Publié le : 24/05/2013
Le mois d’avril 2013 a été le théâtre de débats parlementaires sans vote sur l’immigration économique et étudiante en France, malgré un report dû à la houleuse loi sur le mariage homosexuel. Geneviève Fioraso, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche l’affirme : « Les étudiants et chercheurs étrangers sont une richesse pour la France ; pas une charge. » Suite au second volet des débats, prévu pour le 29 mai à l’Assemblée nationale, un projet de loi pourra être présenté, probablement dans le courant du mois de juillet 2013.
Plus de 15000 jeunes Tunisiens étudient en France ; la nouvelle loi sur l’attractivité universitaire devrait faciliter leurs conditions d’études et de travail après un quinquennat Sarkozy et une circulaire Guéant hostiles aux talents étrangers.
« Il faut mettre fin aux pratiques qui donnent une image très fermée de notre pays », a affirmé Geneviève Fioraso, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
Une commission parlementaire dirigée par la sénatrice Dominique Guillot a ainsi bûché sur les dispositions de cette nouvelle loi Guillot et apporté des modifications à 6 articles de la constitution française concernant le statut des étudiants étrangers en France.
Le prochain débat qui se tiendra le 29 mai prochain à l’Assemblée nationale et portera uniquement sur les salariés et étudiants, sera alimenté par la proposition de loi de Dominique Guillot, mais également par un document du Secrétariat général à l’Immigration et à l’intégration (SGII), et par un rapport du député en Mission Matthias FEKL. Les débats déboucheront sur un projet de loi du ministère de l’Intérieur, qui devrait donc avoir néanmoins le dernier mot concernant le futur droit applicable aux étudiants étrangers en France.Ce que note, sur les ondes de RFI, la sénatrice Dominique Guillot, dont le projet de loi avait déjà été déposé le 12 février 2013 : « [Cette proposition de loi] aurait pu passer assez rapidement en inscription au Sénat dans une fenêtre parlementaire, mais l’annonce du débat à l’Assemblée nationale et au Sénat […] qui est préparé actuellement par le ministre de l’intérieur, en coopération avec […]le ministère des affaires étrangères et le ministère de l’enseignement supérieur, interdit la discussion sur la proposition de loi que je propose. »
Amal, 25 ans, originaire de Sousse et jeune ex-étudiante tunisienne en France, accueille la nouvelle avec satisfaction pour ses amis, mais désintérêt pour elle-même. Elle n’aura pas attendu de nouvelles réformes, et a déjà visé d’autres cieux plus cléments pour les thésards étrangers sans les complications administratives et financières françaises: « J’ai été acceptée par une université montréalaise au Canada pour poursuivre des recherches en littérature francophone, avec une bourse et un poste de prof assistant à la clé. Et franchement, c’est sans regret que j’ai quitté Paris ».Ramzi, jeune diplômé marocain d’HEC, n’a également pas vraiment digéré son retour forcé hâtif au Maroc alors qu’il avait obtenu une promesse d’embauche en bonne et due forme de la part d’un employeur en France. « Cet emploi était justement pour moi l’occasion d’acquérir une excellente expérience afin de m’ouvrir au marché marocain ou international. C’est absurde.»
La jeune femme fait partie de ces étudiants étrangers, Tunisiens, Marocains ou Camerounais, échaudés par une politique « d’immigration choisie » (loi du 24 juillet 2006) hostile aux talents étrangers. « Absurde » et « immorale », la controversée circulaire Guéant-Bertrand du 31 mai 2011 a également fait fuir de nombreux étudiants potentiels, reléguant la France à la 5e position du classement des destinations des étudiants internationaux et écornant son image au passage.
Elle sera finalement abrogée en mai 2012, suite à la promulgation d’une nouvelle circulaire par le fraichement élu gouvernement Hollande. Mais cette dernière circulaire: «[…] n’a ni plus ni moins de valeur qu’une ’note de service’ », sujette aux interprétations de chaque préfet, explique Cécile DIMOUAMOUA Présidente de l’association Intégration juridique et économique. Une nouvelle loi doit être instaurée pour remédier aux problématiques de fond.
