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Journée mondiale contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie : être une personne LGBTI+, toujours un motif d’exil

Publié le : 17/05/2024

Amendes, emprisonnement, lynchages publics… De peur d’être arrêtées et condamnées par les autorités ou agressées par des voisin·es ou des proches, de nombreuses personnes LGBTI+ sont forcées de fuir leur pays.

Dans une série de portraits issus de deux expositions, des personnes réfugiées LGBTI+ livrent les raisons de leur départ, leurs espoirs et le soulagement qu’elles ont ressenti à l’arrivée en France.

1000 DREAMS

Exposition collective de l'ONG Witness Change avec la participation du photographe Mirza Durakovic.

A découvrir jusqu’au 7 juin 2024 à la Fondation de l’Allemagne - Maison Henrich Heine à Paris.

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Céline Rodriguez Cairo, 38 ans, réfugiée d'origine cubaine

« Avant de quitter Cuba, mon rêve était d’avoir une vie meilleure... d’être acceptée dans la société et de jouir de mes droits », explique Céline Rodriguez Cairo (38 ans), une réfugiée cubaine transgenre qui vit actuellement à Paris. À Cuba, raconte-t-elle, elle a été condamnée à des amendes, arrêtée et battue en raison de son identité de genre, « les gens m’ont crié dessus, m’ont jeté des pierres » et « tous les jours, je ressentais que ma vie n’avait pas de futur ». En 2018, elle a fui pour Paris. « C’était comme une renaissance » : ainsi décrit-elle le moment où elle a appris que sa demande d’asile avait été approuvée. « J’avais l’impression de pouvoir m’établir ici en France, et que... les gens allaient m’accepter ». En dépit de son optimisme initial, elle précise que les discriminations sur le marché du travail ont affecté sa santé mentale et qu’elle a commencé à souffrir de crises d’agoraphobie.

Elle a toutefois trouvé un emploi de femme de ménage à domicile, et elle est désormais impliquée dans plusieurs organisations militantes. « Ma vie se poursuivra avec ma lutte contre les discriminations, conclut-elle. Je suis forte car j’ai traversé beaucoup d’épreuves ».

 

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Yosef, 36 ans, réfugié d'origine russe

« Mon rêve est toujours d’être chanteur ». Yosef (36 ans) est un réfugié et activiste LGBTQI+ russe qui vit en France. « J’ai travaillé dans plusieurs associations de défense des droits humains en Russie. J’ai été la cible de menaces. À cause de cela, j’ai décidé de quitter mon pays... Je l’ai aussi quitté pour pouvoir aimer librement ». Il explique comment il s’est senti au moment du départ : « je n’ai presque rien ressenti, comme dans une situation de guerre. On n’a pas le temps de ressentir quoi que ce soit, on est juste dans l’action ». À son arrivée en France, cependant, il a vécu un « grand stress. J’avais l’impression d’être entre deux mondes. Et, au fond de moi, je ne suis ni en Russie, ni en France ». Pour tenir, Yosef déclare avoir « beaucoup écrit. Et j’ai parlé avec Dieu ». Il attribue sa force à Dieu. « Pour moi, c’est grâce à Dieu que je peux vivre, faire des choses... Dieu est la force qui m’habite ». Yosef apprend aujourd’hui le français pour pouvoir étudier le théâtre à l’université.

Il aime ce que lui fait ressentir la création artistique : « je me sens vivant, heureux. Je ressens l’amour... et la passion ».

BANNIS

Exposition du photographe Quentin Houdas, visible en ligne.

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Jesca, 45 ans, réfugiée d'origine ougandaise

« Je m’appelle Jesca, j’ai 45 ans et je suis ougandaise. Je suis arrivée en France le 13 août 2016 après avoir été persécutée dans mon pays à cause de mon orientation sexuelle. Si tu es homosexuelle en Ouganda, le danger rôde partout et menace à chaque instant. D’un point de vue traditionnel, religieux, social et politique, tout nous est hostile. Tu es homo à tes propres risques.

