Publié le : 23/03/2006
Avec l’entrée en vigueur du Traité d’Amsterdam le 1er mai 1999, l’Union européenne a inscrit au sein de ses politiques communes l’harmonisation des politiques d’asile et d’immigration.
Il s’agissait pour les Etats membres d’adopter un ensemble de règles minimales permettant un premier rapprochement des politiques européennes en matière d’asile. Le 30 avril 2004 constituait l’échéance fixée par le Traité d’Amsterdam pour parvenir à l’achèvement de cette première phase d’harmonisation.
A cette date, plusieurs textes ont pu être adoptés :
- Une directive sur les normes minimales relatives à la protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées – 20 juillet 2001 ;
- Une directive sur les normes minimales d’accueil des demandeurs d’asile – 27 janvier 2003 ;
- Un règlement établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat responsable de l’examen d’une demande d’asile – 18 février 2003 ;
- Une directive relative au droit au regroupement familial – 22 septembre 2003 ;
- Une directive relative à la définition du réfugié et à la protection subsidiaire – 29 avril 2004 ;
- Une directive sur les procédures d’asile adoptée par le conseil des ministres le 1er décembre 2005.
La directive relative à la protection temporaire
Cette directive devait être transposée en droit interne le 31 décembre 2002 au plus tard. En réalité seule la loi du 26 novembre 2003 (JO le 27 novembre 2003) a intégré ses dispositions contraignantes au sein du code de l’entrée et du séjour des étrangers, articles L. 811-1 à L. 811-9 (anciennement ordonnance du 2 novembre 1945, articles 32 et suivants).
Outre ses références à la directive du conseil, la loi française dispose que :
- Le bénéfice de la protection temporaire est accordé pour une période d’un an renouvelable dans la limite maximale de trois ans.
- Le bénéficiaire de la protection temporaire peut demander une reconnaissance du statut de réfugié ou l’octroi de la protection subsidiaire sans renoncer temporairement aux droits liés à la protection temporaire.
La directive relative aux normes minimales d’accueil
La date de transposition de cette directive était fixée au 6 février 2005. Or, il a fallu attendre la publication du décret du 23 août 2005 modifiant le décret du 30 juin 1946 pour voir ses dispositions intégrées en droit interne.
La directive dispose :
- Dans son article 5 al. 1, §1: les demandeurs d’asile doivent être informés dans un délai de 15 jours après le dépôt de leur demande d’asile de leurs obligations et des avantages auxquels ils peuvent prétendre ainsi que des organisations susceptibles de les aider et de les informer.
• Cette disposition a été intégrée au sein de l’article 14 du décret de 1946 qui prévoit que les services de la préfecture doivent remettre au demandeur d’asile un document d’information sur ses droits et ses obligations au moment de sa demande d’admission au séjour au titre de l’asile et sur les organisations qui assurent une assistance juridique.
- Dans son article 5 al. 1, §1 : les Etats membres doivent faire en sorte que les informations ci-dessus mentionnées soient fournies dans une langue comprise par le requérant.
• Cette disposition n’étant pas contraignante, elle n’a pas été intégrée en droit français. Actuellement, un guide du demandeur d’asile, édité conjointement par le ministère de l’Intérieur, le HCR et Forum Réfugiés, est distribué en préfecture en trois versions linguistiques (français, anglais et russe).
- Dans son article 6 : les Etats membres font en sorte que les demandeurs d’asile reçoivent dans un délai de 3 jours après le dépôt de leur demande un certificat attestant de leur statut de demandeur d’asile.
• Cette disposition est intégrée au sein de l’article 15 §1 du décret de 1946 qui stipule que le demandeur d’asile est mis en possession d’une APS dans un délai de 15 jours. Le délai de 3 jours prévu dans la directive a simplement été repris dans le décret en ce qui concerne le renouvellement de l’APS qui doit être renouvelé dans un délai de 3 jours.
- Dans son article 11, la directive dispose que les Etats membres doivent fixer une période durant laquelle le demandeur d’asile n’a pas accès au marché du travail ; elle dispose également que si dans un délai d’un an l’organe de première instance n’a toujours pas pris de décision, les Etats doivent décider sous quelles conditions le requérant a accès au marché du travail ; elle dispose enfin que l’accès au marché du travail ne peut être refusé en phase de recours sauf si les Etats souhaitent donner priorité aux ressortissants nationaux et étrangers installés régulièrement sur le territoire.
• Cette disposition a été reprise au sein des 16 §3 et 17 §2 du décret de 1946. Elle revient en quelque sorte en arrière par rapport à la législation antérieure dans la mesure où le décret précise que l’accès au marché du travail ne peut être autorisé aux demandeurs d’asile que lorsque l’OFPRA ne s’est pas prononcé au bout d’un an de procédure (alors qu’auparavant cette accès était possible si le requérant obtenait une autorisation des services de l’emploi). Passé ce délai ou en cas de retour devant la CRR, le droit d’accéder au marché du travail peut être reconnu suivant les règles de droit commun applicables aux travailleurs étrangers pour la délivrance d’une autorisation de travail.
