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Publié le : 12/04/2018
L’examen par le Parlement du projet de loi asile et immigration doit être l’occasion d’un débat national, lucide et dépassionné, sur l’accès aux droits et l’intégration des étrangers isolés ou en famille, installés depuis plusieurs années sur le territoire national, dont la situation sociale, familiale ou la situation dans le pays d’origine ne permettent pas d’envisager une mesure d’éloignement.
Les acteurs de la lutte contre l’exclusion accompagnent et soutiennent depuis des années des milliers de personnes et familles, qui errent entre la rue et l’hébergement précaire, sans ressources faute de droit au travail. Ils sont contraints à la clandestinité, à la vie en campement, en squat ou dans des hébergements temporaires. Cette situation choquante alimente depuis des années – et dans une certaine indifférence – la grande pauvreté et l’exclusion dans le pays.
Le refus d’accorder un statut à ces ménages permettant leur accès au logement alimente également «un marché de la mise à l’abri» financé par l’Etat qui ne cesse de croître (1,9 milliard au plan national). Rien qu’en Ile-de-France, 40 000 personnes en famille sont hébergées à l’hôtel ou dans des haltes de nuit. Le droit au séjour «incomplet» de la plupart d’entre elles bloque toute sortie vers le logement et l’emploi.
Ce système est aujourd’hui à bout de souffle : il impose des conditions de vie très dégradées pour ces familles avec enfants qui manquent de tout, confrontées à des carences alimentaires et à des difficultés d’accès aux soins et à l’éducation. Ces ménages sont victimes d’une double peine : précarité sociale et non accès au droit commun. La circulaire Valls publiée en novembre 2012 était une tentative de règlement de ces situations administrative complexes. Six ans plus tard, nous constatons que ce texte mis en œuvre de manière très inégale, impose des critères trop stricts et des délais trop longs pour permettre aux ménages de sortir de l’exclusion et de la grande précarité.
Pour sortir de cette impasse dramatique, nous proposons au gouvernement et aux parlementaires d’amender la loi afin de permettre l’accès à un titre de séjour d’un an renouvelable pour les ménages, isolés ou en famille présents en France depuis deux ans au moins, qui sont dans l’impossibilité de quitter le territoire pour des raisons humanitaires ou administratives. Cette carte de séjour, leur garantirait le droit au travail, l’accès à des ressources et donc à un logement autonome. Cette mesure n’est pas une régularisation massive, elle est associée à des critères objectifs et se veut pragmatique.
Nous savons qu’une partie de l’opinion n’est pas favorable à l’ouverture de droits pour les étrangers et qu’il faut un certain courage politique pour engager ce débat. Pourtant le maintien pendant des années de milliers de ménages dans la clandestinité et la misère n’est plus supportable et est indigne de la France. En proposant un titre de séjour à ceux qui ne peuvent pas être expulsés du territoire national, la France engagerait une véritable politique de réduction de la pauvreté des familles.
D’ailleurs ces objectifs ont été annoncés par le président de la République lui-même le 17 octobre dernier. Nous nous permettons de lui rappeler la nécessaire conciliation des valeurs républicaines d’humanité et de fraternité avec les intérêts économiques et sociaux du pays.
Signataires : Louis Gallois, président de la Fédération des acteurs de la solidarité; François Soulage, président du Collectif Alerte; Thierry Le Roy, président de France terre d’asile; Véronique Fayet, présidente du Secours Catholique; Eric Pliez, président du Samu social de Paris; Thierry Kuhn, président d’Emmaüs France; Claire Hédon, présidente d’ATD Quart-Monde; Françoise Sivignon, présidente de Médecins du Monde; Jean-Michel Hitter, président de la Fédération de l’entraide protestante; Rachid Lahlou, président du Secours Islamique France; Patrick Doutreligne, président de l’Uniopss; Daniel Naud, président de la Fondation de l’armée du salut.
Libération, par un collectif d'associations, le 11/04/2018