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La Cour nationale du droit d’asile accorde le statut de réfugié à des ressortissants palestiniens initialement protégés par l’UNRWA

Publié le : 27/01/2025

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© UNWRA / Ashraf Amra

Cet article est issu de la Lettre de l'asile et de l'intégration, newsletter bimestrielle de France terre d'asile qui propose un éclairage sur des problématiques liées à l'asile et l’intégration en France. Inscrivez-vous pour la recevoir !

En septembre 2024, un couple de ressortissants palestiniens habitants de la bande de Gaza, Monsieur et Madame S., se sont vu reconnaître le statut de réfugiés en France par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). Cette décision de la Cour ouvre la voie à la reconnaissance de la protection internationale aux Gazaouis arrivés en France qui dépendaient de la protection de l’UNRWA, cette agence étant considérée comme n’ayant plus la capacité de les protéger.

Monsieur et Madame S. sont arrivés en Guyane le 12 avril 2023 après avoir fui la bande de Gaza, où ils vivaient, car ils craignaient pour leur vie après avoir été menacés par le Hamas qui leur réclamait de l’argent, et en raison de la situation sécuritaire très dégradée à Gaza. Le couple a déposé une demande d’asile, mais l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), par une décision du 27 juillet 2023, a rejeté leur demande. Monsieur et Madame S. ont effectué un recours auprès de la CNDA, qui leur a reconnu le statut de réfugié le 13 septembre 2024. Cette décision est inédite : pour la première fois, des personnes sous mandat de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), ont obtenu la protection internationale en France. Cette jurisprudence permet dorénavant aux Gazaouis enregistrés à l’UNRWA d’obtenir l’asile en France, ce qui leur était impossible auparavant, étant considérés comme protégés par l’agence onusienne.

L’UNRWA, créée en 1979 par une résolution de l’Assemblée générale des Nations unies, avait initialement pour but de favoriser l’intégration des Palestiniens déplacés dans les pays voisins comme la Syrie ou le Liban. Son rôle a évolué et l’agence a désormais pour mission d’apporter une assistance aux réfugiés palestiniens dans les différents camps du Proche-Orient. Les Palestiniens inscrits auprès de l’UNRWA n’ont pas le même statut que les personnes réfugiées sous le mandat du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Ce statut de « réfugié palestinien » est octroyé aux personnes qui vivaient en Palestine entre le 1er juin 1946 et le 15 mai 1948, et qui ont dû fuir leur domicile au moment de la création d’Israël et pendant la guerre israélo-arabe de 1948, au cours de la « Nakba ». Ce statut est transmis à leurs descendants, ce qui n’est pas le cas pour les personnes bénéficiaires de la protection internationale au titre de la Convention de Genève, et les réfugiés palestiniens sont actuellement 5,98 millions. L’UNRWA gère aujourd’hui des établissements scolaires, de santé, des services sociaux et fournit de l’aide humanitaire d’urgence. Elle opère dans presque 60 camps en Syrie, au Liban, en Jordanie, Cisjordanie et la bande de Gaza.

 

Une « situation de violence aveugle d’intensité exceptionnelle »

Depuis le 7 octobre 2023, date des attaques de groupes armés palestiniens sur le territoire israélien ayant entraîné la mort de 1 163 personnes, l’Etat israélien a mené d’intenses bombardements aériens ainsi que des offensives terrestres sur la bande de Gaza. Un siège empêchant tous les Palestiniens de sortir de Gaza, et bloquant l’entrée des convois humanitaires sur le territoire a aussi été mis en place par Israël.

D’après le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) des Nations Unies, plus de 45 500 Palestiniens dont 13 500 enfants sont morts depuis le 7 octobre 2023 dans la bande de Gaza, et plus de 108 330 sont blessés. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) décomptait 10 000 personnes perdues sous les décombres au 4 décembre 2024. En décembre 2024, plus aucun des hôpitaux de la bande de Gaza n’était entièrement fonctionnel, et seuls 17 hôpitaux sur 36 ainsi que 50 établissements de soins de santé primaires sur 136 étaient partiellement fonctionnels.