Le règlement Dublin II
D’applicabilité immédiate, le règlement Dublin II est entré en vigueur le 25 février 2003, date de sa publication au journal officiel de l’Union européenne. Il reprend fondamentalement les principes et critères de la Convention de Dublin de 1990, en vigueur depuis 1997.
- La responsabilité de la demande d’asile demeure confiée à l’Etat assumant la plus grande responsabilité quant à l’entrée du demandeur d’asile sur le territoire commun (soit par la délivrance d’un visa, soit par le contrôle défectueux des frontières).
- Le règlement modifie cependant les délais applicables pendant la procédure Dublin (article 69) : les Etats membres disposent de 3 mois pour introduire une demande de transfert; l’Etat saisi dispose de deux mois pour répondre à toute demande de transfert ; le transfert doit être exécuté sous 6 mois, sous peine que la demande d’asile soit de la responsabilité de l’Etat qui a demandé le transfert).
- Enfin, il dispose que le recours contre une décision de transfert n’est pas suspensif et ne fait donc pas obstacle à une mesure d’éloignement.
La directive relative à la définition du réfugié et à la protection subsidiaire
Adoptée le 29 avril 2004, cette directive doit être transposée en droit interne le 10 octobre 2006 au plus tard. D’ores et déjà la réforme du droit d’asile initiée en 2003 a introduit certaines des dispositions de cette directive.
Elles concernent :
- La création d’une protection subsidiaire. L’article 15 de la directive établit que pour pouvoir bénéficier de la protection subsidiaire, le requérant doit justifier craindre : la peine de mort ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre sa vie ou sa personne en raison d’une violence aveugle ou en cas de conflit armé interne ou international.
• L’article L. 712-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers a repris plus ou moins les termes de la directive, en spécifiant toutefois que dans une situation de violence généralisée, les menaces doivent être « graves, directes et individuelles ».
- Les acteurs de la protection. L’article 7 de la directive revient sur l’idée que le statut de réfugié est une protection de substitution lorsque la protection du pays d’origine est défaillante. Elle entend par acteurs de la protection : l’Etat, les partis ou organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci.
• L’article 713-2 reprend cette disposition en précisant seulement que « les autorités susceptibles d’offrir une protection peuvent être les autorités de l’Etat et des organisations internationales et régionales ».
- L’asile interne. L’article 8 de la directive dispose que les Etats membres peuvent déterminer qu’un demandeur n’a pas besoin de protection lorsqu’il peut trouver refuge dans une partie du territoire de son pays d’origine.
• Cette disposition a été retenue à l’article L. 713-1 du code des étrangers.
La directive relative à la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié
Adoptée le 1er décembre 2005, cette directive doit être transposée en droit interne avant le 1er décembre 2007.
- Pourtant, avant même son adoption, le gouvernement a introduit dans la législation française la notion de pays d’origine sûr contenu à l’article 31.
• Selon l’article L. 741-4, 2° du code des étrangers, l’admission d’un demandeur d’asile peut être ainsi refuser à « l’étranger qui demande à bénéficier de l’asile et qui a la nationalité (…) d’un pays considéré comme un pays d’origine sûr ».
Des discussions sont actuellement en cours en vue de l’établissement d’une liste de pays d’origine sûrs commune aux Etats membres de l’Union européenne. Cette liste coexistera avec les listes nationales, notamment celle adoptée par l’OFPRA le 30 juin 2005.
La directive établit également la notion de pays tiers sûr. Elle énumère les hypothèses dans lesquelles les Etats sont autorisées à effectuer un examen accéléré de la demande d’asile et peuvent rejeter une demande pour irrecevabilité.
Ce texte garantit certains droits aux demandeurs d’asile. Le caractère contraignant de ces droits est cependant variable. Ainsi, la directive prévoit, entre autres, le droit à l’assistance judiciaire gratuite, au moins en seconde instance et pour les personnes ne disposant pas de ressources suffisantes. Par conséquent, la condition d’entrée régulière sur le territoire français pour pouvoir bénéficier de l’aide juridictionnelle devant la Commission des recours des réfugiés devra être abrogée.
La directive invite également les Etats à informer les demandeurs d’asile « dans une langue dont il est raisonnable de supposer qu’ils la comprennent » du résultat de la décision lorsqu’ils ne sont pas assistés d’un conseil ainsi que des possibilités de recours. Par ailleurs, même si seule l’assistance d’un interprète lors de l’entretien est obligatoire, la directive préconise le recours à ce service pour présenter ses arguments aux autorités compétentes.
L’article 14 de la directive prévoit certaines garanties relatives à l’entretien personnel dans le cadre de la procédure. Par exemple, les Etats membres doivent veiller « à ce que les demandeurs aient accès en temps voulu au rapport sur l’entretien personnel…[et] suffisamment tôt pour leur permettre de préparer et d’introduire un recours dans les délais ».