
Illustration : Marie Quilvin
Cet article est issu de la Lettre de l'asile et de l'intégration, newsletter bimestrielle de France terre d'asile qui propose un éclairage sur des problématiques liées à l'asile et l’intégration en France. Inscrivez-vous pour la recevoir !
Ikambere, la « Maison accueillante » en Kinyarwanda (langue parlée au Rwanda), a été fondée en 1997. La maison accueille aujourd’hui des femmes de toutes les origines vivant en situation de précarité et avec le VIH. France terre d’asile a rencontré une assistante sociale d’Ikambere et une femme soutenue par l’association depuis des années, qui accompagne à son tour des femmes migrantes.
Quelles sont les difficultés d'accès aux soins auxquelles font face les femmes migrantes porteuses du VIH ?
Barrière de la langue, manque d’accès à l’information, méconnaissance du système de santé… Les femmes migrantes arrivent dans un pays dont elles ne savent rien et dans lequel il leur est souvent difficile de communiquer avec les soignants.
La perception du corps dans leur pays d’origine n’est pas la même qu’en France et le VIH y est encore très tabou. L’idée la plus répandue est que cela toucherait des « femmes aux mœurs légères ». Quand les femmes sont diagnostiquées, il y a d’abord du déni. Puis les femmes craignent d’être stigmatisées, car quand la séropositivité est connue de l’entourage, elles sont souvent rejetées de leur cercle familial et mises à la porte.
Qu’est-ce que la maison accueillante Ikambere ?
Ikambere est un lieu qui propose une prise en charge globale et un accompagnement vers l’autonomie des femmes qui vivent avec le VIH. Quand ces femmes arrivent à Ikambere, elles sont d’abord accueillies par le service social qui fait un diagnostic de leur situation et leur propose un accompagnement adapté.
Des médiatrices en santé interviennent dans les hôpitaux et servent de relais entre les professionnels de santé et les femmes suivies par ces services. Elles mènent aussi des actions de sensibilisation et de formation auprès d'équipes soignantes, d’associations ou de centres d’hébergement qui pourraient accompagner des femmes vivant avec le VIH.
Ikambere accompagne ces femmes à travers un suivi d’insertion professionnelle et diverses activités collectives, comme de la socio-esthétique, du sport, de la danse-thérapie… Dans la salle de convivialité de l’association, les femmes se rencontrent tous les midis autour d’un repas chaud et peuvent échanger à propos de leurs expériences. Le but est d’encourager la resocialisation, qu’elles puissent se reconstruire personnellement et se stabiliser.
« Quand je suis arrivée en France de Côte d’Ivoire, je connaissais déjà mon statut [en tant que porteuse du VIH]. L’accompagnement médical en Côte d’Ivoire n’est pas le même qu’en France. Après mon arrivée, j’ai été suivie dans un Centre Hospitalier où j’ai rencontré les médiatrices de santé d’Ikambere. J’ai commencé à être accompagnée par l’association. Je venais tous les jours aux activités et aux repas. »
Quelles sont les méthodes de travail utilisées par Ikambere pour accompagner les femmes porteuses du VIH ?
Nous travaillons en co-construction avec les femmes accompagnées. L’accompagnement peut être individuel et personnalisé ou collectif par le partage d’expériences. Il se base sur le modèle de la pyramide de Maslow : au début, on essaye d’apporter une réponse aux besoins fondamentaux avec les repas partagés, les aides matérielles et alimentaires. Ensuite, on cherche à donner un cadre sécurisant aux femmes accompagnées, à travers des mises à l’abri en hôtel, puis des séjours à la maison reposante.
« Une semaine par mois, j’accompagne une dizaine de femmes en séjour à la maison reposante à Nesles-la-Vallée, un village calme. Il y a des coachs sportifs, on pratique la boxe, on fait de la gym douce, de la marche nordique, on mange équilibré. Ikambere c’est un tout ! »
Les femmes sont invitées à participer aux activités et à rencontrer d’autres. Vient ensuite la valorisation des compétences de chacune, avec des cours d’alphabétisation, de l’informatique, de la diététique…pour accéder à une vie autonome.
Ce sont des femmes migrantes, à la rue, qui ne parlent pas toutes couramment français, donc quand elles arrivent ici, elles sont très vulnérables. L’enjeu est vraiment de les aider à se rendre compte qu’aujourd’hui, le VIH est une pathologie avec laquelle on peut vivre en suivant les traitements médicaux adaptés.
Comment, et combien de temps, les femmes sont-elles accompagnées par Ikambere et soutenues vers l’autonomie ?
Il n’y a pas vraiment de durée. Cela dépend de la situation des femmes quand elles franchissent la porte. À Ikambere, il n’y a pas une entrée et une sortie. Une fois qu’on y est, on y reste pour toujours.
Aujourd’hui, la plus grande difficulté reste la régularisation. Il est difficile de mesurer l’accompagnement dans le temps parce que le parcours de régularisation est de plus en plus long et difficile. Tant que les femmes ne sont pas régularisées, elles ne peuvent pas vraiment être autonomes. Elles ne peuvent pas faire de formation ou prétendre à un logement. Elles dépendent donc de l’hébergement d’urgence mais même ça, c’est très compliqué. Elles sont maintenues dans la survie. Lorsqu’elles font des petits boulots non déclarés, elles sont exploitées. L’autonomisation passe vraiment par la régularisation.