Fin 2024, l’organisme Integrated Food Security Phase Classification (IPC) affirmait qu’entre septembre et novembre 2024, 1,84 million de personnes à Gaza étaient en situation de crise aiguë de l’alimentation et que 133 000 personnes étaient à risque élevé de famine. En décembre 2024, l’UNICEF alertait aussi sur une pénurie d’eau potable.

En février 2024, la CNDA avait pris acte de la « situation de violence aveugle d’intensité exceptionnelle » qui sévissait dans la bande de Gaza et octroyé la protection subsidiaire à un ressortissant gazaoui, mais ce dernier n’était pas inscrit auprès de l’UNRWA. La décision de septembre 2024 va plus loin, en affirmant que la protection des Gazaouis assurée par l’UNRWA n’était plus effective.

 

Tirer les conséquences d’une protection impossible

Plus de 260 travailleurs de l’UNRWA sont morts à Gaza depuis le 7 octobre, et plus de la moitié des bâtiments de l’agence ont été détruits.

De plus en plus en difficulté sur le terrain, l’UNRWA est fortement attaquée par l’Etat d’Israël et de moins en moins soutenue par la communauté internationale. En juillet 2024, le Parlement d’Israël a qualifié l’agence onusienne d’ « organisation terroriste ». En octobre 2024, la Knesset a voté deux lois interdisant les activités de l’UNRWA sur le territoire israélien, et suspendant les contacts entre les officiels israéliens et l’agence, ce qui empêche l’obtention de visas pour les travailleurs étrangers et limite, voire supprime, la possibilité de faire transiter des marchandises et des médicaments vers la bande de Gaza. Le Secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, soutient pourtant qu’« il n’y a pas d’alternative à l’UNRWA ».

La décision de la CNDA ne remet pas en cause le mandat de l’agence onusienne, mais acte qu’il ne lui est plus possible d’assurer la protection des réfugiés et déplacés internes dans la bande de Gaza : « L’UNRWA se trouve, dans la bande de Gaza, dans une situation telle qu’elle ne peut plus assurer, à la date de la présente décision, à aucun apatride d’origine palestinienne séjournant dans le secteur de sa zone d’opération où il avait sa résidence habituelle, des conditions de vie dignes ou des conditions minimales de sécurité ». « Son assistance ou sa protection doit donc être regardée comme ayant cessé à l’égard de ces apatrides d’origine palestinienne dans la bande de Gaza ».

La Convention de Genève de 1951 fonde la décision de la CNDA, lui permettant d’octroyer le statut de réfugié aux ressortissants palestiniens de la bande de Gaza sous mandat de l’UNRWA dans une telle situation. La directive européenne 2011/95/UE a retranscrit en droit européenne cette possibilité. Le 13 juin 2024, la Cour de justice de l’Union européenne avait elle aussi affirmé que « tant les conditions de vie dans la bande de Gaza que la capacité de l’UNRWA à remplir sa mission ont connu une dégradation sans précédent ».

Tous les Palestiniens ne sont pas enregistrés auprès de l’UNRWA, et ceux qui ne le sont pas pouvaient donc, avant même la décision de la CNDA du 13 septembre 2024, se voir reconnaître une protection internationale en France. Toutefois, contrairement à certains Etats européennes comme la Belgique et la Grèce, la France accueille aujourd’hui très peu de ressortissants palestiniens, et seulement 155 ont obtenu l’asile en France en 2023.

Le cessez-le-feu entre l’Etat d’Israël et le Hamas entré en vigueur le 19 janvier 2025 doit permettre l’entrée de nombreux camions d’aide humanitaire dans la bande de Gaza et une trêve au moins temporaire dans les combats, mais sa mise en œuvre est fragile. La capacité de l’UNRWA à de nouveau assurer une protection effective pour les Palestiniens enregistrés auprès de l’agence n’est donc pas actuellement envisageable au regard du contexte et de l’interdiction des activités de l’agence par le parlement israélien.