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Publié le : 07/12/2017
On ne répètera jamais assez que l’absence de vision partagée entre les États membres de l’Union européenne (UE) sur l’accueil des réfugiés a provoqué la crise humanitaire de 2015 et une profonde remise en question des fondements de l’Union européenne. Malheureusement, les États européens n’ont pas tiré toutes les leçons de cette période. Les négociations sur la réforme du régime d’asile européen commun se heurtent à nouveau à un impossible accord sur le règlement Dublin et, in fine, sur la solidarité européenne. Les résultats des élections allemandes et autrichiennes, et peut être demain des élections italiennes, ne vont pas favoriser la recherche d’un consensus sur ces questions.
Pourtant, une question a connu des développements notables depuis 2015. En effet, plusieurs États membres, dont la France, sont prêts à examiner l’ouverture de voies d’accès sûr et légal au territoire européen pour les réfugiés, particulièrement par le biais de programmes de réinstallation. On peut regretter qu’ils aient attendu les drames de ces dernières années pour découvrir à nouveau cet instrument aussi ancien que le régime mondial de protection des réfugiés. Rappelons que les Européens ont été les premiers bénéficiaires de cette solution durable au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et que les États européens ont généreusement utilisé cet outil dans les années 1970 et 1980 pour répondre à l’exil massif des réfugiés d’Asie du Sud. La France a ainsi accueilli 130 000 réfugiés ce qui lui a valu de recevoir le prix Nansen du Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) en 1979. La Commission européenne a tenté de relancer la réinstallation et de soutenir les États membres en 2005 en proposant un programme européen de réinstallation. Le HCR comme la majorité des associations européennes d’aide aux réfugiés ont appelé au développement de la réinstallation comme une solution de protection des réfugiés et un signe de solidarité avec les pays en voie de développement qui accueillent encore près de 85 % des réfugiés.
Alors, pourquoi ne pas se réjouir pleinement que la réinstallation s’installe comme une voie ordinaire d’accès à une protection internationale en Europe ? Est-ce uniquement un réflexe des associations davantage enclines à critiquer qu’à féliciter les pouvoirs publics ? Le trouble provient du contexte dans lequel se développe la réinstallation. Ce contexte est profondément marqué par l’accord avec la Turquie de mars 2016 qui est présenté comme le prototype des relations avec les pays tiers sur les questions migratoires. La solidarité avec ces pays est conditionnée à leurs efforts dans le contrôle de leurs frontières qui deviennent de plus en plus nos frontières.
De même, le débat sur les voies d’accès légal s’inscrit dans un objectif de proposer une alternative aux arrivées irrégulières, d’éviter les drames en Méditerranée et de casser le « business model » des passeurs. Ces objectifs sont louables mais il est permis de douter de la crédibilité des États européens. En premier lieu, les engagements en termes de réinstallation ne sont pas la hauteur des besoins. L’UE s’était engagée à réinstaller 20 000 réfugiés sur deux ans en juillet 2015 puis a relevé sa cible à 54 000 personnes après l’accord avec la Turquie en 2016. La Commission européenne a annoncé en septembre 2017 un nouvel objectif de 50 000 réfugiés réinstallés d’ici octobre 2019. Ces chiffres doivent être appréciés au regard des 1,2 million de réfugiés qui ont besoin d’être réinstallés selon le HCR. Ensuite, la crédibilité de l’UE est affectée par le non respect de ses engagements. Seuls 14 000 réfugiés ont été réinstallés dans l’UE en 2016. Qu’en est-il du programme d’admission humanitaire de Syriens qui devait être activé quand les arrivées irrégulières en Grèce cessaient ?
Le désengagement américain sur la réinstallation et la suspension de l’entrée de ressortissants de certains pays, dont la Syrie, constituent un défi supplémentaire pour les Européens. Pendant le mandat de Barack Obama, les États-Unis avaient substantiellement augmenté leurs contributions à l’accueil des réfugiés par des programmes de réinstallation. Près de 80 000 réfugiés ont été accueillis par ce biais en 2016 sur les 125 000 réfugiés réinstallés dans le monde. L’annonce de Donald Trump de réduire la réinstallation aux Etats-Unis à 45 000 réfugiés en 2018 va-t-elle être compensée par un engagement accru des Européens ?
On voit donc que l’objet premier de la réinstallation est progressivement détourné. La réinstallation est instrumentalisée pour prétendre assurer la sécurité des Américains. De ce côté de l’Océan atlantique, elle est devenue une mesure permettant de justifier des politiques coercitives aux frontières européennes. La protection des réfugiés passe malheureusement au second plan.
Article issu de notre Newsletter de novembre 2017
La réinstallation et la relocalisation, deux notions à ne pas confondre
La réinstallation est un mécanisme qui permet le transfert de personnes identifiées comme réfugiés dans le premier pays d’accueil dans lequel ils ont cherché protection, vers un pays tiers qui a accepté de les admettre. Elle concerne des réfugiés, touchés par des situations de vulnérabilité telles qu’elles font naître des besoins spécifiques, auxquels les premiers pays d’accueil ne peuvent répondre.
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