@ France terre d'asile
Cet article est issu de la Lettre de l'asile et de l'intégration, newsletter bimestrielle de France terre d'asile qui propose un éclairage sur des problématiques liées à l'asile et l’intégration en France. Inscrivez-vous pour la recevoir !
Depuis janvier 2023, France terre d’asile travaille à la mise en place d’un système de validation des acquis d’expériences des demandeurs d’asile visant à évaluer leurs compétences afin d’accroître leur intégration sur le marché de l’emploi. Zoom sur les Centres d’accueil pour demandeurs d’asile (Cada) de Chambon-le-Château et Langogne en Lozère où se développe ce dispositif innovant.
L’insertion socio-professionnelle est très souvent au cœur des projets mais aussi des difficultés des personnes exilées et l’intégration par le travail en est bien souvent la clef de voute. En effet, cette dernière contribue, entre autres, à l’apprentissage de la langue et l’autonomisation des personnes arrivant sur le territoire. Pourtant, l’accès au marché du travail reste un objectif souvent difficile à atteindre pour les réfugiés. En effet, les personnes ne sont pas autorisées à travailler pendant les six premiers mois du traitement de leur demande d’asile et ne peuvent pas accéder aux structures d’accompagnement à l’insertion, telles que Pôle emploi, avant d’avoir obtenu le statut leur accordant une protection. Au-delà des enjeux administratifs, les personnes exilées sont confrontées à un manque d’accès à la langue et de reconnaissance de leurs diplômes ainsi qu’à des différences entre les pays d’origine et la France en ce qui concerne l’exercice de certains métiers. Par conséquent, pour beaucoup, le Cada devient la seule structure source d’information et d’accompagnement, entrainant un risque de « décrochage » une fois que la prise en charge arrive à terme et que les personnes se retrouvent soudainement confrontées à la recherche d’emploi avec peu d’outils pour comprendre un marché du travail qui leur est étranger et qui souvent ne reconnait pas leurs compétences.
Face à cette réalité, les Cada France terre d’asile de Chambon-le-Château et Langogne, en Lozère, ont mis en place un dispositif innovant de reconnaissance des acquis d’expérience (RAE), en lien avec le réseau national « Différents et Compétents ». Initialement pensé pour des personnes en situation de handicap, ce dispositif consiste en une évaluation des compétences pour les personnes présentant des difficultés particulières à suivre une « formation classique », et prévoit la délivrance d’un certificat facilitant l’accès au marché du travail à l’issu de cette évaluation.
Les Cada de Chambon et Langogne se sont donc donnés pour objectif d’obtenir la certification d’une vingtaine de résidents sur 12 mois. Pour ce faire, l’intervenant social référent du dispositif a commencé par effectuer des entretiens préliminaires avec les résidents afin d’identifier leurs ambitions et leurs compétences initiales puis a organisé des ateliers autour des métiers de « peintre en bâtiment » et d’« agent de restauration », domaines professionnels correspondant aux expériences et aux intérêts des résidents. Ces ateliers suivent les « référentiels métiers », des grilles d’évaluation des compétences pour chaque type d’emploi, reconnues par l’Éducation nationale, et proposent des travaux supervisés. Ainsi, dans le cadre de la formation pour le métier de « peintre en bâtiment », les résidents effectuent des travaux de rénovation au sein du Cada ou dans des établissements désignés par la Mairie tandis que la formation du métier d’« agent de restauration » prévoit des exercices de nettoyage, de logistique et de cuisine dans un établissement scolaire. Par ailleurs, des cours de français se concentrant sur le monde professionnel sont également proposés. Ceux-ci répondent à un grand besoin des résidents qui, selon Yannick Thiercy, directeur des deux Cada, ont comme principale difficulté la maîtrise de la langue. Afin d’assurer un suivi personnalisé et un accompagnement pertinent, des résidents francophones et des bénévoles suivent individuellement les participants dans leur apprentissage du français tandis que l’intervenant social référent les conseille et évalue tout au long de leur parcours. Enfin, au terme de cette formation, les résidents sont soumis à une évaluation en présence d’un représentant de l’Éducation nationale et d’un professionnel du secteur, qui permet ensuite de reconnaître la maîtrise d’une partie des compétences nécessaires à un métier.
A ce jour, les deux Cada, ont pu faire passer l’évaluation de certification pour le métier de « peintre en bâtiment » à quatre personnes. L’une d’entre elles, un jeune homme ayant obtenu le statut de réfugié, travaille à présent dans une entreprise locale. Par ailleurs, des écoles de Chambon et Langogne sont également intéressées par l’embauche éventuelle de certaines résidentes qui suivent la formation d’ « agent de restauration ». Le 17 octobre 2023, un évènement communal est organisé à l’occasion des 20 ans de ces CADA et de la « semaine de l’intégration », au cours duquel les résidentes suivant la formation « agent de restauration » prépareront le repas pour de nombreux convives et pourront donner à connaître le dispositif.
A Chambon et Langogne, ce dispositif permet de répondre aux difficultés d’accès à l’emploi particulièrement conséquentes pour les demandeurs d’asile dans les milieux ruraux tout en contribuant à leur intégration dans leurs communautés d’accueil et à la déconstruction d’idées reçues et de préjugées envers les personnes exilées. Yannick Thiercy est d’ailleurs en lien avec d’autres structures accompagnant des personnes exilées intéressées par le partage de bonnes pratiques afin que Chambon et Langogne ne soient pas des cas isolés mais puissent servir d’exemple à suivre pour renforcer l’insertion socio-professionnelle des demandeurs d’asile et des personnes protégées partout en France.