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KURDISTAN : les ratés d'une guerre humanitaire 2/2

Publié le : 05/09/2013

Au regard de la situation en Syrie où l'éventualité d'une intervention militaire est en ce moment même débattue, il est de bon ton de rappeler un certain nombre de précédents historiques au sujet de la militarisation de l'aide humanitaire.

Aujourd'hui, France terre d'asile revient sur une série d'articles publiée en 2011 en partenariat avec Libération, sur 40 ans de violations des droits de l'Homme dans le monde. Après l'exemple du Kosovo, voici celui du Kurdistan en 1991.



Tempête du désert sur l'humanitaire

La première guerre «chaude» de l'après guerre froide se termine dans les sables du désert irakien, et déjà une nouvelle ère s'annonce : celle du droit d'ingérence humanitaire avec son corollaire «la militarisation de l'humanitaire».

Par Brigitte Martinez

Tout commence dans l’immédiate après guerre du Golfe, celle de 1991. Encouragés par la victoire américaine, les Kurdes se rebellent contre Bagdad. Ils n’imaginent pas qu’un Saddam Hussein très affaibli par sa défaite pourrait les écraser. Et c’est pourtant ce qui se passe. La violence et la peur des représailles obligent les populations à fuir par centaines de milliers vers la Turquie et l’Iran, sous l’objectif des caméras qui couvrent la fin de la guerre. Impossible alors d’ignorer plus longtemps la question Kurde, de détourner la tête devant la souffrance. À la communauté internationale de prendre ses responsabilités.
 

Avec Bernard Kouchner à la manœuvre, Danielle Mitterrand et le Président de la République en appui, la France va réussir son coup à force de pressions, de débats et de batailles diplomatiques. Le 5 avril 1991, le rêve poursuivi par le « french doctor » depuis le Biafra devient réalité: le Conseil de Sécurité des Nations Unies vote la résolution 688, fondatrice du droit d’ingérence. Invoquant « une menace contre la paix et la sécurité internationale», l’ONU préconise l’intervention au Kurdistan irakien. L’opération militaro-humanitaire « provide comfort» est alors lancée. C’est une victoire pour la défense des victimes et pour les ONG qui souhaitaient pouvoir intervenir, en cas d’urgence humanitaire, dans les affaires intérieures d’un pays. C’est une victoire pour Bernard Kouchner qui s’opposait depuis longtemps «à la théorie archaïque de la souveraineté des États, sacralisée en protection des massacres.» L’exode des populations vers la Turquie et l’Iran est stoppée, et la zone de protection crée par l’ONU au nord de l’Irak se transforme de fait en région autonome Kurde. Elle se dotera par la suite d’un gouvernement et d’une armée.

L’intervention au Kurdistan irakien est la première d’une importante lignée d’autres ingérences humanitaires mandatées par l’ONU. Les opérations suivantes - Somalie, Bosnie, Rwanda, Kosovo - en multipliant les cas de figures, renforceront les critiques autour d’un concept qui révélait alors toute son ambiguïté, et que beaucoup condamnaient déjà au nom de la remise en cause de la souveraineté des États.

En devenant acteur de premier plan dans les relations internationales de l’après guerre froide, l’action humanitaire manifesta aussi sa faculté à se laisser instrumentaliser. À devenir le cache misère du manque de courage politique des états, de l’inertie européenne, comme en Bosnie. À servir de prétexte pour justifier une action militaire comme ce fut le cas au Kosovo. Ou à être, au contraire, réduite à l’inaction le temps d’un génocide commis au Rwanda. Et à servir aussi selon certains une politique impérialiste façon XIXème siècle, quand les opérations militaires se menaient au nom de la « défense de la civilisation». C’est d’ailleurs en s’appuyant sur ce dernier argument que le G 77 réunissant à l’ONU les pays en développement, condamna en 2000 le « prétendu droit d’intervention humanitaire».

