À Chambon-le-Château, un village au cœur de l’Occitanie, les habitant·es et les résident·es des centres d'accueil pour demandeurs d'asile (Cada) de France terre d'asile se sont retrouvé·es pour une randonnée conviviale. Un moment d’échanges et de sérénité.
Il est 9h du matin, le soleil se lève doucement sur les collines de Chambon-Le-Château. Le village, encore calme, commence à s’animer devant la salle des fêtes. Familles, retraité·es, jeunes, enfants… Habitant·es installé·es depuis des générations ou arrivé·es récemment pour trouver refuge en France : aujourd’hui, ils et elles se retrouvent pour une randonnée ponctuée de performances artistiques dans les collines lozériennes.
Des rencontres interculturelles
Nicole et Danielle, deux retraitées du village, s’avancent avec leurs bâtons de marche en main. « On avait hâte de faire cette rencontre », confie Danielle. Elles ont, comme d’autres habitant·es de Chambon, envie de rencontrer celles et ceux qui partagent désormais leur quotidien dans ce petit village de 300 habitant·es.
Nicole et Danielle, habitantes de Chambon-le-Château
Pour les résident·es des Cada, c’est une occasion de mieux connaître les membres de la communauté dont ils et elles font désormais partie. Les enfants des résident·es sont scolarisé·es dans l’école du village et commencent à apprendre la langue française et à créer des liens avec leurs camarades de classe. Pour leurs parents, les rencontres sont essentielles.
Haidary, résident du Cada de Langogne
Une bulle de tranquillité
La journée débute avec un récital multilingue, où se mêlent des chants en arabe, en espagnol, en français et en anglais. Orchestrées par la troupe Action d’espace de Montpellier, ces premières notes résonnent comme un écho à la diversité des participant·es, une manière de briser les barrières linguistiques pour bien débuter la journée.
Vers 10 heures, les randonneur·euses ouvrent la marche. Le cortège s’étire peu à peu le long des sentiers sinueux. Au fil des kilomètres, les discussions se multiplient. Loin des procédures administratives ou du stress de la vie quotidienne, cette randonnée est une pause bienvenue pour toutes et tous. Pour les personnes en exil, qui ont été contraintes de fuir la guerre, les conflits ou les persécutions, c’est un moment particulièrement réparateur.
Le groupe se met en marche, vers 10h
Karine porte son bébé sur son dos et tient son autre fille par la main. Originaire du Congo, où elle travaillait en tant que juriste, elle habite aujourd’hui à Chambon avec ses deux enfants et a demandé l’asile en France. « Cette randonnée me fait du bien », confie-t-elle, « Elle me permet de décompresser et d’oublier un moment les pressions de la demande d’asile ».
Des récits de vie qui se mêlent
À midi, le groupe fait une pause dans une clairière pour un pique-nique partagé. Les randonneur·ses échangent mets et traditions : des spécialités afghanes apportées par des résident·es du Cada de Langogne circulent parmi les sandwichs et les salades préparés par les locaux·les.
Victor, arrivé à Chambon avec sa famille il y a quelques mois, discute avec Laurie, une habitante de Chambon. Médecin originaire du Congo, il espère obtenir bientôt l’asile en France et poursuivre sa carrière. En attendant l’issue de la procédure, il se forme à la conduite, un premier pas pour reprendre une vie normale.
Après cette pause repas, le groupe reprend doucement sa route pour s’arrêter de nouveau quelques kilomètres plus loin. Le musicien Timothée Demoury, basé en Lozère et invité pour l’occasion, sort sa guitare et partage ses morceaux. Les randonneur·ses, installé·es autour de lui, se laissent bercer par les mélodies.
Interlude musical avec Timothée Demoury
Les discussions reprennent ensuite autour d’un thé chaud. Les récits de vie se croisent : souvenirs des pays d’origine ou de jeunesse, anecdotes de la vie à Chambon, histoires personnelles. Les habitant·es expriment leur attachement à la région, les résident·es des Cada évoquent leur pays d’origine ou leur découverte de ce nouvel environnement. Chacun·e partage ses traditions et ses valeurs, qui souvent se ressemblent.
« Un message fort : celui de l’inclusion et du partage »
Avant de conclure la journée, les randonneur·euses se regroupent pour réaliser ensemble une œuvre de land art avec des objets qu’ils sont ramassés tout au long de la marche. Elle représente deux silhouettes tenant le drapeau de France terre d’asile, symbole, pour les participant·es, d’accueil et d’espoir. Cette œuvre collective cristallise l’esprit de partage qui a marqué la journée.
Lorsque la journée touche à sa fin, les randonneur·euses prennent le chemin du retour, revigoré·es par cette journée d’échanges. Pour Laurie, cette rencontre a également été une façon de dépasser les discours véhiculés sur les personnes exilées. Elle qui n’avait pas encore eu l’occasion de rencontrer des résident·es des Cada confie : « On devrait faire ça plus souvent. En ce moment, on entend beaucoup de choses négatives sur l'immigration et les personnes exilées à la télévision. Mais en passant du temps avec elles comme aujourd’hui, on voit bien que ce sont des gens comme nous, avec des rêves et des espoirs, mais aussi beaucoup de souffrances ».
Victor, quant à lui, repart avec l’espoir d’un avenir meilleur : « Au-delà du sport et de la nature, cette randonnée a porté un message fort : celui de l’inclusion et du partage ».
Danse sous le soleil avec les randonneur·euses