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Publié le : 08/07/2011
La tragédie des boat people fuyant par centaines de milliers le régime communiste vietnamien provoqua en France une mobilisation sans précédent. En appelant les médias à leur secours, l'humanitaire imposait une nouvelle stratégie. L'opération « un bateau pour le Vietnam » donna le coup d'envoi de cette « révolution » dans les affaires humanitaires.
Quand Bernard Kouchner, french doctor déjà très médiatique voulut lancer en 1978 son opération « un bateau pour le Vietnam », il rencontra un certain sarcasme. L'opération fut renommée « un bateau pour Saint-Germain-des-Prés » et l'homme reçut bientôt la qualification d'« un tiers-mondiste, deux tiers mondain ». Qu'importe la raison des faits, des querelles et des hommes, la cause humanitaire devint à cette époque une aventure qui passait à la télé et s'affichait à pleine presse.
Le point de départ de cette « révolution » : l'épopée du « Haï-Hong », un vieux cargo rouillé errant de ports en ports sans pouvoir accoster nulle part en Malaisie. Sa cargaison n'est pas dangereuse elle est seulement humaine, composée d' hommes, de femmes et de nourrissons, tous affamés et tremblant, épuisés par des semaines de mer à fuir le Vietnam et son communisme au péril de leur vie. Ils sont 2 500 à s'entasser sur le rafiot branlant. La Malaisie, qui n'arrive pas à absorber ses réfugiés - elle en accueillera 60 000 pour la seule année 1978 - refuse de prendre en charge ces derniers arrivés. Cette attitude déclenche émotion et indignation à l'heure du JT : Agir s'impose, et de toute urgence : les pays occidentaux s'engageront à accueillir des réfugiés « triés » dans des camps installés par le HCR. Bernard Kouchner rassemble de son côté artistes et intellectuels de tout bord pour interpeller l'opinion : sauver des vies est à ce prix. L'opération humanitaire « un bateau pour le Vietnam » naît alors sous le feu des médias. Une première à cette échelle dans le domaine.
L'autre « première » c'est l'alliance de Sartre et de Raymond Aron. Les deux ennemis idéologiques iront en effet de conserve à l'Élysée soutenir le projet et tenter de soutirer 3 000 visas à Valery Giscard d'Estaing. Il en donnera 1 000 pour les réfugiés de l'opération, et le bateau partira. Il s'appelle « l'île de lumière », un nom pour espérer et qui s'accorde aux flashs qui ne cesseront de crépiter tout au long de la campagne. La presse accompagne en effet le bateau hôpital au quotidien, relate le travail des médecins, les secours en mer - il y en aura plus de 30 000 -, fait témoigner les réfugiés, rend compte de la vie en camps.
L'humanitaire a le geste héroïque et le spectateur apprécie, ce qui ne plaît pas à tout le monde : les french doctors se fâcheront et feront sécession. Qu'importe, l'aventure est un succès, et les opérations humanitaires reprendront désormais les mêmes armes médiatiques pour partir en campagne de terrain et bien sûr d'opinion. Il s'agit d'alerter pour sauver et pour tenter de peser sur les politiques publiques. Mais que se passe-t-il quand la lumière s'éteint ? Quand les bateaux de l'exil ne sont plus à la « une » ? Hier les bateaux de mer de Chine s'appelaient sampans et s'échouaient à Poulo Bidong. Aujourd'hui, les boat people s’appellent des harragas, ils empruntent des pateras. Ils sont Maghrébins, Africains, Afghans pour la plupart. Les rivages de Lampédusa, les côtes d’Espagne , d’Italie et de Grèce leurs sont familiers. Mais qui s’en soucient sauf lorsqu’il s’agit de dire que l’Europe a peur et qu'elle est frileusement repliée sur elle même ? Et quand les flashs ne marchent plus, qui peut dire ce qu'il advient des hommes qu'on appelle « boat people » ?
Brigitte MARTINEZ, 2011
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"Libération"du 16/06/1979. La Malaisie et la Thaïlande sont les deux principales terres de refuge pour les boat people : en 1978 la Malaisie en a recueilli 60 000. Leur afflux massif fini par provoquer leur rejet. |
"Libération"du 25/06/1979 : La communauté internationale s'émeut du refoulement des boat people et les médias lancent un cri d'alarme pour éviter les milliers de morts annoncés. Sartre et Aron s'associent pour aller plaider leur cause à l'Élysée. |
"Libération"du 20/07/1979 : Une conférence internationale pour débattre du sort des réfugiés est organisée par l'ONU à Genève. Les pays occidentaux s'engagent à accueillir des réfugiés. |
"Libération"du 21/07/1979 : A la conférence de Genève, la France ne semble pas se montrer très généreuse. Elle sera pourtant la 4ème terre d'asile (derrière les USA, le Canada et l'Australie) en accueillant 60 000 réfugiés dans une période très fermée à l'immigration. | "Libération"du 15/09/1979 : La mobilisation en faveur des boat people décline. "L'île lumière", le bateau hôpital affrété par Bernard Kouchner a terminé sa campagne humanitaire de 5 mois en mer de Chine. Les médias regardent ailleurs. |
"Libération"du 04/06/1987 : Les boat people fuient toujours le régime répressif Vietnamien. "La moqueuse", bateau de la marine nationale en patrouille en mer de chine, sauvera ainsi 354 personnes à la dérive. |