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Des réfugiés accueillis dans des grandes écoles, «un tremplin»

Publié le : 15/12/2016

liberation

Yama, 31 ans, est arrivé en France en février dernier après un long périple depuis l’Afghanistan. Comme lui, une soixantaine de jeunes demandeurs d’asile ou réfugiés suivent un programme d’insertion dans la société française, conçu par des étudiants de grandes écoles.

Animés «par un sentiment de révolte» face au sort des réfugiés, des étudiants de Science Po et de l’ESCP Europe, soutenus par leurs établissements, ont créé à l’automne 2015 le programme Wintegreat, raconte Théo Scubla, co-fondateur de l’association, qui regrette «le misérabilisme et le pathos» associés selon lui à la représentation des réfugiés.

Ces personnes «ne sont pas comme vous et moi car nous n’avons pas vécu le quart de ce qu’elles ont traversé. Mais elles sont nos semblables», ajoute-t-il. «De par leur résistance, elles portent un message d’optimisme et nous devons les aider».

«Pragmatisme» et «projet à long terme» sont les maîtres-mots de Wintegreat, lancé officiellement en janvier 2016, qui accueille une vingtaine de jeunes à Science Po, 25 à l’ESCP et, depuis octobre, une quinzaine à l’Essec, autre école de commerce parisienne.

Un programme voué à s’étendre à d’autres écoles à Paris et en province, ainsi qu’à l’étranger, indique Théo Scubla, évoquant des discussions avancées avec une grande université londonienne.

Les Syriens, Soudanais, Kényans, Bengalis etc. suivent au sein des établissements 12 heures de cours de français par semaine, deux à trois heures d’anglais, des cours d’histoire à partir de janvier, et des sessions de «Vivre en France» autour de thèmes tels que «le monde du travail», «le système éducatif», «les femmes en France» ou... «Le football». Sans oublier des sorties culturelles et une préparation au semi-marathon de Paris.

Un «tremplin» intensif, conçu pour être suivi pendant deux semestres.

La plupart des intervenants sont bénévoles mais pas les profs de français langue étrangère. L’association a lancé une plateforme pour recevoir des dons, afin d’accroître le nombre de bénéficiaires du programme:

- Un coach, un mentor, un pote -

Les candidats, des jeunes hommes pour la plupart, sont mis en lien avec Wintegreat via des associations d’aide aux réfugiés (France terre d’asile etc.), des centres d’accueil ou d’apprentissage du français. Ils doivent avoir au moins 18 ans, l’équivalent du bac et être sur le territoire français légalement, comme demandeur d’asile ou réfugié.

Chaque jeune est épaulé par un trio: un étudiant-coach qui le guide dans ses démarches administratives et l’aide à concrétiser son projet professionnel ou éducatif; un mentor, inséré dans le monde du travail, qui apporte son expertise. Et un étudiant «buddy» (+pote+) pour la vie sociale, loin des obligations qui rythment le quotidien.

«Il ne s’agit pas seulement de guider dans les démarches pour une inscription à la fac par exemple. Il faut aussi comprendre comment la personne fonctionne et ce qu’elle veut réellement», indique Jeanne Huybrechts, 19 ans, étudiante à Sciences Po et «coach» de Yama, diplômé d’informatique en Afghanistan, dont elle admire la motivation.

Quelques jours après son arrivée à Paris, armé de seulement quelques mots de français, le jeune homme est allé frapper à la porte de Sciences Po, dont il connaissait vaguement le nom, pour se renseigner sur les possibilités d’études. Refoulé par le garde car il ne possédait pas de carte d’entrée, il repart toutefois avec l’adresse électronique de l’association.

«Ils en ont vu des vertes et des pas mûres. Ils savent que le monde est injuste. Mais ils ne veulent pas avoir traversé tout ça pour rien», souligne Jeanne.

Yama juge injustifiée «la mauvaise réputation des Français, qui sont en fait très sympas». Mais il s’étonne encore, un an après son arrivée, que «les habitants d’un immeuble se connaissent à peine. Juste +bonjour bonsoir+».

Libération, le 15/12/2016