Sous l’intitulé « contrôler l’immigration et améliorer l’intégration », le projet de loi a été présenté au Conseil des ministres le 1er février. Celui-ci constitue le second sous la présidence d’Emmanuel Macron après la loi Collomb de 2018 et comporte 27 articles sur plusieurs volets : travail, intégration, éloignement, mais aussi asile et contentieux des étrangers.
Réformes liées au système d'asile
Le projet de loi prévoit l’accélération de l’instruction des demandes d’asile en engageant une réforme structurelle (titre IV du projet de loi) du fonctionnement de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) et des guichets uniques pour demandeurs d’asile (GUDA).
L’article 20 prévoit que les décisions à juge unique à la CNDA deviennent la norme. Actuellement, la majorité des décisions de la CNDA sont prises en formation collégiale, composée de trois juges : un président issu de l’ordre juridictionnel administratif, un assesseur nommé par le Conseil d’État et un autre nommé par le Haut-Commissariat pour les réfugiés des Nations unies (HCR). Le recours au juge unique intervient de son côté lorsque le requérant relève de la procédure accélérée. Le juge unique pourrait renvoyer l'affaire devant une formation collégiale dans le cas où l’affaire présenterait une question qui le justifie, de son propre chef ou sur demande du requérant. Le projet de loi envisage également la possibilité de créer des chambres territoriales de la CNDA, déconcentrées et compétentes pour un ressort territorial donné, sans pour autant remettre en cause l’unité de la juridiction.
En outre, le projet de loi prévoit le remplacement des actuels GUDA par des pôles territoriaux nommés « France Asile ». L’objectif affiché est une réduction des délais en permettant aux demandeurs d’asile de s’enregistrer auprès de la préfecture, de recevoir les conditions matérielles d’accueil (CMA) et d’introduire leur demande d’asile auprès d’agents de l’Ofpra dans un même temps. La possibilité que les demandes ne soient pas enregistrées dans un pôle France Asile serait toujours possible sans que le texte n’indique d’autre modalité d’introduction de la demande.
Par ailleurs, l’article 4 projette d’ouvrir l’accès au marché du travail aux demandeurs d’asile ressortissants de pays à fort taux de protection internationale, dès l’introduction de leur demande. Le texte prévoit également qu’ils et elles puissent bénéficier des formations linguistiques dispensées dans le cadre du Contrat d’intégration républicaine (CIR) et de formations professionnelles. Aujourd’hui, les demandeurs d’asile ne peuvent accéder à l’emploi qu’après six mois et après avoir obtenu une autorisation de travail. Le projet de loi maintient toutefois l’autorisation de travail pour les demandeurs concernés (le taux de protection sera fixé par décret) et exclut également les personnes placées en procédures Dublin ou accélérée.
Éloignements
Le projet de loi vise également à simplifier le contentieux administratif des étrangers. À cette fin, l’article 19 envisage une réduction des procédures de recours qui passeront d’une dizaine à quatre. Le texte introduit une procédure de recours applicable à la plupart des obligations de quitter le territoire français (OQTF) et à certains actes administratifs qui y sont liés (refus de séjour, IRTF). Cette nouvelle procédure générale prévoit un délai de recours de 30 jours et un jugement rendu par une formation collégiale qui a six mois pour statuer. Par ailleurs, un seul et unique recours pourra être effectué sur différents actes administratifs délivrés concomitamment. Trois procédures spécifiques, maintenant un régime dérogatoire et parfois limitant pour les droits des requérants ont été prévues pour certains types de contentieux : les OQTF sans délai de départ volontaire, les décisions administratives liées à l’asile (arrêtés de transferts, OQTF pour les déboutés de l’asile, décision de refus des CMA), les arrêtés d’assignation à résidence ainsi que les décisions de placement en rétention administrative qui seront du ressort d’un juge unique ayant la possibilité d’être saisi dans des délais raccourcis.
Par ailleurs, le projet de loi entend supprimer des protections à l’éloignement. Par exemple, pour les personnes entretenant des « liens forts avec la France », comme les parents d’enfants français ou les personnes résidentes en France depuis 10 ans, il suffirait d’une « menace grave à l’ordre public » pour qu’elles puissent faire l’objet d’OQTF alors qu’elles en sont protégées aujourd’hui. Également, les protections relatives de ces personnes contre l’expulsion et les l’interdiction judiciaire du territoire français, communément appelé « double peine », sont considérablement amoindries, notamment lorsque la personne a été condamnée pour une infraction passible de cinq ans ou plus de prison, quelle que soit la peine effectivement infligée. Le projet ajoute également la possibilité de retirer ou de refuser l’émission ou le renouvellement d’un titre de séjour en cas de rejet des « principes de la République » sans qu’aucune explication ne soit fournie quant à ce qu’il adviendra des personnes concernées. Enfin, la condition de résidence est ajoutée pour le renouvellement de certains types de titres de séjour, à savoir ceux de moins d’un an.
Intégration par le travail
Le volet « intégration par le travail » introduit la création de titres de séjours « travail dans des métiers en tension » d’une durée d’un an (article 3). Le titre concernerait tout travailleur en situation irrégulière ayant « exercé une activité professionnelle salariée figurant dans la liste des métiers en tension depuis au moins huit mois sur les vingt-quatre derniers mois et vivant en France depuis au moins trois ans ». Seront exclus de la période de séjour et d’ancienneté les mois passés en tant qu’étudiant, saisonnier ou demandeur d’asile.
En parallèle, le projet de loi prévoit de conditionner la délivrance d’un titre de séjour long à un niveau de maîtrise du français qui sera fixé par décret du Conseil d’État. Jusqu’alors, la seule obligation légale était celle de suivre des cours du CIR. Cette mesure ne s’appliquerait ni aux personnes dispensées du CIR ni aux bénéficiaires de la protection internationale.
Rétention des mineurs
L’article 12 du projet de loi prévoit de limiter l'enfermement administratif des mineurs. Si la loi française interdit le placement en rétention des mineurs de moins de dix-huit ans dès lors qu'ils sont isolés, elle le permet en effet pour ceux qui accompagnent un étranger majeur. Cette mesure n’entrerait en vigueur qu’à partir du 1er janvier 2025 (article 27) et inclut trois dérogations majeures. En effet, la possibilité d'enfermer les mineurs âgés de seize à dix-huit ans accompagnant un étranger majeur est maintenue. Ensuite, l’interdiction ne vise que les centres de rétention administrative (CRA) et non les locaux de rétention administrative (LRA) ou les zones d’attente (ZA). Enfin, les territoires d’Outre-mer ne sont pas concernés par l’interdiction. Si l’article 12 n’exclut pas ouvertement les Outre-mer des dispositions sur l'enfermement administratif des enfants, l’article 26 ouvre la possibilité de prendre des mesures par voie d’ordonnance pour les territoires ultra-marins et le ministre de l’Intérieur a témoigné d’une volonté de maintenir un régime dérogatoire à Mayotte en la matière.