Suite à son adoption en première lecture à l’Assemblée nationale, le projet de loi relatif à la protection des enfants, dont de nombreuses dispositions concernent directement les mineurs isolés étrangers, sera prochainement discuté au Sénat.
Le 16 juin dernier, Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé, et Adrien Taquet, Secrétaire d’Etat chargé de l’enfance et des familles, présentaient en Conseil des ministres un projet de loi relatif à la protection des enfants. L’objectif du texte présenté est, selon le gouvernement, d’introduire de nouvelles dispositions visant à améliorer les conditions de vie des enfants confiés à l’Aide sociale à l’enfance (ASE), mieux protéger les enfants contre les violences et mieux protéger les mineurs isolés étrangers. Suite à la publication de ce projet de loi, France terre d’asile a critiqué l’absence de mesures jugées nécessaires pour la protection effective des mineurs isolés étrangers, ainsi que la prédominance de mesures privilégiant une approche sécuritaire plutôt que protectrice.
Le projet de loi, voté en première lecture à l’Assemblée nationale le jeudi 8 juillet 2021 est actuellement examiné au Sénat.
En ce qui concerne les mineurs isolés étrangers, le texte présenté au Sénat contient, suite à l’adoption d’amendements en première lecture, une avancée législative majeure : l’interdiction formelle de la pratique des réévaluations de la minorité, pratique courante dans certains départements dans lesquels les enfants sont orientés après avoir été reconnus mineurs dans leur département de départ (article 14 bis), et néfaste pour les jeunes comme pour les finances de l’Etat.
À l'inverse, le projet de loi présenté au Sénat introduit l'obligation de recourir au fichier biométrique AEM (Appui à l’évaluation de la minorité) dans le cadre de l'évaluation de la minorité et de l'isolement (article 15). Cette mesure, imposée aux départements par le biais d'une forte contrainte financière, relève davantage du contrôle des flux migratoires et pourrait conduire à exclure des mineurs vulnérables de la protection de l'enfance.
En ce qui concerne les jeunes qui ont saisi le juge des enfants pour faire reconnaître leur minorité, nous sommes également inquiets qu’aucune solution ne soit apportée par le texte au problème des jeunes qui contestent l'évaluation de leur minorité devant le Juge des enfants. Pendant la durée de cet appel, alors qu'ils devraient être pris en charge et protégés par l'État, ils se retrouvent trop souvent sans solution dédiée, ballotés d'un acteur à l'autre, pour finir le plus souvent à la rue. Le principe de présomption de minorité doit être respecté pendant toute la procédure, principe consacré par les juridictions internationales et françaises. L'Aide sociale à l'enfance des départements doit conserver la responsabilité de la protection de ces jeunes tout au long de l'examen de leur situation par le juge des enfants, en bénéficiant pour cela de moyens supplémentaires de l'État.
Autre mesure inquiétante dans le projet de loi présenté au Sénat : aucune garantie appropriée n'est apportée par le projet de loi pour éviter les ruptures de parcours à 18 ans. La systématisation de la garantie jeune aux jeunes majeurs sortant de I' Aide sociale à l'enfance proposée par le texte (article 3 bis D) risque de se faire au détriment de I'Aide provisoire jeunes majeurs, plus adaptée aux jeunes majeurs étrangers. France terre d'asile appelle à une large régularisation des jeunes arrivant à la majorité et à la généralisation de I'Aide provisoire pour les jeunes majeurs, afin de ne pas réduire à néant les efforts en termes de scolarisation et de formation professionnelle de ces jeunes qui ne demandent qu'à s'intégrer.
Enfin, alors que le projet devait comporter une disposition visant à, enfin, formaliser les taux d'encadrement dans les dispositifs de protection de l'enfance, cette disposition a été retirée du projet présenté au Parlement. Cette mesure, dont nous espérons qu’elle soit réintroduite au Sénat, aurait permis de mettre fin au traitement inégalitaire des enfants entre départements et d'améliorer, enfin, la qualité de la protection de l'enfance.
La discussion sur le projet de loi qui devait avoir lieu au Sénat le 21 octobre a été reportée à une date ultérieure qui n’a à ce jour pas été définie.