
De plus en plus de femmes migrent seules : en 2020, près d’une femme demandeuse d’asile sur deux est arrivée seule en France.
Isolement, hébergement inadapté, situations de rue… Ces femmes sont d’autant plus touchées par les violences notamment sexuelles et les risques d’exploitation.
En cette veille de Journée internationale des droits des femmes 2025, France terre d’asile publie ses recommandations pour renforcer la protection des femmes exilées isolées et soutenir leur autonomisation.
Accès à l’hébergement : des solutions insuffisantes, peu adaptées et instables
La saturation des dispositifs d’hébergement entraîne un long délai d’attente avant d’avoir une place, et certaines femmes attendent jusqu’à 9 mois avant d’être hébergées.
« Il n’y a qu’une grosse dizaine de places pour femmes isolées dans tout Paris. », indique une intervenante sociale à Paris
Durant cette attente, les femmes sont contraintes de vivre à la rue les nuits où elles n’ont pas d’hébergement d’urgence, ou à être hébergées par des connaissances, avec tous les risques de violences et d’exploitation que cela implique.
« Quand j’appelais le 115, c’était difficile. Je me levais à 5h du matin pour appeler. On te dit c’est trop tôt, de rappeler à 7h. Il y a 45 minutes avant qu’on te réponde, on te dit qu’il n’y a plus de places » Nafissatou, Sénégalaise, 41 ans, en France depuis 5 ans
Les femmes exilées isolées, surexposées aux violences basées sur le genre
Les femmes exilées isolées sont particulièrement exposées à un risque de violences physiques et sexuelles, notamment lorsqu’elles sont à la rue.
« La journée, je suis en sécurité, mais la nuit je ne suis pas du tout en sécurité. Dans la rue, non, non, non, c’est pas facile. » Elvira, Ivoirienne, 34 ans, en France depuis 10 mois
Être hébergée par une connaissance peut aussi donner lieu à des formes d’exploitation domestique : forcées à faire les courses, le ménage, à garder les enfants en échange d’un toit pour quelques nuits.
« Je suis vraiment devenue sa bonne, sa servante, sa domestique, je subissais tout. » Emma, Ivoirienne, 42 ans, en France depuis 5 ans
Un accès aux droits complexe
Le manque d’accès aux structures d’accueil limite aussi l’accompagnement social et donc la connaissance de ses droits, des procédures et des services adaptés à sa situation, par exemple en matière de santé. Alors que les démarches à entamer par les personnes exilées sont complexes et nécessitent un soutien de la part d’acteurs spécialisés, la majorité des femmes que nous avons rencontrées ont été accompagnées par des travailleurs sociaux tardivement, parfois après plus d’un an de présence sur le territoire.
«Pour moi, le plus important, c’est d’avoir un accompagnement social dès le début! Moi, je me sens en retard sur mes papiers, car je ne suis pas suivie par une assistante sociale. Si j’en avais une dès le début, ça serait mieux. » Hermela, Éthiopienne, 28 ans, en France depuis 4 ans
L’accès à un accompagnement social retardé et discontinu se traduit par un manque d’accès aux droits, comme des difficultés d’accès à des soins de santé par exemple.
Des besoins importants en matière de santé, mais un accès aux soins compliqué
Les violences subies et le parcours migratoire ont de lourdes conséquences sur la santé physique et mentale des femmes exilées : près de la moitié des femmes que nous avons interrogées cumulent au moins deux pathologies.
« Quand je suis arrivée, ça n’a pas été facile, parce que mon parcours, traverser la Méditerranée… Nous, on a vu des trucs sur la route, donc quand je suis arrivée je n’arrivais pas à dormir, quand je ferme mes yeux c’est comme si j’avais tout le temps mal à la tête. » Kouadio, Ivoirienne, 36 ans, en France depuis 3 ans
Malgré leurs besoins importants en matière de santé, les femmes exilées isolées peuvent être confrontées à de multiples obstacles pour accéder aux soins : absence de couverture maladie, d’interprète, manque de praticien·es spécialisé·e en santé des femmes... Cet accès plus long et difficile aux soins renforce en retour les risques pour leur santé.
Afin de protéger les femmes isolées exilées des violences et renforcer leur autonomisation, France terre d’asile appelle les pouvoirs publics à :
> Garantir une prise en charge digne, pérenne et adaptée aux femmes exilées
Augmenter le nombre de places en hébergement, créer des structures dédiées aux femmes, financer des places supplémentaires pour les personnes LGBTQI+...
> Améliorer l’accès aux droits et éviter les ruptures de parcours
Garantir l’accès systématique à l’interprétariat, faciliter l’accès au séjour pour les femmes exilées isolées, créer une protection humanitaire pour les femmes victimes de violences graves sur leur parcours migratoire...
> Faciliter l’accès aux soins de santé dès l’arrivée sur le territoire français
Créer des permanences de santé dans les structures d’hébergement, supprimer les délais de carence pour avoir accès à une couverture maladie, créer des missions de médiation en santé dans les lieux d’accueil et d’accompagnement des personnes migrantes...