heures de ménages proposées par Pôle emploi. La petite communauté paraît bien isolée. «Le prêtre de la paroisse catholique vient de temps en temps déjeuner avec mes parents», raconte Rana. En France, l’Eglise catholique rappelle souvent son soutien aux minorités chrétiennes d’Orient. Mais il y a un pas de la parole aux actes. Ici, auprès des réfugiés irakiens, la solidarité matérielle paraît peu active. Dinka, lui, rêve à une nouvelle terre promise, l’Australie. Il raconte que son cousin, neuf jours après son arrivée, y a trouvé un travail, qu’il a déjà sa voiture, qu’il y a des boîtes de nuit pour les Irakiens, qu’une dentiste chinoise a même appris le soureth pour soigner ses patients. «Vous savez comment je pourrais y partir ?», demande-t-il. Otages ici, otages là-bas, tel semble être devenu le sort des chrétiens irakiens.
Sur place, ils sont suspectés par les extrémistes islamistes d’être la cinquième colonne des «croisés» occidentaux. Début novembre, Al-Qaeda affirmait que les chrétiens étaient des «cibles légitimes». Puis est arrivé l’attentat contre une église copte à Alexandrie, dans la nuit de la Saint-Sylvestre, mobilisant davantage l’Occident à la cause des chrétiens d’Orient. Au risque des instrumentalisations de toutes sortes. La peur de l’islam et de l’islamisation hante les sociétés européennes, nourrissant, aussi bien aux Pays-Bas qu’en France, les populismes rénovés de l’extrême droite. La chancelière allemande Angela Merkel et le président de la République Nicolas Sarkozy exaltent désormais, l’un et l’autre, les «racines chrétiennes» de l’Europe. En janvier, le même Nicolas Sarkozy dénonçait «l’épuration religieuse» qui frappe les chrétiens d’Orient. Politiquement, l’Union européenne en appelle à la liberté religieuse dans les pays musulmans. Mais elle garde jalousement baissées ses frontières.
Tout comme le Vatican et les responsables des églises locales, les pays occidentaux redoutent que la région ne se vide de ses minorités chrétiennes. Car, à terme, l’exode pourrait être fatal. Lors d’un synode sur la situation au Moyen-Orient, qui s’est tenu en octobre à Rome, l’Eglise catholique a réaffirmé son souhait que perdure une présence chrétienne dans le berceau originel du christianisme. Mais à quel prix ? «Personne ne peut dire qu’un chrétien n’est pas en danger en Irak. Comment peut-on demander à un père de famille d’y rester ?» s’insurge Elish Yako, l’un des responsables de l’Aemo. L’association affirme avoir une liste d’attente de 4 000 personnes qui voudraient partir d’Irak. En France, depuis novembre, le torchon brûle entre l’Aemo et l’Œuvre d’Orient, l’organisation catholique officielle française de soutien aux chrétiens d’Orient, tenant de la ligne du Vatican. Malgré les exhortations de l’Eglise, l’exode ne se tarit pas. «Depuis l’attentat, plus de 1 600 familles chrétiennes ont quitté Bagdad», explique le père Raphaël. Pour la plupart, selon le HCR, elles ont gagné la région autonome du Kurdistan, au nord du pays, plus sûre. En France, les réfugiés ne croient pas à un avenir assuré là-bas et suspectent surtout le gouvernement de vouloir s’attirer les bonnes grâces des Etats-Unis en tendant les bras aux déplacés kurdes.
«Nous vivons», dit Rana, dans son français maladroit, signifiant ainsi que sa famille a la vie sauve. Malgré les difficultés, elle s’accroche, sourit lorsqu’elle rentre chez elle, console, comme elle peut, ses parents des rigueurs de l’exil. Parlant l’arabe et l’anglais, elle a trouvé un travail à mi-temps dans une agence de voyage. Salwan habite, lui, dans une petite chambre au cœur de Paris, fait la plonge et rêve un jour peut-être d’ouvrir son restaurant.
(1) Les prénoms ont été changés.
Libération, le 26/03/2011