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L’idée d’un mini Maghreb à trois fait débat à Tunis

Publié le : 05/02/2013

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Un maghreb à trois, un pis aller ou une opportunité réaliste?

 La suggestion n’est pas nouvelle. Mais elle fait du chemin. Le Maghreb à cinq est bloqué ? Avançons par affinité, à deux ou à trois. C’est là l’un des débats qu’a abrité le think-tank Forum économique Maghrébin (MEF),  à Tunis le week-end dernier. L’enthousiasme du printemps arabe est retombé. Les risques sont montés. La profondeur maghrébine devient un recours concret. Pas encore pour tous.

Le président du MEF, Kamel Lazaar est un personnage Fitzgéraldien. Les larmes lui montent aux yeux dès qu’il parle du Maghreb en public. C’est aussi, à ses moments perdus, un grand manager de fonds d’investissements qui évalue le risque en temps réel. Aussi a-t-il repris la parole très vite à la fin de la cession du matin qu’il a inauguré sur le thème « l’intégration maghrébine : un moteur pour la création d’emplois : « je tiens à exprimer toute ma réserve au sujet d’une troïka dans la construction du Maghreb. Nous avons au forum économique Maghrébin l’ambition, le rêve utopique peut être, d’un Maghreb à cinq et nous voulons garder cette ambition ». Le rappel à l’ordre ne changera rien. L’idée d’avancer autrement qu’à cinq dès le début et « à la même vitesse » est celle qui a suscité le plus de commentaires- surtout  favorables - parmi les spécialistes présents à l’hôtel Mövenpick de Gammarth jeudi dernier. L’Algérien Arslan Chikhaoui de Nord-Sud Venture a été le premier à ouvrir la brèche « commençons par des politiques de voisinage et de convergences ». La Tunisie, l’Algérie et la Libye pourraient mettre en place des mesures entre elles. « Convergences d’abord. Elargissement ensuite.  Ce n’est pas l’économique qui va driver le politique. Cela a été une erreur de le croire ». Or le « contentieux » entre l’Algérie et le Maroc – qui n’est pas lié à la seule question sahraoui selon Arslan Chikhaoui- attend toujours une issue politique.  L’ancien vice-premier ministre libyen du premier gouvernement intérimaire Mustapha Abushagar abondera dans le même sens en proposant une politique des « petites mesures de convergences » en bilatéral. Sami Zaoui de Ernst &Young admet que dans le portefeuille client de son cabinet les plateformes des multinationales se réfléchissent plus entre deux ou trois pays qu’à l’échelle de tout le Maghreb. Un axe Tunis-Alger existe en pointillé pour certains intervenants globaux dans la finance et l’industrie. C’est le cas pour Ernst & Young par exemple. Cette session du MEF s’est déroulée en l’absence des invités marocains. Hasard de calendrier ou acte manqué signifiant ?  Le risque de mise à l’écart du Maroc de la dynamique dite de « convergence », au bénéfice d’une troïka Algérie-Tunisie-Libye a bien été souligné par les experts présents. Même si tout le monde convient que l’UMA gagnerait à être tirée par une expérience exemplaire d’intégration « entre au moins deux pays».

Le rapprochement Tunisie-Libye  a fondu en 2012

La construction maghrébine n’a pas encore profité de la chute des régimes autoritaires de Ben Ali et de Kadhafi. C’est l’autre constat du MEF. « Les transitions politiques sont complètement accaparées par les problèmes domestiques à Tunis et à Tripoli » a relevé un des intervenants. La nouvelle présidente de l’UTICA (organisation patronale tunisienne) Mme Ouided Bouchamaoui, a lourdement insisté sur le fait que rien dans la mise en œuvre d’un marché commun maghrébin ne pouvait s’envisager « sans le politique ». Or dans la conjoncture actuelle, une instabilité sur le terrain est venue s’ajouter aux anciennes rigidités des administrations. L’axe Tunis-Tripoli avait soulevé beaucoup d’espoir à la fin de l’année 2011.  L’enthousiasme est retombé depuis. Les excédents de main d’œuvre tunisienne (19% de chômage) n’arrivent pas à se faire recruter dans une Libye désorganisée, mais aussi plus ouverte vers d’autres partenaires. « Les turcs sont aujourd’hui plus nombreux que les travailleurs tunisiens en Libye » déplore un chef d’entreprise tunisien. Mais pas seulement. Le container qui vient d’Istanbul à Tripoli revient à 700 dollars. Il va nous couter le double avec la nouvelle ligne maritime que nous ouvrons bientôt de Sfax à Tripoli » déclare Mme la présidente de l’UTICA. Et la continuité territoriale entre les deux pays ? « Des bandes armées régentent le transport à la frontière entre la Tunisie et la Libye. Ce n’est plus possible de commercer avec Tripoli par cette voie » a déploré Mm Bouchamaoui. Ce qu’admet volontiers l’ancien vice premier ministre libyen Mustapha Abushagar.  Si les marchandises  circulent difficilement par la voie légale, les trafics ont explosé par contre. Le carburant libyen alimente le sud tunisien. Le trafic des armes a fait parler au MEF de l’émergence « de risques nouveaux ». Une préoccupation de premier ordre dans le milieu d’affaire Tunisien. Le Maghreb des services de sécurité avancera plus vite que celui des libertés de mouvement des citoyens.

La libre circulation des travailleurs a du sens

La table ronde du MEF a été cependant l’occasion de rappeler ce qui ne doit pas être perdu de vue. Le Maghreb équivaut à la démographie de l’Allemagne (85 millions) et au PIB de la Turquie, le nouveau dragon de la méditerranée. Il propose une profondeur de marché essentiel pour attirer des IDE. Il doit mettre en œuvre rapidement quelques unes  des libertés prévues dans les accords de l’UMA. Et d’abord la libre circulation de la ressource humaine. Les témoignages sur la grande difficulté à s’établir dans un pays maghrébin pour un citoyen maghrébin  ont été évoqué comme totalement anachroniques en 2013. « Les logiques protectionnistes des marchés du travail n’ont pas de sens lorsque il est possible d’aller et de venir, de s’établir ou de revenir » a expliqué un employeur tunisien. Philipe Fargues, spécialiste des flux migratoires à l’université européenne de Rome a d’ailleurs rappelé fort à propos que l’émigration portugaise et espagnole a nettement baissé vers le reste de l’Europe à partir de l’intégration de ces deux pays à l’UE. « L’intégration économique provoque un nivellement par le haut des économies et réduit le besoin de s’exiler ». Il a ajouté que la demande en main d’œuvre maghrébine en Europe deviendra une affaire de niches dans les prochaines années. La circulation horizontale de la main d’œuvre maghrébine au Maghreb a plus de perspective. Au profit de toute l’économie régionale.

Maghreb emergent , 05/02/2013