Dès toute petite, je n’agissais pas comme les autres petites filles : je préférais les jeux de garçons ce qui désespérait mes parents. Ma mère me frappait, me confisquait mes jouets, je me suis sentie rejetée très tôt, et rapidement détestée par rapport à mes frères et sœurs.
J’ai réalisé que j’étais homosexuelle à l’âge de 16 ans, quand j’étais en senior two, ce qui correspond au lycée en France, au moment des premières amourettes. Depuis cette époque j’ai subi toutes les persécutions possibles.
J’ai terminé mes études à 26 ans et devins secrétaire au ministère de l’Éducation. J’étais encore célibataire mais rapidement je fus mariée à un homme que je n’aimais pas. Notre mariage a duré 13 ans, il ne reposait pas sur des bases solides et n’a jamais vraiment pu s’épanouir. Quoi qu’il en soit, j’ai suivi le chemin tracé pour toute femme ougandaise et suis devenue mère de deux enfants.
Un jour, une personne de mon entourage m’a dénoncée en tant qu’homosexuelle à mon mari. Il est sorti de ses gonds, m’a rejetée, a banni nos enfants, s’est montré agressif envers mes parents. Puis il m’a accusée auprès du gouvernement avec le soutien de ces derniers.
Petit à petit la rumeur s’est répandue dans notre entourage, j’aurais pu être tuée, battue en pleine rue par la foule. Si la police était intervenue à ce moment, au mieux elle aurait dispersé la cohue mais personne n’aurait été condamné, à part moi. Je me suis sentie menacée et condamnée à mort ; ma seule issue était la fuite.
Quand je suis arrivée en France, ma vie a radicalement changé en se chargeant d’espoir. J’aimerais profiter de cette tribune pour remercier du fin fond du coeur les associations qui m’ont soutenue et que je considère aujourd’hui comme des membres de ma famille. En premier lieu il y a l’Ardhis qui m’accompagne depuis le début et m’a permis d’obtenir mon statut de réfugiée après plusieurs mois difficiles de lutte et d’efforts. Il y a ensuite le CLF (Coordination Lesbienne de France), le Lesbian Beyond Boarders et l’OPAL (Out and Proud African LGBT).
Toutes ces associations réalisent un travail merveilleux ; grâce à elles je me sens libre, je considère enfin que je suis une personne respectable et que j’ai un avenir. La France est un bel endroit où vivre, qui m’a permis de me révéler, d’affirmer ce que je suis et d’en être fière.
J’ai maintenant le droit de communiquer librement, de me déplacer et de me promener dans n’importe quel espace public sans peur. J’ai de nombreux amis ici et mes enfants ont pu me rejoindre. Ces derniers sont ce que j’ai de plus cher au monde, je souhaite les préserver de tout ce que j’ai pu vivre dans le passé ; ils suivent ici leur scolarité normalement et sont soutenus. Mon premier but est de parler parfaitement français, puis de travailler et de payer des impôts et, enfin, je vivrai comme n’importe quelle Française. »
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Omid, 26 ans, réfugié d'origine iranienne

« Je m’appelle Omid, j’ai 26 ans et je viens d’Iran. Dans mon pays, tout le monde à tendance à se mêler des affaires du voisin, la liberté n’existe pas en public. Par exemple, si tu te promènes avec une fille et que vous semblez intimes, on risque de vous contrôler, de vérifier que vous êtes bien mariés ou de la même famille ; si ce n’est pas le cas, on vous embarque.

En privé, les jeunes font la fête, on boit de l’alcool, on danse, les filles retirent leur voile, on écoute de la musique ; je n’ai d’ailleurs pas perçu tellement de différences en arrivant en France. Seulement, en Iran, tout cela reste interdit. Si le voisin est en mauvais termes avec vous et qu’il entend la musique, il peut vous dénoncer et la police intervient, elle fouille l’appartement et vous emmène. 

Cette coercition permanente s’est en quelque sorte rendu autonome de la pression religieuse : la nouvelle génération est de moins en moins croyante mais les Iraniens restent embrigadés par des interdits qui structurent toute la société.
Il est tabou de vivre en Iran. Si tu n’es pas en couple après 25 ans, tu deviens suspect, on va te poser des questions et s’introduire dans ta vie privée. Ce n’est pas normal, les gens commencent à avoir un doute, tu subis des pressions et c’est de plus en plus invivable pour toi. Du coup les homos se résignent à vivre seuls à jamais ou se marient avec une femme, ils font semblant.
Si on découvre que tu es homo, alors on te tue par pendaison, immédiatement. Au mieux, nous sommes vus comme des malades ; une fille qui était tombée amoureuse de moi, compatissant sur ma condition, m’envoyait des articles de médecine en espérant me guérir.
Il n’y a pas longtemps j’ai annoncé mon homosexualité à des amis français, je tremblais, j’étais tétanisé, j’avais très peur de les perdre. Ils m’ont répondu que ça avait autant d’intérêt que de parler d’un match de foot.
En avril 2017 j’ai été admis à l’école des Beaux-Arts de Paris, j’en suis très fier. Je peins depuis des années, la plupart du temps clandestinement car, en Iran, il est interdit de représenter le corps humain. On nous apprend à recopier inlassablement de grands artistes iraniens validés par les autorités. Du coup, il n’y a pas de créativité, tout est encadré.
Mon travail s’axe sur la représentation de la figure humaine et je m’inspire d’artistes comme Lucian Freud et Francis Bacon. Si je n’avais pas bénéficié autant de la bienveillance de l’un de mes profs, j’aurais certainement été arrêté et peut-être condamné à mort.
Maintenant que je suis en France, j’essaie de nouer le maximum de contacts dans le milieu artistique, j’ai enfin la liberté de peindre, d’être soutenu, exposé et d’avoir un horizon ; maintenant je me sens bien. Je me promène paisiblement, je travaille librement, je n’ai plus peur des gens et je n’ai plus à m’organiser en fonction de mes angoisses. »