Un autre problème apparu : à force de côtoyer les armées en zone de conflits, les champs d’interventions - militaire/humanitaire - autrefois bien distincts, en vinrent à se brouiller dangereusement. C’est ainsi qu’en Afghanistan, certaines ONG américaines rangées à la doctrine née en Irak du « bombs and bread», des bombes et du pain, se mirent à accompagner les opérations militaires pour protéger les populations et augmenter ainsi, pensaient-elles, les chances de «victoire». Les soldats français qui tentent de « gagner les cœurs» Afghans à coup d’opérations civilo-militaires, mélangent aussi les genre. Et c’est ainsi qu’à force de voir l’aide apportée avec un fusil, les populations finissent par confondre les humanitaires avec la force en place, et prennent les premiers pour cibles.

Ces dernières années, de nombreux coups de canifs ont été portés à ce qui fait l’ADN des ONG: impartialité, neutralité, indépendance. Certaines ont résisté, d’autres moins, tant la « révolution dans les affaires humanitaires» a changé la donne, faisant de l’action humanitaire un outil d’influence stratégique au service des politiques des grandes puissances. Les souffrances de demain en seront-elles mieux soulagées et de manière plus juste ? C’est un nouveau défi pour les enfants des « french doctors ».

Libération, le 14/03/2011

 

France terre d'asile, en partenariat avec Libération et l'INA, passent à la loupe un demi-siècle d'atteintes aux droits de l'Homme. Retrouvez l'intégralité des articles publiés pour l'occasion ICI


DIAPORAMA - L'opération Kurdistan à travers les Unes de «Libé»

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 Libération du 17/01/1991. Le 17 janvier
1991 les USA lancent l'opération "Tempête
du désert" sur l'Irak pour libérer le Koweït
envahi par les troupes de Saddam Hussein.
La victoire des alliés et les encouragements
américains poussent les Chiites, au sud de
l'Irak, et les Kurdes au nord, à entrer en
rébellion contre le pouvoir central de
Bagdad. Saddam Hussein réprime violemment
les deux soulèvements.  Une répression qui
ravive le souvenir des massacres de 1988.

 Libération du 10/09/1988. Entre février et
septembre 1988, Saddam Hussein avait en
effet envoyé ses troupes "nettoyé" le nord
du pays : il voulait en finir avec les Kurdes
qui revendiquaient leur indépendance et
avaient soutenu l'Iran pendant la guerre
Iran-Irak. Plus de 180 000 Kurdes perdront
la vie lors de représailles militaires. L'usage
de gaz chimique dans les bombardements
sera fréquent, notamment à Halabja où
5000 personnes vont mourir gazées en
quelques heures.

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 Libération du 04/04/1991. 3 ans après le
massacre d'Halabja, au lendemain du cessez-
le-feu signé entre les Alliés et Bagdad, le nord
de l'Irak est de novueau en proie à la violence
armée. Mais cette fois la communauté interna-
tionale est le premier témoin du drame. Forces
gouvernementales et Peshmergas, combattants
indépendantistes kurdes, s'affrontent, obligeant
les populations civiles à fuir les combats et la
répression.

 Libération du 03/04/1991. L'exode des
populations Kurdes commence en mars. Des
colonnes de miilliers de réfugiés marchent vers la Turquie et l'Iran, deux des autres pays  abritant une importante communauté kurde. Ils seront près d'un million et demi à passer les frontières en 1991.

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Libération du 08/04/1991. L'Onu, saisie par la
France au nom de l'ingérence humanitaire, finit par condamner la répression des populations kurdes par les troupes de Saddam. Elle donne
son "feu-vert" à la première opération "militaro-humanitaie" Provide Comfort chargée d'apporter de l'aide aux réfugiés dans une zone de protection interdite ç l'aviation irakienne. L'armée française y participe avec 2000 hommes. Les réfugiés rentreront petit à petit.

Libération du 11/04/2003. Si le Kurdistan
irakien échappe au contrôle de Bagdad après
la guerre du Golfe de 1991, c'est avec la
suivant Iraqi Freedom, et la chute de Saddam en 2003 qu'il gagnera encore en autonomie. La Région autonome du Kurdistan est aujourd'hui une entité fédérale internationalement reconnue.