Cet article est issu de la Lettre de l'asile et de l'intégration, newsletter bimestrielle de France terre d'asile qui propose un éclairage sur des problématiques liées à l'asile et l’intégration en France. Inscrivez-vous pour la recevoir !
Avec trois médailles, les équipes olympique et paralympique des réfugiés ont décroché des victoires historiques durant les Jeux de Paris. Cette édition a accueilli la plus grande équipe de réfugiés depuis sa création il y a huit ans, avec trente-sept athlètes, dont huit para-athlètes, qui ont concouru dans douze disciplines.
« Nous allons montrer de quoi les réfugiés sont capables », déclarait le coureur malvoyant Guillaume Junior Atangana avant les Jeux. Le porte-drapeau paralympique a atteint son objectif en décrochant le bronze sur le 400m. Sa victoire complète un palmarès historique de trois médailles pour les délégations olympiques et paralympiques des réfugiés : Cindy Ngamba a remporté une médaille de bronze à l’épreuve de boxe, ainsi que Zakia Khudadadi en parataekwondo,
Plusieurs de ces athlètes ont trouvé refuge en France. C’est le cas de Farida Abaroge, coureuse du 1 500 m, réfugiée en France depuis 2017, sélectionnée pour être une des deux porte-drapeaux de l’équipe olympique des réfugiés à la cérémonie de clôture. Née en Éthiopie, elle pratique plusieurs sports, notamment le foot et le karaté. Mais ce n’est qu’une fois arrivée en France au terme d’un parcours d’exil d’un an passant par le Soudan, l’Egypte et l’emprisonnement en Libye, qu’elle décide de s’essayer à la course à pied. Elle commence alors à s’entraîner à Saverne, avant de rejoindre l’association sportive de Strasbourg, puis d’être acceptée en janvier 2024 dans l’équipe des réfugiés pour les Jeux de Paris 2024.
Zakia Khudadadi, elle, pratiquait déjà le parataekwondo en Afghanistan. En 2016, elle devient la première Afghane en situation de handicap à obtenir une médaille internationale. Née avec un bras atrophié dans une famille appartenant à la minorité chiite hazara, elle gagne difficilement sa place sur la scène du sport afghan. Mais lorsque les Talibans prennent le pouvoir en août 2021 et interdisent aux femmes la pratique du sport, continuer son entrainement la met en danger. Elle parvient à rejoindre la France et poursuit son entraînement en vue des Jeux paralympiques de Tokyo (qui ont eu lieu du 24 août au 5 septembre 2021), où elle concourt sous bannière afghane, avant de se voir reconnaître le statut de réfugiée en France. Le 29 août 2024, elle remporte le bronze dans sa discipline, la première médaille paralympique de l’histoire de l’équipe des réfugiés. Elle a également été choisie pour être porte-drapeau de l’équipe paralympique des réfugiés pour la cérémonie de clôture, dimanche 8 septembre.
« Façonner leur propre avenir, à leur manière »
L’équipe olympique et paralympique des réfugiés est créée à l’occasion des Jeux de Rio, en 2016. Dix athlètes composent alors l’équipe, puis 29 pour les Jeux de Tokyo en 2020.
Les trente-sept athlètes et para-athlètes sélectionnés pour les Jeux de Paris 2024 viennent du Cameroun, d’Ethiopie, de Syrie, du Soudan du Sud, d’Iran, du Venezuela, d’Afghanistan, de République démocratique du Congo, d’Érythrée, du Soudan, de Colombie ou encore de Cuba. Pour concourir au sein de l’équipe, les athlètes doivent, en plus de pratiquer leur discipline à un haut niveau, être reconnus réfugiés par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR). Filippo Grandi, Haut-Commissaire des Nations unies pour les réfugiés et vice-Président de la Fondation olympique pour les réfugiés a par ailleurs remporté le « laurier olympique », décerné par le Comité international olympique (CIO), pour le soutien qu’il a apporté au développement de cette équipe, et pour « le rôle crucial que le sport peut jouer en faveur de l'inclusion, du sentiment d'appartenance et du bien-être physique et mental des réfugiés », selon les mots du Président du CIO, Thomas Bach.
Pour leur permettre de financer leurs entraînements aux épreuves, les athlètes de l’équipe bénéficient de « bourses olympiques pour athlètes réfugiés », créées en même temps que l’équipe olympique des réfugiées, en 2016.
Mais l’action de la Fondation olympique pour les réfugiés qui gère ces bourses ne s’arrête pas là : elle gère également des programmes dans différents pays, destinés à faciliter l’accès au sport des jeunes en exil. L’objectif : permettre aux jeunes réfugiés de « trouver un sentiment d'appartenance grâce au sport et façonner leur propre avenir, à leur manière. ». Ces programmes passent par le financement d’entraînements, d’espaces sportifs sécurisés et d’activités sportives « adaptées au contexte local ».
Jeux olympiques, jeux politiques ?
Dès sa création, l’équipe olympique et paralympique des réfugiés veut porter « un message puissant d'espoir, d'appartenance et d'inclusion ». Elle permet de donner de la visibilité aux personnes réfugiées, dont certaines sont en situation de handicap, dans une compétition internationale très suivie à travers le monde. Au travers de cette équipe, les spectateurs mettent des visages et des noms sur ces personnes exilées, définies par leur performance sportive et non par leur statut de personnes migrantes. Elle donne toutefois l’occasion à celles et ceux qui le souhaitent de parler de leurs parcours d’exil et de la protection internationale qui leur a permis de poursuivre leur vie, et leur sport, en sécurité.
Loin de la liesse populaire et du symbole renvoyé par les victoires des athlètes et para-athlètes réfugiés, l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques a toutefois été accusée d’avoir eu un effet d’invisibilisation sur les personnes exilées les plus vulnérables, notamment à travers une accélération des évacuations de campements à Paris. Certaines associations accusent les autorités d’avoir procédé à une forme de « nettoyage social » de la ville à l’approche des Jeux.
Les messages politiques restent par ailleurs largement limités dans cette compétition sportive qui revendique neutralité et impartialité. Le message « Libérez les femmes afghanes » arboré par la danseuse Manizha Talash pendant l’épreuve de breakdance, acclamée par le public, a conduit à la disqualification de l’athlète réfugiée, en raison d’un article de la Charte Olympique qui interdit aux athlètes d’exprimer leurs opinions politiques pendant les Jeux. Manizha Talash a déclaré n’avoir aucun regret : « si c’était à refaire, je le ferais encore. Le soutien que m’ont apporté les femmes afghanes vaut la médaille d’or ». Son message a également été repris par Zakia Khudadadi, qui a dédié sa médaille à « toutes les filles et les femmes en Afghanistan, et [..] toutes les filles réfugiées à Paris et dans le monde », appelant à ne pas oublier les Afghanes. Et de conclure « Ensemble, on ne lâchera pas, jusqu’à la paix et la liberté ».