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Publié le : 10/08/2010
L'avocat d'une condamnée à mort en Iran se réfugie à Oslo
C'est la conséquence d'une condamnation à la lapidation fortement médiatisée : Mohammad Mostafaei, avocat iranien, spécialiste des droits de l'Homme, vient de demander l'asile en Norvège après des menaces d'emprisonnement émanant des autorités iraniennes. Sa cliente la plus connue : Sakineh Mohammadi-Ashtiani, une Iranienne qui a récemment mobilisé l'opinion publique internationale à la suite de sa condamnation à la lapidation pour adultère.
La disparition de l'avocat a été signalée le 24 juillet, à Téhéran, après l'arrestation de sa femme et de son beau-frère. Amnesty International avait alors exprimé des craintes quant à la sécurité de celui considéré comme « une épine dans le pied » de l'Etat iranien.
Sa fuite a été épique : il a rejoint la Turquie à pieds, en voiture et à cheval, avant de recevoir l'aide de l'ambassade norvégienne à Istanbul pour se rendre à Olso.
Lors d'une conférence de presse donnée après son arrivée à Oslo, Mostafaei, 37 ans, a affirmé que son ancienne cliente ne souffrirait pas de son départ puisque d'autres avocats ont depuis repris le dossier :
« Cela va d'autant plus souligner le cas de Sakineh Mohammadi-Ashtiani. [...] Je ne pense pas qu'on lui fera du mal [...]. Les autorités iraniennes ont déjà payé un énorme prix avec cette affaire [et] la réputation internationale de l'Iran a déjà souffert à cause de la façon dont elle a été traitée. »
La mère de famille de 43 ans, avait été accusée d'adultère en 2006 et condamnée par la cour de Tabriz à 99 coups de fouet. Poursuivie pour le meurtre de son mari, son dossier a par la suite été réouvert. Malgré son acquittement dans cette affaire, le tribunal a de nouveau condamné Mohammadi-Ashtiani pour la charge d'adultère, cette fois à la mort par lapidation.
Mobilisés par son fils et son avocat, les médias internationaux plaident depuis plusieurs mois pour son acquittement.
Le président brésilien Lula, qui s'est récemment rapproché diplomatiquement de l'Iran, a lui-même réclamé son extradition vers le Brésil. Suite à la pression internationale, sa peine à été commuée à la mort par pendaison, une peine censée être plus « douce ».
Dans un message adressé au quotidien britannique The Guardian, daté du 6 août, elle déclare :
« [...] c'est parce que je suis une femme, c'est parce qu'ils pensent tout pouvoir faire subir aux femmes dans ce pays. C'est parce que pour eux, l'adultère est pire que le meurtre -mais pas tous les types d'adultères- : un homme adultère ne sera probablement même pas emprisonné mais une femme adultère, c'est la fin du monde pour eux.
C'est parce que je suis dans un pays où les femmes n'ont pas le droit de divorce et sont privées de leurs droits fondamentaux. »
La militante iranienne des droits de l'Homme, prix Nobel de la paix, Shirin Ebadi, aborde dans une tribune du Guardian le lendemain, le sujet de la lapidation d'un point de vue plus juridique. Elle décrit :
« La Révolution a mis en place une version de la loi islamique qui est extraordinairement dure -même selon les critères du monde islamique- faisant des relations sexuelles extra-maritales un crime punissable par la loi.
Sous ce code pénal, la punition pour un homme ou une femme célibataire, coupable de relations sexuelles en dehors du mariage est devenue 100 coups de fouet ; sous l'article 86, la punition pour une personne mariée est devenue la lapidation.
En apparence, la lapidation n'est pas une punition sexuée, puisque la loi stipule que les hommes adultères sont confrontés à la même fin brutale. Néanmoins, la loi iranienne permettant la polygamie, les hommes ont, dans les faits, une porte de sortie : ils peuvent prétendre que leur relation adultère était, en réalité, un mariage temporaire [...]. »
Cette pratique moyenâgeuse passe la plupart du temps inaperçue dans les médias internationaux. Shirin Ebadi explique :
« Pour éviter un tollé international, le gouvernement s'abstient d'annoncer les condamnations à la lapidation publiquement. C'est uniquement lentement et par le bouche-à-oreille, à travers les informations relayées par les familles et les avocats, que les affaires font leur chemin jusqu'aux médias.
Dans une telle situation, nous ne pouvons même pas savoir précisément combien d'Iraniens ont été exécutés d'une pareille manière dans les trois décennies passées. »
Malgré ces difficultés de recensement, le Comité international contre la lapidation a dénombré au moins 150 cas depuis 1979. Selon Amnesty International, au moins trois hommes et huit femmes sont actuellement condamnés à la lapidation en Iran.
Par Marie Telling, le 09/08/2010, rue89.com
Photo : Mohammad Mostafaei, en conférence de presse à Oslo, le 8 août 2010 (Hakon Mosvold Larsen/Reuters)