L’accueil des étudiants étrangers, un enjeu majeur pour la compétitivité et la politique d’influence française
Parmi les nouvelles mesures annoncées figure la possibilité pour les docteurs d’accéder à un travail avec un visa de longue durée et la délivrance de la carte Compétences et talents :
« Ceci permettra de développer une coopération économique continue, enrichissante, sans pillage des cerveaux des pays émergents », ont ainsi déclaré les sénateurs.
Il est également question de l’obtention d’une carte de séjour de trois ans pour les diplômés étrangers avec la possibilité d’exercer auprès d’un ou plusieurs employeurs dès la première année ainsi que l’allongement de la durée de l’autorisation provisoire de séjour (APS), durant laquelle les diplômés peuvent chercher un emploi, de 6 à douze mois.
Les travaux des trente-six sénateurs ne se limitent pas aux étudiants diplômés. Des modifications positives seront apportées pour les étudiants ayant atteint un niveau équivalent à la Licence.
A ce stade, l’étudiant étranger « qui aura accompli une année d’études en France obtient un titre de séjour pluriannuel d’une durée de trois ans s’il prépare un diplôme équivalent à la Licence, de deux ans pour le Master, d’une durée de quatre ans pour un diplôme de Doctorat. »
Une disposition qui devient de plein droit alors qu’elle avait été laissée au bon vouloir des services préfectoraux jusqu’ici.
La possibilité de dispenser les cours en anglais dès la première année figure aussi dans les propositions de la ministre Fioraso, pour qui l’enjeu est surtout de faire venir les étudiants des pays émergents – Chine, Inde, Corée du Sud, Brésil – au grand dam des défenseurs de la francophonie.
La loi devrait apporter un changement substantiel aux étudiants tunisiens qui bénéficiaient pourtant d’un accord-cadre franco-tunisien relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire depuis 2008. Mais ce dernier, aux conditions d’accès complexes voire impossibles, victime de la méconnaissance et de la réticence de l’administration française, était loin de remplir son rôle. A titre d’exemple, sur les 1500 « Cartes compétences et talents », censées être octroyées chaque année, seules 97 l’ont été en 2011 et 66 en 2010, selon le directeur de l’office français de l’immigration et de l’intégration. Un accord ayant attiré plusieurs critiques, notamment d’avoir été négocié par la France peut-être plus pour faciliter l’identification des clandestins que pour favoriser la liberté de circulation des bénéficiaires.
De possibles conditions restrictives
Quelques dispositions ‘élitistes’ peuvent cependant tempérer l’enthousiasme des étudiants. En volume, l’augmentation ne devrait pas être significative. Les « meilleurs étudiants étrangers » avec des perspectives d’« emploi de haut niveau en France » seront clairement privilégiés ainsi que le précise Manuel Valls.
Les frais scolaires, comme l’a soulevé le Secrétariat général à l’immigration et à l’intégration (SGII), pourraient être également augmentés. Ce à quoi l’association estudiantine UNEF est fermement opposée taxant la proposition de : « recul majeur ». La Conférence des grandes écoles (CGE) prône, au contraire, l’intégration de 50.000 étudiants étrangers supplémentaires par an « sans en faire payer le coût au contribuable français ».
Manuel Valls soutient que l’augmentation des frais peut « s’accompagner d’un système de bourses plus favorable aux étudiants étrangers », précisant que la question « n’est pas tranchée, pas arbitrée ».
Quant à la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, elle estime que dans l’idéal « des enfants issus de familles qui ont des revenus suffisants et qui ne paient pas d’impôt en France » pourraient contribuer au financement du système français admettant néanmoins qu’une « telle augmentation ne toucherait in fine que 50.000 à 100.000 des 290.000 étudiants étrangers. »
A noter que le plafond des ressources nécessaires aux étudiants avait déjà été augmenté de 30% par la circulaire du 6 septembre 2011, et que les autorités françaises ont également par la suite augmenté les taxes pour l’obtention d’un premier titre de séjour pour les étudiants diplômés, les faisant passer de 85 euros à 349 euros, mesure présentée par ses détracteurs comme une manière de dissuader les employeurs et les jeunes diplômés de changer de statut.
Nawaat, le 24/05/2013