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Publié le : 21/12/2015
Satisfaite des résultats de cette phase test, l’association veut généraliser l’opération sur tout le territoire avec l’objectif d’impliquer 1 000 binômes en 2016.
« Nous aimerions nous faire un ami. » Ce matin de décembre, motivés par ce désir tout simple, Djanik et sa femme Kristine ont poussé la porte des bureaux de France terre d’asile, à Rouen. Ils ont choisi de s’inscrire au programme « Duos de demain », un dispositif de parrainage créé en Seine-Maritime par l’association.
Les deux Arméniens de Russie ont obtenu l’asile en France fin 2013, avec leurs deux filles de 11 et 3 ans. Ils connaissent bien quelques personnes de leur communauté installées dans l’agglomération normande, mais ils se sentent seuls. « On ne peut pas rester ici en vase clos, c’est impossible de vivre pleinement sa vie ici sans connaître un seul Français », résume Djanik, avide de partager notamment autour de la musique, sa grande passion. Cela tombe bien, une famille rouennaise de mélomanes attend d’être mise en relation ! Depuis un an, une vingtaine de binômes associant réfugiés et Français ont ainsi été formés dans cette structure pilote, avec l’idée d’accélérer la découverte du pays. Encouragée par les premiers résultats, l’association vient d’élargir l’opération à tout le territoire. Objectif : atteindre 1 000 binômes en 2016.
Ce jour-là, dans les couloirs de France terre d’asile, il y a aussi Agnès, infirmière à la retraite depuis deux ans. Elle a voulu répondre à l’appel relayé dans sa paroisse de Franqueville-Saint-Pierre pour accueillir les migrants. « Ce qui me séduit, c’est l’échange. On ne nous demande pas de porter les personnes mais de nouer des liens, ça change tout ! », explique-t-elle. C’est aussi le bon équilibre pour Agnès, qui ne serait pas allée jusqu’à accueillir un migrant chez elle. « Trop contraignant. » Dans quelques jours, elle devrait être mise en relation avec une Africaine anciennement aide-soignante au pays. Cette dernière est avide de conseils pour relancer sa carrière en France.
L’idée des « Duos de demain » est venue à l’association par le biais d’un jeune bénévole qui revenait d’Angleterre. Outre-Manche, il avait eu l’occasion d’observer le programme national « Time together » – littéralement « Du temps ensemble » –, poursuivi entre 2008 et 2012. L’opération a permis à 2 500 réfugiés de nouer des liens avec des « volunteers mentors » prêts à les guider dans leur nouvelle vie.
Dans la version française, les parrains doivent s’engager à organiser une activité citoyenne ou socioculturelle au moins une fois par mois, sur une durée d’au moins six mois renouvelables une fois. « La relation se fondera sur l’échange et l’apport mutuels, d’égal à égal », précise la charte d’engagements réciproques. Les réfugiés pourront eux aussi proposer des choses. Les échecs sont rares : à Rouen, seuls trois « Duos » n’ont pas tenu la distance.
Un café en terrasse, une sortie au cinéma ou à la piscine, une visite guidée du centre historique de Rouen, ou une session d’échanges culinaires… Très vite, un attachement se noue. Voilà plus d’un an que Catherine a rencontré Nina, Géorgienne, 40 ans, deux enfants. « On n’est plus obligées à rien, mais on continue à se voir et à s’appeler, juste pour le plaisir », explique Catherine. Elle évoque une mémorable séance de danse traditionnelle dans l’appartement de Nina. « Génial ! » Cette marraine, designer de métier, a réussi à lever plusieurs des freins à l’insertion, invisibles pour une administration. Elle a notamment obtenu un relogement dans un bâtiment à étages moins élevé, alors que sa filleule souffrait du dos, et ne pouvait prendre les escaliers pour sortir de chez elle.
Les coups de pouce sont pratico-pratiques : Khalil, Syrien arrivé en juillet 2014 avec sa femme et ses enfants, remercie Marie-Claude de l’avoir guidé dans le dédale de l’administration française.
Sophie Toupin, directrice départementale de France terre d’asile, attend encore plus de ce système de parrainage. Car en Seine-Maritime, l’association a connu cette année une hausse de 30 % des demandes d’asile. Parmi les nouveaux arrivants, beaucoup de jeunes hommes isolés qui arrivent souvent de Calais ou des squats parisiens. « Ils obtiennent le statut de réfugié à grande vitesse, c’est bien. Le problème, c’est la suite », alerte la responsable. Elle voudrait lancer des « Duos de l’emploi » pour favoriser l’insertion professionnelle. Cela a déjà eu lieu de manière informelle dans les « Duos » classique, entre deux comptables ou deux médecins. Grâce à un don de 50 000 € reçu à l’automne, la directrice entend embaucher un salarié à temps plein pour mener à bien ce projet, en lien avec des entreprises partenaires, un lycée, et des centres de formation.
Selon une enquête du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) publiée en 2013, les réfugiés s’intègrent moins facilement que les autres migrants arrivés au même moment, trois ans après l’obtention du statut.
Les personnes poussées à l’exil sont souvent moins préparées à la vie en France que les autres. L’idée du retour est plus persistante. Seuls 12 % des réfugiés « disposent de liens avec des citoyens français », contre 23 % des autres primo-arrivants.
Ils sont plus nombreux à ne pas vivre dans un logement satisfaisant (57 % contre 37 %), et ont plus de difficultés à bénéficier du rapprochement familial, ce qui ne leur permet pas toujours de se tourner vers l’avenir.
Ceux qui obtiennent le statut de réfugié signent un contrat d’accueil et d’intégration, ont droit à au moins 120 heures d’apprentissage du français. Ils ont accès à l’emploi, à la formation professionnelle, et aux soins (CMU). Ils peuvent par ailleurs toucher des allocations familiales et des aides pour le logement (APL).
Jean-Baptiste François, La Croix, 21/12/15