Cet article est issu de la Lettre de l'asile et de l'intégration, newsletter bimestrielle de France terre d'asile qui propose un éclairage sur des problématiques liées à l'asile et l’intégration en France. Inscrivez-vous pour la recevoir !
Parcours migratoire, maîtrise du français, qualifications, insertion professionnelle, logement, santé : l’étude Elipa 2 apporte des éclairages sur les freins et les opportunités d’amélioration pour l’intégration des personnes étrangères en France, avec un focus spécifique sur les réfugiés. Les situations de ces derniers, avant et à leur arrivée en France impactent fortement leur parcours d’intégration, la langue et la santé mentale ressortant comme des enjeux majeurs.
Etude inédite par son ampleur, l’Enquête longitudinale sur l’intégration des primo-arrivants (Elipa), dont le deuxième volet vient de paraître, permet d’appréhender les parcours des personnes arrivant en France. Plus de 6 500 primo-arrivants ont été sondés entre 2019 et 2022. Pilotée par le service statistique du ministère de l’Intérieur, l’étude se penche sur l’évolution de l’intégration de ces primo-arrivants originaires d’un pays tiers à l’Union européenne, arrivés en France avant 2018 et disposant d’un premier titre de séjour, hors motif étudiant.
Ce deuxième volet de l’étude consacre un chapitre au parcours d’intégration des personnes réfugiées illustrant les aspects où leurs parcours ressemblent ou diffèrent de celui des autres primo-arrivants notamment concernant l’accès au logement, le niveau d’études et de français, l’insertion sur le marché du travail et l’état de santé.
Insertion sur le marché du travail
Plus diplômés, les personnes réfugiées affrontent pourtant plus de difficultés pour accéder à un emploi en France, même si au fil des années l’écart diminue par rapport aux autres étrangers. L’enquête montre qu’un bénéficiaire d’une protection internationale (BPI) sur quatre est diplômé de l’enseignement supérieur à son arrivée en France et 54 % d’entre eux font une démarche de reconnaissance de diplôme, soit 15 points de plus que les primo-arrivants qui ne bénéficient pas de protection.
Source : Graphiques sur la base des chiffres de ministère de l’Intérieur et des outres mer – « Le parcours d'intégration des réfugiés » Elipa 2
A leur arrivée en France, le taux de chômage est plus élevé pour les réfugiés que pour le reste des primo-arrivants, 34 % contre 19 % respectivement. Néanmoins, cet écart se réduit considérablement les trois années suivantes avec 63 % de réfugiés ayant un emploi contre 68 % pour les autres primo-arrivants, ce qui peut s’expliquer en partie par l’interdiction des demandeurs d’asile d’accéder au marché du travail durant leur demande d’asile puisqu’un certain nombre des personnes ciblées par l’étude étaient toujours dans la procédure de demande d’asile. D’autre part, en 2019, les réfugiés occupaient moins souvent un emploi en CDI que les autres primo-arrivants ; étaient en poste depuis moins longtemps et travaillaient souvent en temps partiel contraint. De la même manière, sur les trois années qui suivent, les écarts de type d’emplois occupés par les réfugiés et autres primo-arrivants diminuent avec 65 % des réfugiés qui sont en CDI contre 71 % des autres.
Activité des BPI et des non-BPI, depuis leur arrivée en France à 2022
Source : Ministère de l’Intérieur et des Outre-Mer – « Le parcours d'intégration des réfugiés » Elipa 2
Conditions et accès au logement
Pour les personnes bénéficiaires d’une protection internationale, la migration constitue une dégradation significative de leurs conditions de logement dans la durée. Dans leur pays d’origine, un tiers étaient propriétaires de leur logement, mais à l’arrivée en France ils sont surreprésentés dans des centres collectifs et des logements de fortune par rapport aux autres primo-arrivants. Au cours des années suivantes, leurs conditions de logement s’améliorent. En 2019, 46 % d’entre eux occupent un logement « autonome », et en 2022 ce pourcentage atteint 70 %. Cependant, les inégalités persistent entre les personnes bénéficiaires d’une protection et les autres primo-arrivants : elles continuent de dépendre davantage des logements sociaux, vivent en moyenne dans des espaces plus petits et indiquent être plus isolés des services du quotidien. En ce qui concerne le mode de recherche d’un logement, le parcours des personnes réfugiées est également très différent de celui des autres personnes migrantes étudiées. Les acteurs associatifs jouent un rôle central pour les BPI puisque dans 25 % des cas c’est à travers des associations qu’ils ont trouvé leur logement, un chiffre quatre fois plus élevé que pour les autres primo-arrivants.
Santé mentale
L’enquête a également mis en avant la santé mentale des personnes réfugiées comme un facteur influençant leur intégration, et qui diffère significativement de celui des autres primo-arrivants. En effet, 45 % d’entre elles déclaraient avoir des symptômes dépressifs en 2019, soit 14 points de plus que les primo-arrivants ayant d’autres types de statut. Trois ans plus tard, cette part diminue à 25 %, soit une part similaire à celle des non-réfugiés. D’après le rapport, cette évolution s’explique par le lien étroit entre la santé mentale d’un immigré et la réussite de son parcours d’intégration. En effet, les parcours migratoires, souvent marqués par des événements traumatisants, font que la santé mentale des personnes demandant l’asile est plus vulnérable ce qui peut freiner leur intégration lorsque ces vulnérabilités ne sont pas prises en compte. Plusieurs associations soulignent la nécessité de cette prise en charge et les obstacles toujours présents à cet égard.
Le français, barrière ou levier pour l’intégration ?
Là où dans les autres domaines les écarts entre les réfugiés et les autres primo-arrivants diminuent, dans l’apprentissage du français ils persistent. En 2019, 35 % des personnes bénéficiant d’une protection sont dans l’incapacité de réaliser le test oral d’Elipa 2, contre 16 % seulement des autres primo-arrivants. Cet écart est d’autant plus important à l’écrit où le taux est deux fois plus haut que celui des autres primo-arrivants.
Niveau de compréhension écrite et orale du français des primo-arrivants
Source : Ministère de l’Intérieur et des Outre-Mer – « Le parcours d'intégration des réfugiés » Elipa 2
Ces difficultés s’expliquent notamment par l’absence de cours de langue pour les demandeurs d’asile de manière systématique. En effet, les personnes doivent attendre de bénéficier de la protection internationale pour avoir accès à des cours dans le cadre du Contrat d’intégration républicaine (CIR) proposant des formations. Cette difficulté est identifiée depuis longtemps par les associations qui demandent la mise en place de cours de français dès l’introduction de la demande d’asile afin de faciliter l’intégration socio-professionnelle de ce public.
L’enquête met donc en lumière le besoin d’une prise en charge adaptée et spécifique aux difficultés rencontrées parc les personnes réfugiées et ce depuis le dépôt de la demande d’asile, notamment concernant l’accès à l’apprentissage de la langue et à une prise en charge des besoins en matière de santé mentale.