- Accueil
- France terre d'asile
- Histoire
- 1971-1980
- 1980-1998
- 1998-2006
- 2006 à nos jours
- Organisation
- Notre gouvernance
- Nos établissements
- Notre organisation
- Nos actions
- Notre expertise
- Infos migrants
- Faire un don
- Rejoignez-nous
Publié le : 15/06/2017
Quand on retrouve Afousatou dans un café de la Porte de la Chapelle, dans le nord de Paris, la première chose qu’on remarque c’est son large sourire. Cette Ivoirienne de 30 ans le garde en toutes circonstances, même quand elle raconte certains moments difficiles de sa vie : le sourire franc et communicatif est définitivement ancré sur son beau visage.
Afousatou, c’est une femme de caractère, "une rebelle" comme elle aime se décrire. Dernière d’une fratrie de huit enfants du côté de sa mère et de 26 autres du côté de son père, elle a dû s’imposer pour s’affirmer. "Étant la benjamine d’une grande famille, tout le monde avait un avis sur ce que je devais faire ou ne pas faire, raconte-t-elle. C’était fatiguant".
Ses grands yeux rieurs, sa gentillesse naturelle et sa générosité cachent une volonté farouche, un besoin vital d’émancipation loin de son cocon familial. Son désir d’indépendance la conduira en 2008 à quitter sa ville, Ferkessédougou, située à 650 km au nord d’Abidjan, tout près de la frontière malienne et burkinabé. Les conflits qui font rage dans le nord du pays lui donnent une raison de plus de tenter sa chance ailleurs. Avec la complicité de sa mère et de sa sœur la plus âgée, sa "deuxième maman", de 20 ans son aîné, la jeune adulte prend l’avion direction Paris. On est en 2008, Afousatou n’a que 21 ans. "J’avais besoin de me découvrir, de me retrouver dans un environnement loin de ma famille pour savoir qui j’étais réellement".
Arrivée en France, Afousatou ne contacte personne pendant près de deux mois. Pourtant une de ses sœurs vit en région parisienne. "Avec une famille comme la mienne, on est un peu partout", s’amuse-t-elle. Mais dans un premier temps elle préfère se débrouiller par ses propres moyens, quitte à galérer pour trouver un toit. Encore et toujours ce besoin de s’affirmer seule et de ne plus être considérée comme "la sœur de", "la fille de", "la cousine de". "J’en avais besoin pour savoir de quoi j’étais capable et ainsi me connaitre tout simplement".
Un jour, elle se décide à appeler cette sœur qu’elle n’a jamais vue. Les deux femmes s’enlacent tendrement avant de fondre en larmes. Quand elle relate cette rencontre, le visage d’Afousatou s’illumine comme si elle revivait aujourd’hui ce moment. Un temps hébergé chez elle, la jeune ivoirienne alterne entre des nuits chez des amis, à l’hôtel ou des foyers à Paris et en région. Une époque de galère qu’Afousatou évoque pourtant avec humour et positivité : "Ça m’a permis de visiter la France", plaisante-t-elle. "Changer d’endroits aussi souvent à plusieurs avantages. Tout d’abord ça m’a aidé à connaitre la culture française et en plus ça m’a permis de m’adapter dans toutes les situations", observe la jeune mère. Car même enceinte de son fils Ryan qui a aujourd’hui quatre ans, elle s’est retrouvée contrainte à enchaîner les lieux d’hébergement provisoires après s’être disputé avec le père de l’enfant qui a 30 ans de plus qu’elle. "La vie est faite d’épreuves, il faut vivre avec. Je prends toujours le côté positif, ça m’aide à tenir", dit-elle simplement. Aujourd’hui, bien que réconciliée avec son conjoint, la jeune femme préfère vivre seule. Une situation qui semble toutefois lui convenir : "Je suis quelqu’un de libre et d’indépendant. C’est mieux comme ça", dit-elle fièrement.
D’autant qu’Afousatou ne s’arrête jamais. Sûrement aussi pour éviter de trop cogiter : "si on ne fait rien dans un pays qu’on ne connait pas, on devient vite fou", assure-t-elle. L’Ivoirienne a deux passions : le commerce et la cuisine. En arrivant en France, elle trouve naturellement des petits boulots dans la restauration, en tant que plongeuse ou commis de cuisine. En parallèle, elle vend des spécialités ivoiriennes pour se faire un peu d’argent. Même lorsqu’elle était en foyer, elle ne pouvait s’empêcher de préparer à manger pour les autres résidents. "Là-bas, Afousatou était synonyme de nourriture. Ma chambre était devenue un restaurant", se souvient-elle, toujours le sourire aux lèvres. Grâce à l’aide de l’association France terre d'asile qui lui met le pied à l’étrier, elle organise aujourd’hui des ateliers de cuisine trois ou quatre fois par mois et est devenue traiteur pour des particuliers. "La cuisine crée du lien et soude les gens entre eux, dit la jeune maman. Et puis je partage aussi dans le même temps la gastronomie et la culture ivoirienne".
Dimanche, elle participera au Refugee food festival. Lancé l’année dernière, le festival permet d’ouvrir pendant quelques jours les cuisines de certains restaurants à des chefs réfugiés. L’occasion pour tous de goûter des mets venus d’ailleurs. Pour Afousatou, ce sera la première fois qu’elle travaillera avec des cuisiniers professionnels, qu’elle dirigera une "brigade". "J’ai hâte", lance la jeune femme d’un air enjoué. La cuisine, elle pourrait en parler des heures. Comme de sa région natale où elle investit désormais : elle a un projet de maisons d’hôtes, un bureau Emmaüs y a ouvert il y a peu et elle travaille auprès des personnes en situation de handicap. Afousatou sait qu’elle retournera vivre un jour en Côte d’Ivoire mais ignore dans combien de temps. "Des mois, des années… je ne sais pas. Je vais là où le vent m’emmène".
Sur Info migrants, le 14/06/2017